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Campagnes d'information et de sensibilisation : "Le Liban n’est pas une poubelle"



  • Qui aurait pensé qu'une courte visite au Liban effectuée par un Libanais ayant passé la majorité de sa vie en Afrique se transformerait en un ardent combat pour la protection d'un patrimoine écologique unique au Proche-Orient ?

     

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     C'est pourtant l'histoire d'Ibrahim El Ali

    Cet homme s'est rendu au Liban pour la première fois il y a cinq ans. Là-bas, il y a découvert une terre riche de sa biodiversité, mais maltraitée, parfois même défigurée. La première étape de son combat a été la fondation d'une ONG, " Mawassem Khair " ou  " Moissons de la bienfaisance " qui s'est assignée comme mission première la protection des forêts libanaises. La dernière action de l'ONG s'est déroulée dans la forêt de Bkassine. Albalad a eu l'occasion de rencontrer Ibrahim El Ali pour faire le point des activités de Mawassem Khair.

     

    Par Chantal Bou Akl,  journal Al Balad

     

     

    *       Quel est votre  parcours depuis l'Afrique jusqu'au Liban ?

     

    Je suis président d'une ONG nommée " Mawassem Khair " (" Moissons de  Bienfaisance ") dont la mission est de faire découvrir et de sauvegarder le riche patrimoine naturel du Liban, sa biodiversité unique au Proche-Orient.

    Membre de la communauté libanaise du Sénégal, j'ai commencé mes actions en Afrique avant de me consacrer exclusivement au Proche-Orient. Au Sénégal, au côté de mon frère Haidar El Ali, je me suis engagé, dans le cadre de l'association Océanium, dans la défense des dauphins et des espèces protégées, puis dans l'effort de reboisement. 

    Au Liban ensuite, où je me suis rendu la première fois il y a cinq ans, pour y accompagner mon père suite au décès de ma mère. Sur place, j'ai pu découvrir avec émerveillement une " Terre Sacrée ", véritable capitale de la biodiversité du Proche-Orient et ce coup de coeur m'a poussé à m'engager dans la protection de son riche patrimoine écologique. Mon ONG, Mawassem Khair, " Moissons de la Bienfaisance ", en coopération avec la FINUL, a participé au désamorçage de plus de 4000 bombes au Liban Sud, au reboisement de la région ainsi qu'à la lutte contre les incendies. Elle a surtout consacré ses efforts à la sensibilisation et à l'éducation de la population aux problèmes environnementaux car c'est une condition pour lui faire acquérir des comportements adaptés aux enjeux du développement durable. 

    Mon grand projet actuel est de renforcer mes initiatives de reboisement du Liban, d'assister les municipalités en matière de traitement des déchets et des eaux usées, de créer une agence d'information dédiée au développement durable et aux questions d'éco-santé au Liban. 

     

     

    Quelle est l'idée à l'origine de Mawassem Khair et son agenda ?

     

    Le constat que le Liban, formidable réservoir de la biodiversité et château d'eau du Proche-Orient,  possède  tous les atouts  pour devenir un pays avec une haute empreinte écologique. Nos forêts contiennent une riche biodiversité, surtout au niveau de la faune. Il n'est pas rare d'y croiser une hyène ou un lynx, des espèces en voie d'extinction. Mon ambition est  de participer à ce grand projet que tous les amoureux de la nature et du Liban souhaitent voir se réaliser, de mobiliser toutes les organisations engagées dans ce combat et la société civile pour  faire une sorte de grenelle, et  proposer  au futur  gouvernement  des projets de loi visant à préserver cette richesse, poumon de l'économie nationale.

     Dans  la  continuité de notre opération " Le Liban n est pas une  poubelle ", nous  avons pour projet de nettoyer entièrement nos forêts, et  de  créer  une  sorte  de police environnementale,  qui  exercerait un contrôle  des vacanciers et de leurs véhicules pour  vérifier qu'au moment du départ,  ces vacanciers ne  jettent leurs déchets dans la forêt. Je propose  l'idée que tout pollueur  soit sanctionné par une amende qui est payée au moment où le propriétaire soumet sa voiture au  contrôle de la mécanique. Les agents de la défense civile pourraient  fort bien jouer  ce rôle ou bien des gardes forestiers, ou même une police municipale. Il faut réfléchir aux moyens de dissuasion et aux sanctions, car  ce genre d'action contraignante est à même de pousser les pollueurs à un changement radical de comportement.

    Ce sera sans doute long mais pas impossible. Qui  aurait  pu penser  il  y  a  tout juste trois ans  que  les Libanais  accepteraient un jour d'attacher  leur ceinture de sécurité  en conduisant?

    Notre  agenda  est  très  fourni, mais  hélas  comme toutes  les ONG libanaises nous connaissons le problème du financement.

     

     

      Quels sont  les réalisations de l'ONG, et ses objectifs

     

    " Mawassem Khair " s est distinguée  par une participation active aux opérations de déminage  au sud Liban  après la guerre de 2006, puis par des actions de soutien aux populations à l'accès à l'eau potable et à  l'électricité etc., toujours en collaboration étroite avec la FINUL.

