Dans la situation actuelle de prise de conscience du réchauffement climatique et de pénurie annoncée des énergies fossiles, l'Irlande vient de définir une nouvelle stratégie pour son avenir énergétique.
Le pays dépend en effet très fortement de ses importations pour répondre à des besoins croissants. La part des énergies renouvelables est encore faible mais elle augmente de manière significative. La recherche académique s'intéresse ainsi beaucoup à l'énergie de l'océan qui représente une ressource potentielle très importante et qui a déjà donné lieu à des créations d'entreprises innovantes. Plus globalement, la politique irlandaise en matière d'énergie est guidée par des plans stratégiques pluriannuels qui fixent objectifs et moyens.
Contrairement au Royaume-Uni voisin, l'Irlande ne possède pas de champs pétrolifères. Ses productions de charbon et de gaz sont négligeables. Seule la tourbe [1] constitue une réelle source d'énergie tirée du sol irlandais. Mais même si elle occupe encore une place non négligeable dans la production d'électricité en Irlande, son utilisation tend à diminuer.
Pour sa consommation énergétique, l'Irlande dépend donc à près de 90% de ses importations. Constituées majoritairement par le pétrole et le gaz, leur facture augmente régulièrement pour répondre aux besoins énergétiques croissants de la société et de l'économie irlandaises. Seule une faible part de l'électricité consommée est importée depuis l'Irlande du Nord. Quant à la place des énergies renouvelables, elle est encore assez marginale quoiqu'en augmentation. La nature de ces énergies renouvelables est en outre en train de se diversifier. L'hydroélectricité qui représentait toute la production irlandaise en énergie renouvelable dans les années 1990 est, depuis 2000, suppléée par l'électricité d'origine éolienne (voir "Haro sur le nucléaire" ci-contre).
En Irlande, la très forte croissance économique de ces dernières années n'a pas entraîné une augmentation aussi rapide des besoins énergétiques. Cette absence de corrélation est en partie due au fait que l'Irlande doit son développement au secteur des services ou à celui de l'informatique et des biotechnologies, moins gourmands en énergie que l'industrie traditionnelle. En revanche, les émissions de carbone par unité de PNB sont assez élevées : 0,31 kg de CO2/1.000 dollars ; à titre d'exemple ces émissions ne sont que de 0,23 en France - en parité de pouvoir d'achat.
En 2005, 16,8% de la consommation irlandaise en énergie avait lieu sous forme d'électricité. Le secteur des transports consomme en effet près de 40% de l'énergie contre 30% en France et dans le reste de l'Europe. Plusieurs facteurs permettent d'expliquer cette différence. Tout d'abord, les transports en communs sont très peu développés dans le pays, alors qu'on y constate justement une densité d'habitation peu importante. Enfin, le transport de marchandises se fait presque exclusivement par la route.
Une stratégie énergétique sur six ans
Dans ce contexte, les autorités irlandaises viennent de se livrer à une vaste réflexion sur la problématique de l'énergie qui a donné lieu à la définition des priorités et des projets qui devront être mis en oeuvre dans les six ans à venir. La politique irlandaise est guidée par des plans stratégiques pluriannuels qui fixent objectifs et moyens. C'est donc le National Development Plan 2007-2013 (NDP), qui fixe les objectifs de développement irlandais dans tous les domaines, dont celui de l'énergie.
Le NDP précédent, qui couvrait la période 2000-2006, avait budgété (seulement) 185 millions d'euros pour la promotion de l'efficacité énergétique, la R&D sur l'énergie, des énergies alternatives et enfin l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments administratifs et des logements construits avant 1980. Le NDP actuel, pour la période 2007-2013, montre une réelle implication du Gouvernement irlandais dans la résolution, ou tout au moins la gestion du problème énergétique. Ce sont en effet 8,5 milliards d'euros qui ont été budgétés pour l'Energy Programme, avec une priorité, la sécurité d'approvisionnement. Les sommes prévues sont ventilées de la façon suivante : 1,2 milliard d'euros pour les infrastructures (Strategic Energy Infrastructure Sub-Programme) ; 276 millions d'euros pour les énergies renouvelables (Sustainable Energy Sub-Programme) et 7 milliards d'euros pour les entreprises du secteur public (State Energy Companies Sub-Programme).
Le Strategic Energy Infrastructure Sub-Programme a pour objectif d'assurer la sécurité d'approvisionnement du marché irlandais de l'énergie. La réalisation de cet objectif passe par l'amélioration du réseau de distribution d'électricité existant, notamment l'interconnexion est-ouest de l'Irlande et la création d'une deuxième interconnexion avec l'Irlande du Nord. Concernant les énergies fossiles, l'Irlande envisage d'augmenter ses capacités de stockage de gaz naturel et de pétrole. Enfin, le renforcement de la coopération gazière avec l'Ecosse est prévu.
Le Sustainable Energy Sub-Programme fixe une production d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 15% d'ici 2010 - contre 5,4% en 2006. Les investissements se feront dans le développement de l'éolien à grande échelle, dans le soutien aux énergies issues de la biomasse et enfin dans le développement des énergies de l'océan. L'augmentation de l'efficacité énergétique à tous les niveaux est également incluse dans ce programme qui servira aussi à financer le développement de projets pilotes à petite échelle (voir "Répartition des investissements par type d'énergie renouvelable" en fin d'article).
