Alors que le changement climatique menace la plupart des cultures en Afrique, son impact serait moindre sur la culture du coton au Cameroun. Une nouvelle étude de chercheurs de l'IRD et de ses partenaires révèle que l'évolution attendue du climat dans les décennies à venir ne devrait pas avoir un effet négatif sur les plantations camerounaises. Contre toute attente, leur productivité devrait même sensiblement s'améliorer d'ici à 2050, grâce, en particulier, aux pratiques d'agriculture de conservation adoptées par le pays. Ces projections, effectuées selon six scénarios climatiques en fonction des différentes techniques agricoles, sont optimistes pour les producteurs camerounais, pour qui le coton est la première culture de rente et souvent la seule alternative.
Un rendement amélioré
A partir d'observations menées en stations et en parcelles de 2001 à 2005 et en 2010 au Nord Cameroun, l'équipe de recherche a simulé l'impact des prévisions climatiques pour les 40 prochaines années sur la croissance des plants de coton. Pour ce faire, ils ont calibré puis appliqué le modèle de culture appelé " Cropgro " en fonction de plusieurs techniques agricoles et six scénarios de climat au nord du pays d'après les projections qui ont, entre autres, servi de base au 4e rapport du GIEC. Si les projections climatiques divergent pour certaines variables comme la pluviométrie, la moyenne de ces scénarios montre des précipitations stables et une augmentation des températures et de l'évapotranspiration. D'après les simulations des chercheurs, l'élévation annoncée de 0,05°C en moyenne par an devrait légèrement augmenter le rendement annuel des champs de 1,3 kilogramme par hectare, allant jusqu'à plus de 2,5 kg par hectare selon les scénarios climatiques considérés.
Une agriculture de conservation est essentielle
Ce bénéfice inattendu résulterait de la combinaison de plusieurs facteurs. La façon dont est cultivé le coton, tout d'abord, est déterminante. La productivité des champs dépend étroitement des pratiques agricoles locales. Depuis dix ans, le Cameroun a adopté des mesures de restauration des sols avec des techniques d'agriculture de conservation, telles que le semis sous couvert végétal, le tillage ou encore le paillage. Autant de pratiques culturales qui permettraient de limiter la détérioration des sols cultivés à l'oeuvre dans le nord du pays et, selon les simulations des chercheurs, de contrebalancer les effets de l'évolution du climat sur les cultures.
Le CO2 a un effet fertilisant sur le coton
Les facteurs climatiques eux-mêmes auraient une influence positive inattendue, et parmi ceux-ci,l'augmentation du taux de gaz carbonique. Le coton appartient à un type de plantes dont le CO2 de l'atmosphère stimule la photosynthèse (à l'instar du soja, de l'arachide et d'une majorité des plantes, dont l'ensemble des arbres). La nouvelle étude révèle que cet effet fertilisant contribuera à compenser les autres impacts du changement climatique. Le rendement annuel des champs de coton camerounais s'en trouverait augmenté d'environ 30 kg par hectare. Néanmoins, l'effet du CO2 atmosphérique sur les rendements des plantes cultivées reste controversé : il varie fortement selon le modèle de croissance de plante utilisé.
L'importance d'une saison des pluies régulière
L'effet des changements pluviométriques sur le rendement du coton diffère également de celui sur les cultures comme le maïs, le sorgho et le mil. Les excès d'eau, plus particulièrement, menacent le coton, avec l'augmentation du ruissellement, du lessivage des sols et des intrants nécessaires à la culture du coton. En outre, plus que le cumul pluviométrique, la date de démarrage et la durée de la saison des pluies s'avèrent prépondérantes. Une précédente étude a montré que ces deux paramètres peuvent être utilisés pour prévoir les rendements cotonniers annuels. Malgré les prévisions optimistes de ces nouveaux travaux, un appauvrissement progressif des sols demeure, ainsi que les risques liés à la variabilité inter et intra saisonnière et aux variations du prix du coton sur le marché international, impulsées par les géants mondiaux du secteur, les Etats-Unis et l'Asie. Un système d'assurance avec un seuil d'indemnisation basé sur ces indices de pluies pourrait consolider les perspectives positives pour la filière coton camerounaise, en limitant l'endettement des producteurs les plus pauvres.
Partenaires
CIRAD, CIRED, Centre régional de recherche agricole de Maroua au Cameroun.
Références
Gerardeaux E., Sultan Benjamin, Palai O., Guiziou C., Oettli P., Naudin K. Positive effect of climate change on cotton in 2050 by CO2 enrichment and conservation agriculture in Cameroon. Agronomy for Sustainable Development, 2013, 33 (3), p. 485-495. ISSN 1774-0746
Leblois A., Quirion P., Sultan Benjamin. Price vs. weather shock hedging for cash crops : ex ante evaluation for cotton producers in Cameroon. Palaiseau : Ecole Polytechnique, 2013, 34 p. multigr. (Cahiers de Recherche - Ecole Polytechnique ; 03).
Bon à savoir
L'Afrique de l'Ouest et centrale est la troisième région exportatrice de coton, après les Etats-Unis et l'Asie centrale. Au Cameroun plus particulièrement, le coton est la principale culture de rente, avec 30 % des surfaces cultivées dans le nord du pays et une production annuelle de près de 200 000 tonnes en 2012. Il y est cultivé depuis les années 1950.
Glossaire
Photos sur www.indigo.ird.fr
Contacts
Benjamin Sultan, chercheur à l'IRD
Tél. : 33 (0)1 44 27 84 67
Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques LOCEAN (IRD / CNRS / Muséum national d'Histoire naturelle/ Université Paris 6)
Antoine Leblois, chercheur au Centre commun de recherche de la Commission européenne
Tél. : 39.0332.78.5023
antoine.leblois@jrc.ec.europa.eu
Edward Gérardeaux, chercheur au Cirad
Tel: 33 (0)4 67 61 56 87
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09/08/24 à 08h48 GMT