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L'Allemagne s'engage pour la recherche polaire



  • Précurseur en la matière au niveau européen, l'Allemagne développe une ambitieuse politique de recherche polaire. Celle-ci repose sur pas moins de sept organismes institutionnels et privés d'envergure nationale, et trois niveaux de coopération internationale. Les programmes de recherche et de développement que mènent les différentes structures concernent à la fois l'Arctique et l'Antarctique.

    Les programmes de R&D allemands visent à une meilleure compréhension des mécanismes de fonctionnement des écosystèmes polaires, de leurs comportements vis à vis du réchauffement climatique mais également à la détection et l'exploitation de ressources naturelles. Au niveau national, le ministère fédéral de l'Enseignement et de la Recherche (BMBF) arrive largement en tête des organismes soutenant la recherche polaire en lui dédiant un budget de 700 millions d'euros pour 2007-2017. Ce soutien s'inscrit dans un programme plus large de recherche sur le développement durable System Erde. Celui-ci finance des projets de recherche visant à étudier les différents processus ayant une influence sur le climat ainsi que l'impact des activités humaines. Citons, parmi les principaux projets relatifs à la recherche polaire, un programme de forage en Sibérie pour recueillir des données paléoclimatiques, une étude de la dynamique de croissance et de reproduction du Krill en mer de Lazarev, etc.

    Soutien appuyé du BMBF

    En dehors de System Erde, le BMBF contribue également au financement d'autres projets et infrastructures nécessaires à la recherche polaire. Elle intervient dans le cadre de la construction de la nouvelle station Neumayer en Antarctique à hauteur de 30 millions d'euros, finance un nouvel avion de recherche Polar 5 à hauteur de 8,1 millions d'euros ou encore le navire Maria S. Merian à hauteur de 75% de son coût total. En outre, le BMBF a l'intention de consacrer 120 millions d'euros, soit environ le tiers du budget total, au projet européen de construction d'un nouveau navire de recherche, l'Aurora Borealis. Enfin, le ministère finance une formation universitaire germano-russe sur les sciences marines et polaires appliquées, POMOR. Ce master est le fruit d'une coopération entre d'une part le laboratoire de recherche marine et polaire germano-russe Otto Schmidt, l'université de Saint Petersbourg, et d'autre part divers organismes de recherche polaire allemands et le consortium des universités du Nord de l'Allemagne.

    Le ministère de l'Economie et de la Technologie (BMWi) a choisi de confier au Centre allemand de recherche aérospatiale (DLR) la gestion de projets relatifs au domaine polaire. Pour un montant total de 4,6 millions d'euros, il soutient ainsi le travail de validation du projet CryoSat sur l'évaluation de la modification de l'épaisseur de la banquise et de la variation de hauteur de la calotte glaciaire, un projet d'observations de la mésosphère réalisées à l'aide de fusées et enfin un projet d'étude des poussières météoritiques présentes au sein de la mésosphère.

    Des moyens pour la recherche

    Rattaché au BMWi, l'organisme fédéral des géosciences et des matières premières est chargé, dans le domaine de la recherche polaire, de participer entre autres aux travaux de recherche ciblés sur l'exploration de la croûte terrestre (dont les côtes de l'Antarctique). Il a pour missions de prospecter, d'évaluer le potentiel et de permettre l'approvisionnement du pays en matières premières des régions périphériques de l'océan Arctique. Il est également responsable des expéditions en Antarctique et en Arctique dans le cadre de coopérations nationales et internationales, comptant à son actif en 2004 14 expéditions géophysiques marines et 27 expéditions terrestres.

    L'Institut Alfred Wegener (AWI), fondation publique majeure oeuvrant pour la recherche marine et polaire depuis 1980, s'occupe prioritairement de fournir les équipements nécessaires à la réalisation des programmes de recherche et au suivi des aspects logistiques. En 2006, son budget était d'environ 110 millions d'euros, couverts à 90% par le BMBF. L'AWI occupe 788 personnes et compte une unité de recherche, un institut biologique, une station en mer de Wadden, deux stations polaires arctiques, trois stations polaires antarctiques et un laboratoire germano-russe. C'est le programme de recherche Marcopoli ("MARine COastal and POLar systems and Infrastructure") qui détermine actuellement les axes de recherche prioritaires de l'AWI dans le domaine des sciences marines et polaires jusqu'en 2008. En termes d'équipements, l'AWI dispose de sept bateaux de recherche dont le Polarstern, l'un navires européens de recherche les plus performants, de deux avions réalisant les campagnes de mesures nécessaires et assurant la liaison entre les stations. L'AWI souhaite, en outre, développer un nouveau bateau de recherche européen : l'Aurora Borealis. Ce bâtiment, dont l'intérêt serait de fonctionner 300 jours par an et de fournir près de 15.000 jours de travail scientifique, a un coût estimatif de 360 millions d'euros, financé par les différents pays partenaires. Validé au niveau allemand ainsi qu'au niveau européen par le forum stratégique européen pour les infrastructures de recherche (ESFRI), l'AWI cherche maintenant des partenaires internationaux pour soutenir ce projet. La Russie est la première à avoir officiellement proposé sa participation, la Norvège et la Finlande ont exprimé leur intérêt global. La France apporterait dans ce projet son savoir-faire relatif aux techniques de forage, aujourd'hui les plus performantes au monde. Mais à ce jour, il n'y a encore aucun accord formel de signé.

