Des travaux ont analysé le rôle joué par les acteurs informels des filières irriguées par les eaux souterraines en Afrique du Nord. L’étude, publiée dans la revue Hydrogeology Journal, démontre que ces acteurs sont les catalyseurs du développement de cette agriculture irriguée. Il parait donc particulièrement pertinent de les impliquer dans l’exploitation durable des aquifères. En cette veille de Journée mondiale de l’eau, rappelons que les eaux souterraines constituent l’un des axes majeurs de la gestion des ressources hydriques.
Concilier une gestion durable des nappes souterraines avec le maintien d’une agriculture dynamique est un enjeu crucial en Afrique du Nord, comme dans de nombreuses régions du monde. Une étude a récemment donné des éléments de réponse pour relever ce défi : inclure tous les acteurs, formels et informels, des filières agricoles irriguées dans les processus de gestion de l’eau souterraine.
L’analyse s’est intéressée au maraîchage à haute valeur ajoutée d’oignons et de tomates dans trois territoires irrigués au Maghreb : la plaine du Saiss au Maroc, les Zibans en Algérie et le Kairouannais en Tunisie.
Ces travaux ont été menés par le Cirad, l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (Maroc), l’École nationale supérieure agronomique (Algérie) et Irstea, dans la cadre du projet Groundwater Arena. Ils ont donné lieu à une publication, dans la revue Hydrogeology Journal, qui a été récemment sélectionnée comme « editor’s choice » pour son approche interdisciplinaire innovante, qui fait le lien entre l’eau et les acteurs de filière.
Une agriculture dynamique qui pèse sur les ressources hydriques
En Afrique du Nord, l’exploitation des eaux souterraines pour l’irrigation s’est développée considérablement ces 50 dernières années. Cette croissance de l’activité agricole a eu des retombées positives à la fois économiques et sociales, mais elle est également responsable de la surexploitation des nappes souterraines.
En sécurisant l’accès à l’eau, la dynamisation du secteur agricole a permis, par effets d’entrainement, le développement rapide d’activités indirectes en amont et en aval des filières de production (commerçants, distributeurs, fournisseurs d’équipement, de semences, d’intrants, etc.). Ces acteurs de la chaîne d’approvisionnement opèrent souvent en marge des politiques publiques et sont habituellement décrits comme « informels », « non structurés », et comme participants à « l’exploitation anarchique des eaux souterraines ».
Des acteurs clés dans le développement agricole
Le rôle de ces acteurs liés aux activités agricoles est largement ignoré par les politiques publiques et n’a été que peu étudié avant ces travaux. Or, l’étude démontre qu’ils sont les catalyseurs du développement de l’irrigation par les eaux souterraines. En plus de contribuer à l’amélioration de la production et à l’accès au marché, ils fournissent des prestations complémentaires tels que des crédits, des subventions et participent à la dissémination de l’information et de l’innovation... En effet, les services formels d’assistance agricole (banque, assurances, formation, information technique…) ne sont pas suffisants ou peu adaptés à cette économie récente.
Impliquer ces acteurs dans la gestion des eaux souterraines
« Malgré leur rôle clé dans le développement de l’irrigation, ces acteurs informels sont rarement consultés dans la gestion de la ressource en eau ou inclus dans les réflexions sur les mesures durables d’exploitation des nappes souterraines, » précise Caroline Lejars, agro-économiste au Cirad et première auteure de l’étude. Pourtant, impliquer certains de ces acteurs dans les processus de régulation de la gestion d’eau souterraine semble particulièrement judicieux. » Une première étape dans ce sens consisterait, selon les auteurs, à étudier le réseau de ces acteurs pour identifier ceux qui jouent un rôle clé dans le développement des pompages et de l’irrigation. Une seconde étape serait de les impliquer comme vecteurs d’innovations menant à des pratiques agricoles plus durables, ou de les inclure dans les démarches de concertation et de certification réalisées à l’échelle des bassins versants et non uniquement à l’échelle des filières de production. Le défi principal est de savoir comment les impliquer dans de tels processus tout en tenant compte de leurs stratégies de développement propres.
Communiqué du Cirad
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12/12/24 à 10h17 GMT