Le mouvement féminin apparut en Bulgarie parallèlement à la lutte pour l'égalité formelle à la fin du 19e siècle et après la création de l'Union Bulgare des femmes. Malgré les contradictions et la division du mouvement et malgré les tentatives des forces politiques de l'utiliser à des fins purement politiques, le mouvement des femmes contribua à la promotion des droits des femmes pendant la période avant la 2e guerre mondiale.
Peu après l'établissement du régime communiste la monopolisation et le contrôle total sur la vie politique et publique menèrent à la perte de l'indépendance du mouvement féministe proclamant l'égalité formelle tout en gardant les stéréotypes patriarcaux et le langage démagogique de l'égalitarisme. Pourtant les femmes n'ont jamais arrêté à s'associer et à chercher la voie vers l'égalité.
Il faut admettre que le régime communiste a donné une grande chance aux femmes d'avoir une bonne éducation aux mêmes conditions que les hommes et elles en ont largement profité, ce qui a créé une couche assez importante de femmes bien qualifiées et prêtes a lancer les défis aux système tout entier et aux hommes aussi.
Les changements politiques en 1989 ont été précédés par un mouvement écologiste avec une importante participation féminine. Les femmes étaient les premières à perdre le travail à organiser des protestes et à s'organiser pour surmonter la crise économique du début des années 1990.
Pourtant la vraie renaissance du mouvement des femmes en Bulgarie eut lieu après 1995, après la Conférence de Pékin. Dans les années après 1995 un large mouvement féminin s'est organisé autour de la cause de combattre les violences faites aux femmes au sein de la famille aussi bien que de combattre la discrimination sur la place de travail.
Ce furent les années de la création des premières organisations non-gouvernementales purement féminines et indépendantes qui s'organisaient pour assurer les premiers refuges pour femmes battues, les premiers centres de consultations psychologiques et juridiques bénévoles, les premiers groupes de recherches indépendantes sur la situation des femmes. Pendant ces années les femmes s'organisèrent a combattre les violences familiales, la traite interne et externe de jeunes filles, et les fausses notions d'égalité imposées par les forces politiques.
La cause était la, bien forte, unifiant des organisations sociales, des syndicats et des ONGs purement féminines. Bien sûr, le mouvement était largement supporté par les réseaux féministes internationaux et par les expériences Européennes et Américaines. Aussi les liens entre les organisations de femmes des pays des Balkans étaient très forts. Les guerres dans la Yougoslavie de la fin de la décennie avaient un effet catalytique et unifiant sur le mouvement féministe aussi.
La première revue de l'acquis après la conférence de Pékin en 2000 a montré un bilan plutôt positif pour les femmes bulgares bien que la situation politique n'avait pas changé. Les femmes étaient toujours une minorité là, ou les décisions politiques étaient prises. La nouvelle situation économique a fait d'elles une minorité dans la force de travail aussi. Le taux de chômage féminin des années de la dernière décennie du 20e siècle a donné une nouvelle impulsion au mouvement social féministe. Parallèlement au travail mené par les ONGs pour pousser l'adoption d'une loi pour la protection contre les violences familiales, les femmes se sont organisées pour promouvoir la participation politique aussi.
L'année 2001 a vu un nombre sans précédant de femmes entrer au parlement national - 26%. Mais se fut aussi la grande déception des organisations féminines qui s'attendaient à un support plus important de la part des femmes au pouvoir. Il n'en fut rien. Les femmes au pouvoir n'étaient pas assez matures pour assumer les attentes de celles qui les avaient élues. Un projet de loi pour l'égalité des chances des femmes et des hommes a été élaboré sur la base d'un large consensus d'ONGs, différentes organisations sociales, syndicales et politiques. Le projet a entré le Parlement mais a été rejeté pour la première fois par la coalition politique avec le plus grand nombre de femmes. Cette loi n'a jamais été vote depuis.
La grande victoire du mouvement féminin bulgare fut la loi contre les violences familiales qui entra en force en 2005. Ce fut une loi élaborée et poussée par la société civile. Son application fut possible uniquement grâce aux organisations des femmes qui avaient créé des structures et des services nécessaires pour les femmes.
L'année 2005 a vu la célébration de Pékin+10 qui s'est dissipée dans l'attente de l'accession a l'Union Européenne.
Le mouvement a perdu une partie de sa force. Le discours politique est devenue de nouveau démagogique au sujet de l'égalité des genres prétendant que l'égalité est présente par l'acquis communautaire, que les femmes ont assez de droits et que si elles n'en jouissent c'est leur faute. La Bulgarie étant déjà membre de l'UE le gouvernement n'est plus motivé a poursuivre les efforts pour une législation plus juste intégrant les questions de l'égalité des femmes et des hommes. L'harmonisation avec l'acquis communautaire une fois atteinte, il a décidé que tous ces engagements ont été réalisés. L'égalité est laissée largement à l'initiative de la société civile notamment aux organisations de femmes. Mais dans cette situation elles ont même plus de difficultés que pendant les années précédentes car les ressources ont diminué et les causes qui les unifiaient semblent ne plus exister. Le mouvement est en train de disparaître bercé par des déclarations et de promesses qui n'aboutissent pas. Il y a aussi la fatigue et la déception et le manque de jeunes femmes actives. La génération née pendant la grande crise économique n'est pas encore prête à prendre le relais et à formuler ses attentes.
Et c'est là le rôle important des activistes du mouvement féministe des 10 dernières années : la sensibilisation continuelle, le suivi de toutes les décisions prises au niveau international et national et la formation de jeunes femmes qui auraient repris les causes de l'égalité réelle.
Jivka MARINOVA Association recherche et technologie pour le genre - GERT BULGARIE
19/11/24 à 15h53 GMT