    L'agence de moyens pour la recherche allemande (DFG) est chargée de structurer la recherche universitaire. Elle redistribue les moyens financiers dont la dotent le Gouvernement et les Etats-Régions aux projets de recherche qui répondent le mieux à ses critères de programmation en matière de recherche polaire. Le dispositif de sélection des projets est reconnu par la communauté scientifique nationale et internationale. Ces programmes dits "prioritaires en réseau" visent, par exemple, à promouvoir la mise en réseau au niveau fédéral de plusieurs équipes de recherche, pour une durée maximale de six ans. Ces équipes travaillent actuellement sur la comparaison des écosystèmes arctiques et antarctiques en considérant les aspects physico-chimiques, géologiques et biologiques. Ce programme constitue en fait un programme clé de la recherche polaire au sein des groupes de travail universitaires.

    Pour parvenir à leurs fins, certains dispositifs précédemment décrits sont mis gratuitement à la disposition des chercheurs, tels que le navire de recherche Polarstern ou les différentes stations polaires. La DFG soutient également un deuxième type de programmes de recherche visant un site et une thématique particulière, pour une durée maximale de douze ans. Ainsi plusieurs centres de recherche collaborent actuellement pour onze projets sur l'étude du système climatique de l'Atlantique nord en prenant en compte à la fois l'atmosphère, l'océan, la cryosphère et les surfaces émergées.

    La coopération internationale

    Au niveau international prime la coopération bilatérale France-Allemagne. Celle-ci s'est concrétisée, depuis décembre 2000, par la signature d'un accord-cadre de coopération entre l'Institut Alfred Wegener (AWI) et l'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), partageant une vision stratégique commune à long terme dans les domaines scientifiques et politiques. Cette coopération permet d'asseoir la position de leader du couple franco-germanique sur différents programmes de recherche polaire dont celui du forage glaciaire européen EPICA. Ce programme de forage, terminé depuis décembre 2006, a permis d'engranger des données climatiques essentielles sur la compréhension des interrelations entre composition chimique de l'atmosphère et modifications climatiques globales. Les deux instituts ont également créé une station polaire binationale au Spitsberg par fusion de deux anciennes stations et gèrent en commun les programmes de recherche scientifiques. Grâce à l'unification des moyens techniques, financiers et humains s'ouvrent de nouvelles possibilités de recherche ; notamment sur l'atmosphère, les mesures d'aérosols, l'étude des espèces et des écosystèmes antarctiques, etc.

    En matière politique, les deux organismes se concertent en permanence afin de tenir des positions communes aux grandes réunions internationales. L'un et l'autre occupent des places de choix dans les instances polaires mondiales de premier plan (Conseil polaire mondial, Conseil scientifique de la recherche antarctique). Enfin, c'est également à eux que revient la création du réseau européen ERA-NET EUROPOLAR. En termes de coopération multilatérale, l'Allemagne, la France, et l'Italie souhaitent constituer un pôle moteur commun sur les questions polaires. L'Italie rallierait la station franco-germanique au Spitzberg et l'Allemagne prendrait part à la base franco-italienne Concordia, seule base européenne permanente au sein de l'Antarctique. Cependant, selon le sénateur Gaudin, pour que ce "trio" polaire puisse voir le jour, il reste encore à élaborer un projet scientifique d'envergure à hauteur des enjeux du rapprochement, à mettre des moyens financiers en commun, à définir des conditions politiques de coopération qui soient acceptables pour chaque pays européen. A plus forte raison, si l'idée d'une agence polaire européenne, s'appuyant sur la transformation de l'actuel European Polar Board a déjà germé, ni la Commission européenne ni les coopérants de terrain ne semblent, pour l'heure, favorables à sa concrétisation.