    " Mawassem Khair ", s est mobilisée ensuite pour  reboiser et lutter  contre les feux de forêts,  mobiliser l'opinion  internationale à travers des conférences à l'UNESCO   dans le cadre du forum de Paris pour protéger cette richesse de la biodiversité que nous offre naturellement  le  Liban.

     

    Ses  objectifs sont les suivants : continuer a nettoyer la forêt de pins de bkassine , initier un projet de station d'épuration d'eaux usées  dans la région,  mobiliser  tous les acteurs pour intégrer cette forêt  dans le programme des parcs  nationaux  à protéger, et créer ensuite  une agence au Liban qui serait le lien entre les pouvoirs publics,  les municipalités  et  les différents acteurs de la société civile (ONG, écoles , etc.) afin qu'ils disposent  de toutes les informations pour  assister les collectivités et trouver des solutions concrètes  à la gestion des déchets physiques,  des  eaux  usées et toute forme de pollution,  et  enfin pour sensibiliser  efficacement et durablement  la population afin qu'elle ne reproduise pas les mêmes schémas nocifs et rencontre les mêmes problèmes à l'avenir. Trois pôles d'action seront conjointement menés : les opérations de nettoyage sur le terrain, la sensibilisation/prévention, et la sanction/répression  en cas de récidive.

     

    Notre objectif est de faire du Liban  une référence et un précurseur en matière d'écologie.  Ceci  peut  paraître  complètement irréaliste voire démesuré,  mais la crise persistante et  les structures désorganisées de l'état en période  de  guerre,  ont  poussé les Libanais à montrer toute l'étendue de leur débrouillardise légendaire, et à trouver des solutions  qui  épousent naturellement  l'écologie. Quelques  exemples le prouvent :   au Liban on utilise les lampes à économie  d'énergie alors  que l'Europe prévoit de le rendre obligatoire  dans 4 ans,  les  maisons  récupèrent l'eau de pluie , les chauffe-eau solaires sont très  courants au Liban,  et  la récupération de l'énergie  à  travers des accumulateurs  UPS  et  des batteries  permettent  d'électrifier les  maisons  en période de coupure d'électricité. Le  chemin est encore bien long,  et l'on se désole toujours de voir à la fois tant de richesse et tant de gâchis....

     

     

    *  Concernant  la collecte d'ordures à Jezzine : quelle est l'idée à la base de ce projet? Parlez-nous du déroulement et des préparatifs, de la participation des habitants.

     

    Ce projet a démarré  il y a  un an,  après  une visite de la région, avec l'objectif de promouvoir la forêt  de Bkassine - la plus  grande forêt de pins du Proche-Orient avec plus  de  220 hectares de pins - et de l'intégrer dans un vaste programme de protection naturelle des forêts du Liban. Pour Bkassine, notre ONG espère obtenir son classement en tant que parc naturel protégé. (Pour suivre les actions de Mawassem Khair:  http://fondation-elali.blogspot.com /  http://www.yasour.org/news )

    Zeina MAAZ  (la fille de la vice-présidente de Mawassem Khair) habitant le village de Sabah, avoisinant Bkassine, et  Sarah SBEIH (sa cousine) ont  été choquées de voir autant  de  déchets  de toutes sortes s'amonceler  dans une si belle  forêt, et on éprouvé un sentiment de révolte légitime devant cette catastrophe écologique galopante. C'est alors qu'elles ont contacté  Mawassem Khair  et  que nous avons décidé de lancer une opération de nettoyage et de sensibilisation de grande ampleur impliquant des jeunes  de la région.

    Quand la  télévision  Française  nous a contacté  pour faire un reportage touristique de la région,  nous  leur avons souligné la nécessité de parler aussi de l'urgence des mesures à prendre pour  protéger  les forêts du Liban. Ainsi, d'une pierre deux coups, nous avons nettoyé la forêt, certes partiellement,  nous avons reboisé et  fait connaître cette belle région à  de nombreux téléspectateurs francophones.

    Ceci est  juste  un début,  nous  continuons à nous  mobiliser  pour  poursuivre  nos actions.

     

     

    *    Quelles ont été les difficultés rencontrées et les facilitations obtenues ?

     

    Nous  avons été  félicités par les autorités municipales de  Sabah et de Bkassine, mais notre plus grande récompense  a  été  de constater l'enthousiasme  des enfants, qui voulaient en faire toujours plus. Etant donné que la chaîne de télévision  française  France  3 faisait un reportage sur les activités  de Mawassem Khair, nous  avions  des impératifs d'horaire pour le tournage, mais la joie  des enfants  dans le nettoyage puis dans le reboisement  , et  de voir  qu il est  possible  de préserver la forêt avec des initiatives locales constitue  notre plus  grande récompense.

