Malgré des concurrents aussi redoutables que la grande distribution ou le e-commerce, les commerces de proximité ne sont pas, comme on a pu le craindre, en voie de disparition. Grâce à un positionnement et des stratégies pertinentes, ils ont su rester attractifs aux yeux des clients, et maintenir ainsi le dynamisme du secteur.
Proximité et rôle social : des atouts historiques à cultiver
Le commerce de proximité tire l’un de ses principaux avantages de sa nature même : proche des consommateurs, il est un élément clé dans la vie de la cité, en termes de relations sociales, avec le commerçant ou entre clients. Comme l’analyse Jean-Paul Vermes de la CCIP : « Aujourd’hui comme à l’époque de nos grands-parents, [la proximité] est synonyme de dynamisme, de croissance, de savoir-faire mais aussi de liens sociaux ». Le commerce de proximité peut donc se distinguer de ses concurrents en cultivant ce rôle social, en créant du lien, et plus largement en animant le quartier.
C’est d’ailleurs une fonction clairement plébiscitée par les consommateurs : selon Claire Piau, de l’Institut CSA, qui a réalisé fin 2012 un sondage sur le commerce de proximité : « si 91% des sondés aiment vivre dans leur ville, avant tout ils sont à la recherche de lien social […]. La recherche de la proximité est une tendance sociétale forte ». Un aspect que confirme Didier Mollat, à la tête de la librairie indépendante Mollat à Bordeaux, qui constate que dans son secteur, « le client est pressé d’avoir le livre mais veut aussi une relation avec le libraire ».
Jouer sur la personnalisation des services
Et parce qu’il est au cœur de la vie de son quartier, le commerce de proximité a une vraie carte à jouer en termes de développement de services personnalisés, à forte valeur ajoutée. Yvon Merlère, le directeur général du Credoc, considère qu’il s’agit d’un des facteurs expliquant sa renaissance : «le consommateur veut qu'on lui facilite la vie, qu'on diminue ses contraintes, qu'on lui apporte des services et des offres personnalisées». C’était en 2011 l’objectif poursuivi par Casino lorsque le groupe a signé un partenariat avec La poste pour installer des supérettes dans les locaux adjacents aux bureaux postaux, dans une cinquantaine de villes de moins de 12 000 habitants. Ces supérettes sont en effet destinées à faciliter la vie quotidienne de la clientèle de proximité : pratiques d’accès car proches des centres-villes, elles s’adaptent aussi aux particularités locales (un point de vente pain chaud s’il n’y a pas de boulangerie par exemple).
La notion de « service rendu » est d’ailleurs, depuis toujours, au cœur du modèle de fonctionnement des commerces de proximité, qui ont tout intérêt à ne pas trop s’en éloigner. Ces actions, que Jean-François Lemoine (*) désigne sous le nom de « valeur-client utilitaire hédoniste et visible », autrement dit les « petits services les plus fonctionnels et malins possibles pensés au plus près des besoins de la vie citadine contemporaine » peuvent prendre différentes formes : adaptation des horaires d’ouverture, livraison ou encore services à domicile.
Le pari de la qualité
Au-delà de ses forces liées à sa nature même, le commerce de proximité doit aussi miser sur un facteur différenciant essentiel : la qualité des produits, du service et de l’accueil. Gilles Grandjean, président du Grefel (groupement de restructuration du secteur fruits et légumes de Rungis), constate ainsi que « depuis quelques années le commerce de détail va mieux car il s’est réorganisé en devenant plus « pointu » et en faisant un grand pas vers la qualité ».
Cette exigence de qualité peut d’ailleurs faire l’objet d’une démarche très formelle. C’est en tout cas le choix qu’a fait Optic 2000 en se lançant, en 2011, dans une démarche de certification AFNOR « qualité en optique » de l’ensemble de ses magasins. La coopérative, née dans les années 60, devenue numéro 1 de l’optique en France et premier réseau de distribution non alimentaire avec ses 1200 magasins, a toujours fait de la proximité et du service au client le cœur de son positionnement. Avec la certification « engagement de service » de l’AFNOR, Optic 2000 s’engage donc, sur la base d’un référentiel précis, sur le niveau de qualité de service que le client trouvera dans chaque magasin.
A la clé, il s’agit de donner plus de poids et de légitimité à sa stratégie historiquement orientée client. « Dans quelques temps, la certification va émerger comme règle de qualité », anticipe Yves Guénin, le secrétaire général d’Optic 2000, qui entend ainsi renforcer la réputation de la marque Optic 2000 en matière de soins optiques : « En mettant l’accent sur la réactivité et le professionnalisme de l’accueil, sur la formation, l’implication et la responsabilisation des opticiens, nous espérons ainsi consolider le fort capital de confiance dont jouit l’enseigne. »
Le défi du commerce de proximité : rendre visibles ses points forts
Le commerce de proximité dispose de qualités intrinsèques qu’il a tout intérêt à renforcer, mais aussi à rendre visibles. Et contrairement aux idées reçues, les outils de fidélisation ou de communication ne sont pas l’apanage de la grande distribution. Les certifications qualité, entre autres, jouent ce rôle. Mais les commerçants peuvent aussi utiliser avec profit les techniques CRM (programmes de fidélité, promotions ciblées…), ou bien déployer des stratégies de communication multicanales (animation de pages Facebook, blog, services mobiles…). A Nice par exemple, les commerçants combinent nouvelles technologies, programme de fidélisation et communication locale avec leur « carte magique », une carte de fidélité multiboutiques basée sur la technologie mobile, qui permet aussi à chaque boutique de publier bons plans et informations personnalisées à ses clients potentiels.
Commerce d’autrefois, d’aujourd’hui et de demain
Dans une période où le consommateur recherche plus la qualité que la quantité, et où le lien social a retrouvé une place particulièrement précieuse à ses yeux, le commerce de proximité a tous les atouts pour durer. Et toutes les chances d’être encore… le commerce de demain.
(*) « Les stratégies d’innovation dans le commerce indépendant de proximité » http://prism.univ-paris1.fr/New/cahiers/CR10-22.pdf
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