    Engagement européen

    L'Europe, d'une manière générale, constitue un cadre financier de prédilection pour la recherche polaire. Celle-ci soutient en effet la recherche polaire dans le cadre de son programme cadre de recherche et de développement (PCRD). Sur la période 1998-2006, elle a consacré plus de 200 millions d'euros à une cinquantaine de projets dont certains d'entre eux ont impliqué des acteurs français et allemands. Parmi ces projets, citons le programme Damoclès, projet pilote de l'Union européenne pour l'Année polaire internationale (API), le programme de recherche européen EUR-OCEAN, réseau d'excellence qui cherche à approfondir d'une part les connaissances sur l'impact du changement climatique et des activités humaines sur les écosystèmes marins, et d'autre part à favoriser l'émergence d'une recherche océanographique européenne concertée. Il mobilise 160 scientifiques de 25 nations (dont 16 de l'Union européenne) avec leurs équipes, au sein de 66 institutions de recherche. Un réseau de 11 musées, aquariums et centres scientifiques de 9 pays européens, est chargé de la diffusion et de la vulgarisation des résultats auprès du grand public. De plus, un programme de coordination majeur, ERA NET, vise à renforcer la coopération et à favoriser les échanges dans le domaine de la recherche polaire. Financé par la Commission à près de 2,5 millions d'euros, il est impulsé par l'AWI et l'IPEV. Pour la période 2007-2013, le programme cadre européen de recherche et de développement a prévu de consacrer 1,8 milliards d'euros aux recherches liées à la thématique Environnement - Changements climatiques, dans laquelle s'intègre la recherche polaire. L'Europe présente également un contexte favorable pour le développement de réseaux de type ARENA (Antarctic Research, a European Network for Astrophysics), réseau visant à encourager l'astronomie optique et infrarouge en Antarctique. Il est cofinancé sur le précédent PCRD pour un montant de 1,3 milliards d'euros répartis sur 36 mois entre 2006 et 2008. L'Allemagne s'intègre dans ce réseau, qui concerne au total 21 laboratoires de recherche, instituts et partenaires industriels de 7 pays européens (Belgique, France, Allemagne, Italie, Portugal, Espagne et Royaume-Uni) ainsi que l'Australie. ARENA a son champ d'application à la station franco-italienne Concordia.

    L'année polaire internationale 2007-2008

    L'Année polaire internationale, qui se déroule du 1er mars 2007 au 1er mars 2009, consacre 210 programmes de recherche, impliquant près de 50.000 personnes et plus de 60 nations. L'Allemagne figure au premier rang des pays participant avec 60% de l'ensemble des projets, et mobilise 14 universités, 2 organismes fédéraux - le BGR et le BFS, 17 instituts et organisations relatifs à la recherche ainsi que 2 musées. L'Allemagne est chargée par l'API de quatre grands domaines de recherche suivants ; les régions polaires dans le contexte d'un changement climatique global, dérive des continents et processus d'évolution dans les régions polaires, exploration des régions inconnues et enfin développement et mise en oeuvre de techniques innovantes pour des plates-formes de mesure autonomes. En termes de moyens financiers, il semble qu'aucun organisme allemand n'ait prévu ou bénéficié de financement propre pour l'API. Certes, d'un point de vue logistique, le Polarstern (100% de son activité dédiée à l'API), un bateau de recherche, les stations polaires de l'AWI avec leur avion polaire et leurs deux hélicoptères sont mis à disposition par l'Allemagne, ainsi que le nouvel avion polaire (Polar 5) et la nouvelle station polaire Neumayer III à venir. C'est aussi dans ce contexte que l'Union européenne, via les financements de son programme cadre 2002-2006, apporte son soutien financier à un programme de grande ampleur, IPY CARE.

    D'un montant de 395.000 euros, ce programme a pour objectifs de concevoir, coordonner et mettre en oeuvre un projet scientifique paneuropéen sur le changement climatique et les écosystèmes en Arctique. Enfin, Damoclès, cité plus haut dans le texte, constitue le projet pilote de l'Europe pour l'API. Il concerne 45 laboratoires, issus de dix pays européens, des Etats-Unis et de Russie. Damoclès vise à observer, comprendre et quantifier les changements climatiques en Arctique afin d'aider à la prise de décisions face au réchauffement de la planète.


    Source :

    Technologies Internationales 144 (30/05/2008 ) - ADIT

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