Les maisons en bois présenteraient un bilan carbone neutre, voire positif (au sens de favorable) selon les industriels. Mais dès que l’on réfléchit en termes de cycles de vie ou de provenance des matériaux, le compte n’y est pas.
Pour savoir si une maison à ossature bois est réellement écologique, il faut analyser son « énergie grise ». Autrement dit « la somme totale de l'énergie nécessaire à assurer l'élaboration d'un produit, et ceci de l'extraction du/des matériau(x) brut(s), en passant par le traitement, la transformation, la mise en œuvre du produit, jusqu’aux transports successifs qu'aura nécessité la mise en œuvre. Sont également inclues les dépenses énergétiques des matériels et engins ayant contribué à son élaboration », selon la définition d’Erik Niemann, chargé de mission auprès de la MGC/DRAST. (1)
Au regard du cycle de vie d’un arbre (de la coupe des arbres jusqu’à son recyclage ou sa combustion), destiné au bois de construction d’une maison à ossature bois, il apparaît difficile de faire la démonstration d’un produit parfaitement durable de bout en bout. Bien sûr, la communication flatteuse autour de ce matériau dit « écologique » par les industriels, présente le bois sous son meilleur jour. Dans son rapport sur la redynamisation de la filière bois, présenté en mars 2017, la déléguée interministérielle à la forêt et au bois, Sylvie Alexandre, se veut très claire sur ce point : « Principale pompe a%u0300 carbone du secteur des terres, la forêt métropolitaine est vulnérable au changement climatique. Récolter plus ( 12 Mm3 en 2026) est souhaitable pour son adaptation, et nécessaire pour réduire les émissions des secteurs de l’énergie et du bâtiment ». Mais de telles mesures auraient peut-être nécessité une analyse plus fine avant d’être incluses dans les engagements du « paquet climat-énergie » européen. (2)
Du bois plus international que local
En France, les résineux (mélèzes, douglas...) sont privilégiés aux feuillus (chênes, hêtres, bouleaux...) qui peuplent aux deux tiers les forêts françaises. Présentés comme des matériaux renouvelables et des puits de carbone, leur bois est meilleur marché et plus facile à travailler pour construire des ossatures bois. «%u202FEncore faut-il qu’ils soient purgés d’aubier, c’est-à-dire de la couche externe et vivante la plus récemment formée, et qui est vulnérable%u202F», précise Loïc de Saint-Quentin, secrétaire général d'Afcobois (le syndicat des acteurs français de la construction en bois). Aujourd’hui, les scieries françaises, pour la plupart, ne sont pas organisées pour réaliser ce genre d’opérations. Du coup, il n’est pas rare de constater que les structures et parements des ossatures bois proviennent de pays étrangers ou, pire, de forêts non « durablement gérées ». Sans oublier les terrasses fabriquées avec des bois exotiques issus de forêts d’Amazonie et de la monoculture d’essences à croissance rapide - le fast wood -. Les industriels du bois ne semblent pas encore très regardants sur le respect de la biodiversité.
L’impact CO2 n’est pas neutre dès lors que le bois est importé pour être mis en œuvre en France. « Certes, le bois provient pour l’instant de l’étranger mais tout cela est intégré dans nos calculs. Le transport, le fait de ne pas avoir de ressources franciliennes nous " coûte " 5%u2008% de notre bénéfice carbone. Nous préfèrerions d’évidence disposer d’une ressource francilienne », reconnait Guillaume Poitrinal, le président de Woodeum et Cie spécialisé dans le CLT (cross laminated timber), partenaire commercial exclusif du groupe Stora Enso, premier producteur de bois scié en Europe. À cet égard, l’ADEME, dans son guide sectoriel sur les travaux publics datant de 2015, estime « l’impact CO2 lié à la fabrication d’une tonne de bois à 147 kgCO2, une tonne de béton à 138 kgCO2 et une tonne d’acier à 3190 kgCO2 ». (3) (4)
L’impact environnemental lié à la fabrication des matériaux
Pour être structurellement isolant, avec de bonnes performances énergétiques, les industriels oublient un peu trop souvent de mentionner les traitements chimiques indispensables pour traiter les panneaux extérieurs d’une maison en bois.Aujourd’hui, le traitement en autoclave est reconnu, de l’avis des professionnels du bois, comme le traitement le plus efficace. Le principe : injecter sous pression des produits chimiques au cœur du bois pour résister au temps, aux intempéries, aux insectes et champignons. Les processus de fabrication nécessitent des opérations complexes et polluantes avec l’injection d’antifongiques (contre les champignons lignivores et les moisissures) et d’insecticides (contre les insectes xylophages).