Enfin, le State Energy Companies Sub-Programme a pour objectif d'aider les entreprises du secteur public à améliorer leurs infrastructures pour assurer une meilleure sécurité d'approvisionnement.
Une recherche chiffrée
C'est une agence, créée sous le précédent NDP, la Sustainable Energy Ireland (SEI) Research, qui est chargée d'évaluer la situation énergétique irlandaise et de soutenir l'émergence de nouvelles technologies de l'énergie sur le marché irlandais. Elle a publié, en février 2007, les derniers chiffres disponibles sur la R&D dans le domaine énergétique dans le rapport Energy Research, development and Demonstration in Ireland 2005.
Selon cette étude, 12,8 millions d'euros ont été dépensés en R&D sur l'énergie au cours de l'année 2005. L'Etat irlandais est contributeur à hauteur de 68%, 14% proviennent de fonds européens, 11% de fonds propres et les 7% restants correspondent à des investissements privés. Sur les fonds publics, les trois quarts des projets sont financés par SEI. La moitié des financements est perçue par des établissements d'enseignements supérieurs : 93 projets sont soutenus dans 12 établissements, dont 40 à University College Dublin.
Trente-trois pour cent de la somme totale dépensée en R&D a été consacré aux économies d'énergies et 29% aux énergies renouvelables. Sur les 3,6 millions d'euros consacrés aux énergies renouvelables, l'énergie éolienne a reçu 40% des financements, devant la biomasse (28%).
De façon générale, la production d'électricité d'origine éolienne ou maritime pose des problèmes d'intégrations sur les réseaux électriques à cause de la non prédictibilité et de la variabilité de ces sources d'énergie, qui rendent difficile la gestion dynamique de l'ensemble production-transport-consommation. Cette problématique est d'autant plus forte en Irlande que le pays est géographiquement isolé, ne dispose d'interconnexion qu'avec le réseau électrique de l'Irlande du Nord et que les barrages hydroélectriques, qui peuvent éventuellement jouer le rôle de dispositif de stockage, sont très limités.
De nombreux centres de recherche universitaires travaillent sur ces questions de gestion du réseau. Les recherches portent sur l'intégration des sources renouvelables d'électricité, la modélisation de l'offre et de la demande en énergie, ou encore sur les moyens de sécuriser les approvisionnements en améliorant les infrastructures et en interconnectant les réseaux avec l'étranger. Dans ce domaine stratégique, les laboratoires irlandais sont en train de développer une véritable compétence. Le réseau électrique pourrait même devenir un centre d'expérimentation à grande échelle pour l'intégration des fermes éoliennes sur le réseau électrique.
Les technologies de l'information et les biotechnologies sont restés longtemps à être les deux secteurs qui concentrent l'essentiel des financements pour la recherche en Irlande. Mais conscient des enjeux liés à la raréfaction des ressources en hydrocarbures et au changement climatique, et percevant qu'il y a là un secteur porteur d'opportunités de développement économique, le pays commence à envisager de faire des énergies et de l'environnement, un troisième thème prioritaire de recherche.
Comme nous l'avons vu, l'Irlande dépend en effet à près de 90% de ses importations pour répondre à ses besoins énergétiques. Son isolement géographique à l'extrémité du continent européen et sa faible interconnexion avec les réseaux électriques étrangers rendent fragiles son approvisionnement et la stabilité de son système électrique. Mais le pays dispose de ressources naturelles très importantes et jusqu'à présent peu exploitées : énergie éolienne, de l'océan et biomasse. L'Irlande pourrait ainsi prochainement devenir un centre d'expérimentation à grande échelle pour l'exploitation de ces nouvelles énergies et l'intégration de ces différentes sources dans les réseaux de distribution.
Le point sur :
Répartition des investissements par type d'énergie renouvelable
L'énergie éolienne prend de plus en plus d'importance dans le mix énergétique irlandais avec l'ouverture, ces dernières années, de nombreuses fermes éoliennes sur les côtes irlandaises. La plupart de l'électricité éolienne est actuellement produite sur terre mais le Gouvernement souhaiterait à l'avenir développer les fermes au large. Peu de recherche académique sur ce domaine en revanche.
Ce qui n'est pas le cas pour l'énergie de l'océan. De nombreux projets sont en effet menés par le Marine Institute, qui a publié en 2005 une stratégie qui vise d'ici 2020 à la création de près de 2.000 emplois dans ce secteur et l'installation d'une capacité de production de 200 MW.
Pour l'instant, quelques start-up ont été créées ; elles sont encore dans une phase de précommercialisation de leur technologie. L'énergie du vent et celle de l'océan sont privilégiées en raison des avantages naturels de l'Irlande dans ce domaine. La R&D sur la biomasse attire également les investisseurs ; les initiatives se concentrent sur la production de chaleur et sur la production de biocarburants.
Source :
Technologies Internationales 143 (2/05/2008 ) - ADIT
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