Introduction
Le village Bousso est l'ancien royaume du baguirmi. Le village est situé à plus de 250 km de la capitale (N'djamena). Il couvre une superficie de...18000km2, avec une population estimée à 108.539 habitants (53.975hommes et 54.564 femmes) pour un taux de croissance annuelle de 2,50%[1]. Le village compte aujourd'hui 142.407 habitants.
Le premier cas du VIH a été signalé dans les années 90 et aujourd'hui, on est à plus de 20% de cas de la population totale puisque sur un échantillon de 75 habitants dépistés, 35 sont révélés positifs[2]. Ce taux très élevé se traduit par :
- la méconnaissance de la maladie par les populations villageoises ;
- le vagabondage sexuel ;
- la polygamie
- les comportements à risque : excisions.
Problèmes
Ces personnes vivant avec le VIH sont marginalisées et subissent le poids de la tradition. En effet, le SIDA est considéré dans ce village comme une maladie impure et les personnes atteintes sont traitées des immoraux[3]. Le cas des femmes est très alarmant, car elles sont considérées directement comme des infidèles et des prostitués. Dans le cas où l'homme est informé de sa séropositivité, c'est toujours la femme qui est accusée d'être à l'origine de la maladie. Etant donné que les femmes constituent la couche la plus vulnérable, elles sont souvent victime de stigmatisation. Les femmes dépistées et déclarées positives et qui tentent d'informer les maris, font l'objet de torture et de divorce forcée. Cette situation oblige plusieurs femmes à ne pas déclarer leur sérologie.
Certains maris, qui découvre plus tard, qu'ils sont atteints de la maladie et qui ne veulent pas s'en prendre à leurs femmes, cherchent à se venger en couchant les jeunes filles de manière délibérée pour leur transmettre la maladie. Ils déclarent très souvent : " je ne veux pas mourir seul "[4]. Ce comportement à risque précipite leur mort. Ainsi plusieurs cas d'une évolution très rapide du VIH vers le SIDA chez ces personnes ont été signalés par le personnel médical du village.
En outre, la plupart des hommes contrôlés positifs, se refusent le droit d'en informer leurs femmes et continuent à faire des enfants en contaminant non seulement leurs femmes mais en mettant au monde des enfants malades et qui ne suivent aucun traitement. Interrogé à ce sujet, ces hommes déclarent que " la procréation est un don sacré, qu'ils ne doivent pas s'en passer même étant malade "[5]. En plus, ces hommes refusent le port de préservatifs et déclarent que c'est " une abomination d'utiliser les condoms ". Pire encore, une grande partie de la population interrogée à propos du VIH/SIDA, affirment que : " le SIDA est une malédiction divine envers les infidèles et les prostitués " et d'autres l'assimilent à la sorcellerie. Certains hommes, malintentionnés du village profitent de cette attitude et perception pour empoisonner les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Pour la plupart des cas, des crimes odieux sont entretenus et encouragés par les membres de la famille ou les proches des malades. Au vu de ce qui précède, certains malades tentent de se donner la mort.
Les cas des pratiques courantes de stigmatisation constatés dans le village sont les suivants :
- refus de partager le repas avec les PVVIH ;
- refus de salutations ;
- injures envers les enfants issus des PVVIH ;
- divorce, rejets des parents et des proches ;
- tentatives d'assassinat des PVVIH, exclusions au sein des ménages....
Méthodologie
Nous avons utilisé plusieurs méthodes d'approche pour parvenir à ces résultats pratiques et réels de terrain :
La MARP est non seulement un outil de collecte de données mais un processus de planification participative. Nous nous sommes servis de ces outils qui sont : les cartes sociales, les diagrammes système, les calendriers, les classifications matricielles, les grilles de priorisation des actions et des hypothèses....
Plusieurs discussions sur le VIH/SIDA ont été organisées autour de ces outils de la MARP.
Ceci nous a permis de collecter les déclarations et les données quantitatives sur le VIH en général et la stigmatisation en particulier.
Etant donné que nous sommes issu de ce village, notre long séjour sur le terrain, nous a permis de comprendre beaucoup de choses et de toucher du doigt les réalités du village. Notre position en milieu associatif nous a amené affaire beaucoup de recherche et élaborer plusieurs projets autour du VIH/SIDA
Les résultats de nos vécus quotidiens au village ont été complétés par les données documentaires sur le VIH et le partage des expériences des autres associations soeurs.
Enfin, notre détermination a mené à bout cette recherche et la confiance des populations placées en nous, constitue un atout majeur à des résultats probants, fiables et à des analyses assez objectifs.
[1] Recensement Général de la population et de l'Habitant (RGPH,1993)
[2] Etude menée par le district sanitaire de Bousso en 2005
[3] Des infidèles, des pécheurs, des coureurs de jupons...
[4] Le sida est considéré à Bousso comme une fatalité et une maladie honteuse
[5] Il faut noter que la moitié de ces hommes sont polygames (3 à 6 femmes)
19/11/24 à 15h53 GMT