D’après les données recueillies par Rainforest Alliance, organisation internationale travaillant pour la conservation de la biodiversité et l’amélioration des revenus des communautés, les forêts sacrées des hautes terres de l’Ouest [où sont localisées les régions de l’Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun; ndlr] font face à une dégradation avancée. « Elles ne sont plus autant riches en essences ou en espèces végétales. Il y a 30 ans, on avait environ plus de 60% de forêts sacrées qu’aujourd’hui. Certains chefs ont parlé des forêts sacrées estimées à 60 voire 70 hectares et craignent qu’il y ait encore moins de la moitié », explique la directrice régionale de Rainforest Alliance pour l’Afrique centrale, Nadège Nzoyem.
Lors d’un atelier organisé le 2 novembre 2021 à Bafoussam avec onze chefferies, les activités humaines ont été dénoncées comme étant des menaces pour les forêts sacrées. Le chef supérieur de Bamougoum, Sa Majesté Mitterand Moumbé Fotso, a dénoncé l’agriculture pratiquée par les femmes et le ramassage du bois de chauffage par les jeunes. Pour sa part, Sa Majesté Innocent Nayang Toukam, chef supérieur Batoufam, évoque l’exode urbain qui pousse les jeunes en provenance de la ville à couper les arbres des forêts sacrées pour les constructions de maisons. Pourtant, ces espaces sont reconnus comme étant les seuls îlots de forêts conservés et de véritables sanctuaires de la biodiversité végétale et animale, partant des alternatives à explorer pour la sauvegarde de l’environnement.
Pour améliorer la conservation de ces forêts sacrées, quelques actions d’envergure ont été déclinées. Il s’agit notamment de la délimitation participative des espaces sacrés avec l’implication des communautés et des chefs traditionnels, de l’encadrement des activités à mener dans ces périmètres « sacrés » (c’est-à-dire des endroits où seules des personnes initiées peuvent y avoir accès) tel qu’exprimé par Fon Angafor Mombo-Oh III, chef supérieur de Bambui dans le Nord-Ouest et de l’identification et la mise en œuvre des bonnes pratiques de gestion et de valorisation économique des forêts sacrées, etc. La sensibilisation des groupes cibles impactant négativement la forêt sacrée et le renforcement des initiatives de tourisme culturel sont aussi des chantiers à engager. La mise en œuvre de ces activités va se décliner sur la période allant de janvier 2022 à juin 2024. La réussite de l’initiative passe surtout par le Consentement libre, informé et préalable (CLIP) des chefs traditionnels ainsi que l’implication de ces dignitaires traditionnels dans la mise en œuvre des mesures de conservation respectant les coutumes et les traditions locales.
La conservation des forêts sacrées s’inscrit en droite ligne du projet COBALAM qui consiste à éliminer les obstacles à la conservation de la biodiversité, à la restauration des terres et à la gestion durable des forêts par la gestion communautaire des paysages. Approuvé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) en février 2020 pour le compte de sa sixième phase opérationnelle (FEM6), COBALAM est mis en œuvre par ONU-Environnement et le ministère camerounais en charge de l’Environnement (Minepded), en partenariat avec Rainforest Alliance. Le coût global du projet qui s’étend sur la période 2020-2025 est de 3,1 millions de dollars, soit 1,7 milliard de F.
06/05/24 à 12h32 GMT