Outre leur prix élevé en énergie par rapport à une charpente industrielle ou traditionnelle, et le besoin d’entretien régulier en raison de l’usure du bois, les produits chimiques utilisés peuvent être toxiques pour la santé. Si les mélanges de sels métalliques CCA comprenant du cuivre, de l’arsenic (cancérogène certain) et du chrome fixant le cuivre et de l’arsenic sont interdits en France depuis 2004 et dans l’Union européenne depuis 2008, les contrôles en la matière ne sont pas assurés dans certains pays, en Europe de l’Est notamment. Actuellement, certains bois traités proposés sur le marché contiennent encore du cuivre et des ammoniums quaternaires. D’autres associent cuivre, acide borique et fongicides triazoles. « La plupart des substances chimiques utilisées composant les produits de traitement du bois sont dangereux pour la santé. Les expositions importantes peuvent conduire à des intoxications aigües graves, les expositions chroniques même à de faibles niveaux peuvent entraîner des maladies », tranche l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) (ED981) (5)
Dans la même veine, l’utilisation du bois de construction d’intérieur dans des maisons, pose question. Ce matériau émet naturellement des COV, en particulier du formaldéhyde et des terpènes. « C’est la résine qui émet le plus de formaldéhyde car elle est peu stable à l’humidité et à la chaleur. L’émission de formaldéhyde provient en partie de l’oxydation des terpènes, donc les résineux émettent également plus de formaldéhyde que les feuillus », explique CRITT Bois, le Centre Régional d'Innovation et de Transferts Technologiques des industries du bois « Le taux d’émission retenu par l’étiquetage pour le formaldéhyde dans la classe A (10% µg/m3) est fréquemment mesuré en laboratoire sur des bois fraîchement coupés », note ainsi l’Association internationale pour la construction et l’habitat durables Natureplus. (6) (7)
Le bois en fin de vie pollue
Que faire des bois traités d’une maison lorsqu’ ils arrivent en fin de vie ? Un vrai casse-tête pour les industriels. Dès lors, qu’ils sont autoclavés et imprégnés de sels métalliques, ils ne peuvent pas être recyclés ou valorisés comme les déchets de bois non traités ou faiblement traités de classe A et B (sous-produits de la transformation du bois brut, bois secs non traités et non peints, palettes, panneaux, bois d'ameublement, bois de démolition, souches). Surtout, ils ne doivent pas être abandonnés ni brûlés à l’air libre. Ces bois traités de classe C, selon la réglementation en vigueur, doivent suivre la filière des produits dangereux. Ils sont incinérés dans des installations dans des établissements agréés, les risques d’émissions étant trop importants, notamment en termes de composés organiques volatils polluants (COV). Sans compter que lorsque le bois brûle ou se décompose naturellement en fin de vie, « un mètre cube de bois rejette une tonne de CO2 », précise la FDES Bois, « soit la même quantité de CO2 qu’il a absorbé durant sa croissance ».
Comme le souligne l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) : « atteindre une performance environnementale pour un bâtiment ne peut se faire qu’en associant intelligemment des produits de construction aux caractéristiques techniques et environnementales bien identifiées, à l’aide de procédés bien maîtrisés ». (8) Le bois a sans aucun doute sa place en construction, mais ce n’est simplement pas encore la solution miracle que certains prétendent.
(1) www.bois.com/environnement/construire.../energie-grise-bois
(2) https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/.../rapport%20Foret%20Bois%20011010.pdf
(4) http://droits.leparticulier.lefigaro.fr/_immobilier/saint-quentin-yvelines-logements.html
(5) http://ctbpplus.fr/telechargements/14.pdf
(6) www.crittbois.com/.../Qualité-de-lair-intérieur-dans-les-batiments-produits- opération-collective-CRITT-Bois.pdf
(8) https://www.ademe.fr/.../guide-pratique-choisir-des-materiaux-pour- construire-et-renover.pdf