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L'export : la nouvelle force de frappe du nucléaire français ?



  • Née d’une prise de conscience brutale de la dépendance énergétique de la France aux hydrocarbures du Golfe, le développement d’une filière nucléaire française s’est imposé comme un choix évident pour les autorités au milieu des années 70. Une filière aujourd’hui jeune donc, mais extrêmement hétéroclite puisque composée à la fois de groupes industriels d’envergure internationale, d’organismes publics de recherche mais également d’un tissu de plusieurs centaines de PME. Elément indispensable à l’indépendance énergétique du pays, cette filière est également devenue une filière dynamique et compétitive, largement exportatrice. Ce qui ne l’empêche pas d’être fortement décriée au sein des frontières de l’Hexagone. Et si l’avenir du nucléaire français se situait hors de ses frontières ?

    La France dispose du parc nucléaire le plus important du monde proportionnellement à sa population. Un solide réseau d’infrastructures qui fournit chaque année environ 405 TWh d’énergie à l’Hexagone.
    Cette capacité assure au pays une sécurité d’approvisionnement totale, mais lui permet également d’exporter puisque la France est en capacité de fournir à ses voisins de l’électricité à emprunte carbone basse et à un prix stable. Atout de taille dans un contexte de volatilité des marchés mondiaux de l’énergie. Avec 10 % de sa production énergétique exportée – pour environ 2 milliards d’euros par an, le nucléaire est devenu l’un des secteurs bénéficiaires les plus importants des échanges commerciaux français et contribue à rééquilibrer une balance commerciale en déficit depuis 2004 (déficit estimé à 45,7 milliards d'euros en 2015).

    Exporter de l’électricité en Europe mais pas seulement

    Alors que l’énergie nucléaire représente 30% de la production énergétique européenne, ce sont les prix affichés par la filière nucléaire française qui boostent ses exportations. Les ménages français paient leur électricité 22% moins cher que la moyenne européenne et près de deux fois moins cher qu’en Allemagne selon Eurostat. Les industriels français ont eux aussi accès à une électricité 25% moins chère. Des tarifs dont peuvent profiter les pays voisins dont la Grande Bretagne, largement alimentée en électricité par les sites de production voisins de la Manche.

    Acteur prééminent du marché énergétique français, EDF est le premier exploitant de centrales nucléaires dans le monde. Mais se focaliser sur ce géant ne doit pas nous faire ignorer la multitude d’autres acteurs évoluant dans ce secteur très varié, constitué certes de grands groupes mais également d’une myriade de PME, d’ETI et de start-up spécialisées dans l’innovation et les services techniques. Contribuant largement à l’exportation des biens et services liés au nucléaire (6 milliards d’euros par an), ces PME, ETI et start-up ont une force de frappe à l’export 5 à 10 fois supérieure à la moyenne de l’industrie hexagonale. Une vigueur vitale pour le secteur et dont bénéficient les grands groupes comme AREVA, qui réalise 60 % de son chiffre d’affaires dans ses activités du cycle nucléaire hors du territoire.
    Comme le souligne Philippe Anglaret, président du Groupe intersyndical de l’industrie nucléaire (GIIN) et vice-président d’Alstom chargé du nucléaire, « Aujourd’hui, il faut être capable de fournir des Chinois, des Russes, des Américains pour garantir son carnet de commandes et maintenir son niveau de compétences ».

    Un maillage international

    Au-delà de cette puissance exportatrice, le nucléaire français profite du dynamisme du marché de construction de centrales neuves. Selon une étude publiée cette semaine par l'Association mondiale du nucléaire (WNA), la capacité de production de l'énergie nucléaire à l'échelle mondiale a continué de croître en 2016 passant de 382,2 GW à la fin de 2015 à 391,4 GW. Si le parc nucléaire mondial se composait fin 2016 de 446 réacteurs utilisables, il en comptait 439 fin 2015. Et la France tire parti de cet engouement, notamment extrême-oriental, pour le nucléaire. Partie prenante de la construction de deux EPR à Taishan (Chine) ou de quatre réacteurs ATMEA en Turquie, la filière nucléaire française est également implantée en Pologne, en Afrique du Sud, en Turquie et en Inde. Implantation qui ne se borne pas à une prise de participation dans la construction de nouveaux réacteurs, mais qui se traduit aussi par la réalisation de transferts technologiques et de savoir-faire. Ainsi, le réacteur ATMEA est le fruit d’une collaboration entre AREVA et son partenaire japonais MHI, et le projet Hinkley Point C au Royaume-Uni le fruit d’une coopération industrielle européenne.  

    Finalement, si beaucoup avaient signé son arrêt de mort après l’accident nucléaire de Fukushima, le nucléaire poursuit son développement, notamment porté par la France, l’un de ses chefs de file. Après un passage à vide au tournant du siècle (retards accumulés sur les chantiers EPR d’Olkiluoto et de Flamanville), les récents engagements internationaux en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique semblent bel et bien avoir donné un second souffle à un jeune secteur industriel qui se lance désormais à la quête de marchés internationaux et dont le rôle est amené à s’accroitre au cours des décennies à venir. Selon les dernières estimations de l’AIE, pour atteindre les objectifs climatiques, la capacité nucléaire devrait doubler d’ici 2050, passant de 400 GWh à 930 GWh.

    Source: Benoit Boulard

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