    Les  difficultés demeurent, mais aussi les regrets  de voir   que  des  pique-niqueurs  viennent encore fumer le narguilé  et que  les  fourneaux  continuent d'être un vrai  danger pour cette forêt de pins  qui  s'enflamme très rapidement

    La vue de ces décharges sauvages nous affecte profondément, nous  environnementalistes, mais  également tous les enfants  qui réalisent  en nettoyant minutieusement  la forêt, que la beauté de ce site  mérite d'être protégée.

     

     

    *       Parlez-nous de l'importance à long terme de la sensibilisation des familles,

    Notamment les enfants.

     

    Un enfant  qui  a  ramassé  les ordures  et qui  a  reboisé  en parle généralement avec enthousiasme à sa famille et à tous ses camarades de classe. Il tire une intense fierté à voir son travail reconnu et sa photo diffusée dans la presse locale ou sur la toile. Cette satisfaction personnelle l'éloigne durablement de comportements  irrespectueux de l'environnement. Ces mêmes enfants endossent un rôle de veille, ils deviennent  les gardiens de  leur  forêt et informent leur entourage. L'objectif recherché est de préserver cet enthousiasme, d'en faire pour lui une source d'apprentissage de premier ordre à partir du moment où ses petites  mains rencontrent  la terre pour y planter un arbre. Chaque enfant qui participe à nos actions  devient un vecteur de diffusion de notre message de sensibilisation :"Le  LIBAN n est  pas  une  poubelle ".

     

     Le rôle des collectivités locales dans la préservation de l'environnement surtout à Jezzine : les lacunes et les solutions.

     

     

    Les collectivités locales ont un très grand rôle a jouer dans la préservation de l'environnement , ceci  est  vrai  pour le Liban , mais  pour la plupart des pays développés du monde , dont la France,  ce ne sont que les collectivités qui  assument  ces taches .

    Ce qui est particulièrement  intéressant  dans le cas de Jezzine  et  sa  région ,  c'est  que  la  foret de Pins  de  bkassine a su réunir toutes les municipalités environnantes autour de la nécessité  de protéger ce patrimoine, créant ainsi une dynamique collectiviste, ce qui est, il faut le dire, assez  rare  au Liban,  à  cause des divergences politiques ou de clans. Ici,  la foret permet de mettre tout le monde d accord,  et  c'est cela,  le pouvoir mobilisateur de l'environnement. Un oiseau  ne se posera jamais  la question de savoir  si tel  arbre  est  musulman ou chrétien, de tel ou tel parti politique,  avant  de s'y poser. L'on comprend très vite le rôle très important  des ONG  qui servent de catalyseurs d idées et de projets,  pour  assister efficacement  les municipalités. En mobilisant toutes les énergies vives, nos besoins et nos ambitions communs,  nous  pouvons  contribuer au  changement  des mentalités et des comportements  au Liban.

     

     

    Les habitants seront-ils prêts à entreprendre de telles initiatives même en l'absence de l'ONG ?

     

    Le premier  réflexe  des habitants est souvent de se défausser et de faire endosser à l'Etat et aux  municipalités la responsabilité de tous leurs malheurs.

    Or, force est de constater que le libanais lambda ne se soucie pas beaucoup de  l'espace publique et les problèmes de déchets  récurrents a toutes les municipalités en sont la preuve. Il a pourtant le pouvoir (et le devoir), à son niveau, de contribuer au bien-être collectif.

    Les Libanais qui vont  pique-niquer par exemple, n'ignorent pas  qu'il est de leur devoir de citoyens de  ramener tous leurs déchets avec eux et de les mettre dans des sacs poubelles dans leurs voitures, mais par facilité et négligence, ils préfèrent les jeter au milieu de la forêt de pins  sans songer aux conséquences désastreuses de tous ces déchets non biodégradables sur leur environnement qui fait justement du Liban une destination touristique très prisée.

    Les habitants  ne  semblent pas encore prêts  à prendre  ces  initiatives d'eux-mêmes. Les ONG  misent alors sur la sensibilisation et la mobilisation de la population, surtout  la jeunesse, pour réveiller les consciences et pousser à adopter des comportements civiques salutaires et respectueux du bien commun que constitue l'écosystème libanais.

     

    Notre  objectif  est de poursuivre nos  actions  de  sensibilisation  auprès  des  enfants,  des  écoles, des  boy-scouts, des familles, via la mise en place de campagnes d'information et de sensibilisation du type " le Liban n est pas une  poubelle ", puis  d'engager  des actions de plus grande envergure en prenant exemple sur le nettoyage intégral de la forêt de bkassine,  avant de jouer pleinement  notre  rôle  de catalyseur d idées, et d'être force de proposition auprès  du ministère de l intérieur afin de réfléchir ensemble aux actions à entreprise, incluant les possibles sanctions précédemment citées contre ceux qui polluent notre environnement.

    Il est important, pour accompagner nos actions de nettoyage et faire en sorte qu'elles ne soient pas vaines, de prévoir des sanctions exemplaires à l'encontre des citoyens qui persisteront à polluer. Sinon, même avec toute la meilleure volonté du monde,  nos  actions ne serviraient à rien.

     


     

     

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