Pourquoi fait-il si chaud en ville ? Comment la morphologie urbaine et le choix des matériaux de construction influencent-ils la température ? Existe-t-il des aménagements urbains qui permettent de rafraîchir l'air ambiant ? Pour répondre à ces questions, le Cœur des sciences de l'UQAM a organisé deux balades scientifiques sur le thème des îlots de chaleur urbains, les 25 et 27 août derniers. Animées par Olivier Canuel Ouellet, puis Julie Emond, tous deux étudiants à la maîtrise en géographie, les balades ont attiré une trentaine de personnes. D'une durée de 90 minutes, les excursions ont conduit les participants dans le centre-ville de Montréal, entre le Quartier des spectacles, la Maison du développement durable, le parc Toussaint-Louverture et les Habitations Jeanne -Mance.
Le phénomène des îlots de chaleur en milieu urbain est devenu une source de préoccupation pour plusieurs grandes villes à travers le monde, et même pour des municipalités de plus petite taille. «Des efforts ont été déployés à Montréal pour atténuer les effets des îlots de chaleur, mais nous accusons encore du retard par rapport à d'autres grandes métropoles en Amérique et en Europe», souligne Julie Emond. La Ville de Paris, par exemple, a posé plusieurs gestes concrets depuis la terrible canicule de l'été 2003, qui avait entraîné la mort de plusieurs personnes. Cet été-là, on avait observé des écarts de température de 8 à 10° C entre le centre de Paris et sa périphérie.
«Les îlots de chaleur urbains sont des zones où la température peut s'élever de 5 à 12° C au-dessus de la moyenne environnante, explique l'étudiante. Montréal en abrite plusieurs. On en trouve à l'échelle d'un quartier, comme dans le Quartier des spectacles, ou encore d'un quadrilatère.» Les personnes les plus affectées par les îlots de chaleur et par les périodes de chaleur accablante sont les jeunes enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes et les malades, notamment ceux qui éprouvent des problèmes respiratoires ou cardiaques.
Comment se forment les îlots ?
Ce jeudi 27 août, en fin d'après-midi, Julie Emond guide son groupe dans le Quartier des spectacles, où elle procède à quelques relevés de température. À certains endroits, plus exposés au soleil, la température atteint près de 27,5°C à cinq heures trente de l'après-midi. Au même moment, il fait 21°C à l'aéroport Trudeau.
Plusieurs facteurs favorisent la formation d'îlots de chaleur: densité de population, circulation automobile, concentration de bâtiments industriels et commerciaux, absence d'arbres et de végétation, type de matériaux utilisés pour la construction des édifices et pour le revêtement des sols.
«À Montréal, plus de 80 % du territoire est minéralisé, souligne l'étudiante. Le béton, le ciment et l'asphalte sont tous des matériaux imperméables à l'eau, qui absorbent la chaleur durant le jour et la restituent dans l'air la nuit venue.» La couleur des matériaux joue aussi un rôle important. «Des façades claires réfléchissent davantage la lumière et permettent de réduire la température de surface», dit Julie Emond. Par contre, les toitures non végétalisées, avec des revêtements de type bitumineux, peuvent atteindre des températures supérieures à 50°C en plein soleil.
La morphologie des bâtiments n'est pas à négliger non plus. Plus les édifices sont élevés et plus leurs toits et leurs façades accumulent la chaleur. «Dans certaines rues, au centre et dans l'ouest de Montréal, la concentration de hautes tours à bureaux et à condos crée un effet de canyon, qui emprisonne la chaleur et empêche l'air de circuler», note l'étudiante.
Un bâtiment exemplaire
Après avoir déambulé dans le Quartier des spectacles, le groupe se déplace vers la Maison du développement durable, sur la rue Sainte-Catherine ouest. Ce bâtiment écologique exemplaire – le premier édifice commercial certifié «LEED platine nouvelle construction» au Québec – ainsi que son site contribuent à rafraîchir l'air ambiant. Sa construction a permis la création d'un nouveau parc vert de 1 300 m2, accessible au public. «Le parc compte une vingtaine d'arbres et près de 700 m2 de plantes indigènes», remarque Julie Emond. Tout près, une grille perforée, recouvrant le sol, favorise la percolation et l'évaporation des eaux de pluie. «Sous la grille, on trouve des isolateurs, soit des matériaux de porcelaine concassée, qui facilitent la pénétration de l'eau dans la terre, en plus de réfléchir la lumière», explique l'étudiante. Le bâtiment, par ailleurs, est recouvert d'une toiture composée de plusieurs variétés de plantes.
Un peu plus loin, le parc Toussaint-Louverture regroupe diverses aires de jeux, dont un terrain de soccer exposé au soleil, fait de gazon synthétique, comme on en trouve de plus en plus à Montréal. «Le gazon synthétique facilite peut-être la course et la circulation du ballon, mais il emmagasine beaucoup plus de chaleur que le gazon naturel», observe Julie Emond. Vérification faite, la température sur le terrain de soccer atteint 24° C. À peine quelques mètres plus loin, sur un terrain en gazon naturel, la température s'élève à 18° C.
Des habitations verdissantes
La balade se conclut par une visite du site des Habitations Jeanne-Mance. Inaugurées en 1959, celles-ci apparaissent dans la foulée des grands projets de rénovation urbaine, au même titre que la Place des Arts, la tour de Radio-Canada et les grandes autoroutes. Elles représentent la première initiative de logements sociaux au Québec.
Depuis le début des années 2000, rappelle l'étudiante, divers projets ont été réalisés afin de moderniser le parc immobilier et les aménagements extérieurs, le tout dans un souci de développement durable et de réduction des îlots de chaleur. La majorité des toitures ont été refaites et des membranes blanches, réfléchissantes, y ont été ajoutées. Des gouttières ont aussi été installées, de manière à récupérer l'eau de pluie. «De plus, on a réduit le nombre de places de stationnement en asphalte, planté des arbres d'espèces variées, installé des plates-bandes et des aménagements paysagers, créé un jardin pluvial ainsi qu'un bassin de biorétention, composé de 1 000 végétaux», relève Julie Emond.
Il est 19 heures lorsque l'excursion se termine. Tout le monde applaudit et félicite Julie pour son animation dynamique, pour la richesse de ses informations et pour la clarté de ses explications.
Le Cœur des sciences prévoit deux autres balades scientifiques au cours des prochains jours. La première, Entomologiste d'un jour, aura lieu le12 septembre et sera consacrée au monde étonnant des insectes. Elle sera suivie de Maths en ville, les 15, 26 et 29 septembre. De la circulation routière à la forme des bouches d'égout, en passant par la façade colorée du Palais des Congrès, Montréal regorge d'énigmes mathématiques. Qui a envie de les résoudre ?
Source: UQAM
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09/08/24 à 08h48 GMT