Le troisième grand thème de cette conférence sur la responsabilité environnementale portait sur les acteurs et la répartition de la charge des dommages. Trois catégories de problèmes ont d'abord été abordées concernant respectivement la responsabilité des groupes des groupes de sociétés, la réponse assurantielle et la déresponsabilisation des exploitants du fait d'une responsabilité de plus en plus imputable à l'Etat.
Sur la question des groupes e sociétés, l'enjeu examiné par Mme Blandine Rolland de l'Université de Haute Alsace est de savoir dans quelle mesure une responsabilité environnementale peut être mise sur le chef d'une société commerciale constituée par un ensemble de sociétés unies entre elles par des liens financiers : d'une part, une société-mère ou société de 1er rang et d'autre part, une société dont les actions sont tenues par la société de 1er rang (société de 2ème rang). La jurisprudence de la Cour de cassation connaît désormais de ces questions qui ne sont pas sans influence sur la détermination de l'exploitant responsable. Après avoir fermé la porte à toute mise en responsabilité de la société-mère, le droit y revient désormais, souvent par voie législative comme l'illustre une loi de 2003. Il est à noter que la loi sur la responsabilité environnementale qui transpose la directive communautaire sur cette responsabilité prévoit un contrôle de l'activité mais non de l'exploitant en titre et apparaît donc à ce stade inutilisable. La question de l'identification de l'exploitant responsable pose logiquement celle de l'identification des responsabilités pouvant être engagées. Il peut s'agir selon Mme Rolland d'une responsabilité du fait d'autrui pour ce qui concerne l société-mère à 'égard de l'une de ses filiales. Il peut également s'agir d'une responsabilité objective de la mère au titre de sa filiale comme il résulte de la loi de transposition de la directive sur la responsabilité environnementale. Les obligations nées de cette responsabilités et qui pèsent alors sur la société responsable sont essentiellement des obligations de remise en état.
Les garanties financières apportées par les assurances constituent également un mode privilégié de la réparation. Cette réponse assurantielle, selon Mme Elisabeth Abrassard, Directrice d'Assurpol, un groupement d'intérêt économique actif dans le domaine de la co-réassurance depuis une trentaine d'années (notamment sous l'appellation de Garpol) constitue une réponse juridique importante de l'article 14 de la directive sur la responsabilité environnementale qui prévoit de telles garanties sans préciser particulièrement. A cet égard, la politique des sociétés de réa-assurance s'adapte progressivement à cette donne. Schématiquement, le dispositif repose sur la cession des risques environnementaux par des adhérents-assureurs et sur une réassurance par l'ensemble de ces adhérents-assureurs et réassureurs. Il s'agit d'une garantie qui fonctionne plutôt bien sur la base d'analyses de risques approfondies et tarifés. Sont concernés, tous les exploitants et toutes les activités professionnelles à propos tant des atteintes classiques à l'environnement qui relèvent de la responsabilité civile que pour les dommages à l'environnement dans le cadre de la responsabilité environnementale qui tendent à y échapper dès lors qu'ils mettent en cause les biens propres de l'assuré ou les biens dont il a la garde.
Il résulte de l'analyse que le système actuel n'impose pas d'obligation d'assurance dans le cadre de la responsabilité environnementale et du même coup, le champ des assurances demeure encore limité, en particulier du fait de l'exclusion de l'assurance de nombreux secteurs (maladies professionnelles, nucléaire, fautes intentionnelles, transports, etc.).
La dernière question de la déresponsabilisation des exploitants du fait d'une reconnaissance accrue de la responsabilité des pouvoirs publics soulève une question de politique juridique en relation avec l'évolution socio-économique. M. Charles-André Dubreuil, professeur à l'université de Clermont-Ferrand a stigmatisé un double risque : risque de généralisation de la responsabilité de la puissance publique et risque d'abandon progressif par les exploitants des politiques de gestion privée des risques environnementaux. Dans le 1er cas, il résulte de cette situation à travers laquelle c'est l'Etat qui se voit ainsi imputer la charge de dommages qu'il n'a pourtant pas commis non seulement la multiplication des hypothèses d'engagement de la responsabilité publique au nom de son pouvoir de police administrative mais aussi la recherche contestable selon l'intervenant du risque zéro, difficile à envisager. Dans le 2ème cas, un double risque tend à se développer : risque moral car la couverture des risques par un tiers peut conduire les exploitants à négliger leurs obligations, comme le montrent les situations nombreuses de sous-assurance ; risque de multiplication des contraintes étatiques en retour comme effet boomerang par une orientation publique directe de la gestion de l'activité. A terme, il peut en résulter une modification du rapport liberté-sécurité au profit de la sécurité, justifiant ainsi des atteintes à la liberté économique.
[CSFDE08]
09/08/24 à 08h48 GMT