"Certains phénomènes climatiques sont déjà irréversibles"
La canicule actuelle [en France], est-elle liée au réchauffement planétaire ? Hervé Le Treut, directeur du laboratoire de météorologie dynamique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), répond aux questions de Novethic sur l'évolution du climat et les scénarios envisagés par les scientifiques.La canicule actuelle est-elle liée au réchauffement climatique ?
Hervé Le Treut : Il existe un réchauffement moyen sur la France qui est désormais très probablement la conséquence de l'augmentation des gaz à effet de serre. Pour des épisodes de réchauffement plus intenses et plus particuliers, en termes scientifiques, nous n'aurons de preuves qu'à partir du moment où ce phénomène se reproduira pendant un temps plus long. Mais cette canicule va dans le sens de nos prévisions et de ce que l'on peut attendre de l'augmentation des gaz à effet de serre. Les scientifiques ont désormais des raisons très fortes de penser que le climat va changer et que la Terre va continuer à se réchauffer.
Quels sont les scénarios envisagés ?
Hervé Le Treut : Le réchauffement pourrait se situer entre 2 et 6 degrés d'ici 2100 - cela dépend bien sûr du niveau d'émission des gaz à effet de serre -. Actuellement, nous constatons un réchauffement global de presque 1 degré depuis le début de l'ère industrielle et nous pensons qu'il peut donc être multiplié par un facteur important, avec des canicules semblables à celle de l'été 2003, qui pourraient se produire plus fréquemment à l'horizon 2050 et ne seraient donc plus exceptionnelles comme c'est le cas aujourd'hui. Par ailleurs, on peut s'attendre à une montée du niveau des mers, de l'ordre de quelques dizaines de centimètres, ainsi que de fortes perturbations du régime des pluies et une sécheresse sévère dans l'Europe du Sud.
Pensez-vous que l'application du protocole de Kyoto et la mise en?uvre du marché carbone puissent avoir un impact sur la réduction des gaz à effet de serre ?
Hervé Le Treut :Je pense que c'est un mécanisme pertinent et nécessaire, mais encore faudrait-il qu'il soit étendu à l'ensemble des pays occidentaux et que ces objectifs soient mieux respectés par les pays signataires. Par ailleurs, le protocole prend fin en 2012 et rien n'a encore été décidé sur l'après Kyoto. S'agissant du marché carbone, il a le mérite de permettre une réduction tangible des GES, et de sensibiliser les industriels sur l'impact environnemental de leurs activités. Je pense toutefois que des dérives sont possibles, puisque ce système d'échange permettrait aux pays pauvres, s'il leur était étendu (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui) de vendre aux pays riches un droit à ne pas se développer, en quelque sorte.
Certains phénomènes climatiques sont-ils déjà irréversibles ?
Hervé Le Treut :Oui, nous sommes déjà dans des processus soit irréversibles, soit très lentement réversibles. Il existe un niveau de changement climatique désormais inévitable, même s'il reste possible de s'épargner les évolutions les plus extrêmes . La montée du niveau des mers au 21ème siècle est d'ores et déjà conditionnée par l'augmentation des gaz à effet des serre au 20ème, y compris en mettant en?uvre une réduction significative des émissions de GES, parce qu'il s'agit d'un système très lent à se modifier. Par contre, si l'on agit véritablement sur la réduction des GES, on peut en quelques décennies créer une différence importante par rapport à une situation de laisser-aller. Mais pour vraiment stabiliser le climat, il faudrait diviser par deux environ les émissions, globales, ce qui est considérable. Nous en sommes encore très loin, car il s'agit d'objectifs très difficiles à atteindre, mais tout objectif intermédiaire, s'il est atteint, sera utile...
Source : http://www.novethic.fr/
Propos recueillis par Véronique Smée
Mis en ligne le : 20/07/2006
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