Presque tous nos vivres proviennent des terres productrices d'aliments limitées, mais qui continuent d'être dégradées, garantissant des prix des denrées alimentaires beaucoup plus élevés et moins de nourriture à l'avenir, préviennent des experts.
Mais la dégradation et la désertification peuvent être arrêtées et inversées, comme en témoignent des parties autrefois stériles de la Région sahélienne sèche d'Afrique qui sont maintenant vertes et se développent grâce aux efforts locaux.
"Sans inverser la dégradation des terres en cours, des études montrent que les prix des denrées alimentaires seront de 30 pour cent [plus élevés] et les aliments seront moins disponibles de 12 pour cent" d'ici à 2035, a déclaré Luc Gnacadja, secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), qui se réunit à Changwon, en Corée du Sud.
"Nous ne pouvons pas nous permettre d'épuiser nos terres productrices d'aliments sur lesquelles il y aura neuf milliards d'habitants d'ici à 2050", a indiqué Gnacadja.
La sécurité alimentaire est un thème majeur lors de cette 10ème Conférence des parties (COP 10) sous l'UNCCD, la convention gouvernementale internationale chargée de trouver des moyens de mettre fin à la désertification et la dégradation des terres.
Bien que le monde puisse produire suffisamment d'aliments pour tout le monde, environ une personne sur sept souffrira de la faim. Pourquoi? Elles ne pourront simplement pas acheter assez de vivres. Les prix des denrées alimentaires dans le monde demeurent plus élevés de 15 pour cent qu'il y a un an, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
La spéculation sur les denrées alimentaires et les changements climatiques qui apportent plus de chaleur accrue et des changements dans les types de précipitations, avec une demande croissante pour les biocarburants, ont été considérés comme étant à la base de la hausse des prix des denrées alimentaires ces dernières années.
La baisse de la fertilité des sols du fait de l'érosion et de la surexploitation est largement invisible dans l'inquiétude croissante au sujet de l'alimentation du monde. Chaque année, cela se traduit par la perte effective de quelque 12 millions d'hectares de terres.
Cela a été un "point mort" dans les discussions sur la sécurité alimentaire, selon Gnacadja. Les délégués de l'UNCCD venus de 193 pays se réunissent cette semaine en Corée du Sud afin de créer des outils et des mécanismes pour aider les pays à développer des politiques efficaces de gestion des terres et des pratiques pour réduire et, en fin de compte, éviter la dégradation des terres.
Une grande partie de la région du Sahel occidental en Afrique, au bord du désert du Sahara, était aussi stérile qu'un sol en béton dans les années 1970. Aujourd'hui, près de six millions d'hectares de terres sont de nouveau vertes et renferment plus de 200 millions d'arbres au Niger, au Mali et au Burkina Faso, a déclaré Chris Reij du 'Centre for International Cooperation' (Centre pour la coopération internationale) à 'Vrije University' (Université de Vrije) à Amsterdam, aux Pays-Bas.
Le Sahel est une ceinture de terres arides au sud du Sahara qui s'étend sur l'ensemble du continent et abrite certaines des personnes les plus pauvres d'Afrique.
"Aucun des arbres n'a été planté, c'était une régénération naturelle grâce en partie à une augmentation des précipitations", a souligné Reij à IPS à Changwon.
Cependant, le plus grand facteur était les actions des populations locales visant à protéger les arbres et à développer des techniques de récolte d'eau pour créer un système agro-forestier complexe qui les appuie, a-t-il expliqué. Et ces actions ont été déclenchées par des changements dans les politiques gouvernementales qui disaient essentiellement: "Si vous plantez un arbre ou protéger un arbre, il vous appartient pour toujours".
Les populations locales ont répondu en construisant des monticules semi-circulaires, en creusant des fosses, des barrages ayant la hauteur du genou et des réservoirs pour capter et retenir l'eau, en nourrissant les arbres les buissons et les plantes alimentaires et en aidant à recharger la nappe phréatique.
"Dans certaines régions, la nappe phréatique a augmenté de cinq ou six mètres", a ajouté Reij.
Grâce à ces techniques, les petits fermiers au Niger ont pu produire 200.000 tonnes d'oignons. Certains produisent 2.000 kilogrammes d'aliments à partir d'un hectare de terre qui ne produisait rien, a-t-il indiqué.
"C'est incroyable ce que les agriculteurs africains puissent produire lorsqu'ils ont le dos au mur", a observé Reij.
Le reverdissement de cette partie du Sahel a augmenté la fertilité des sols dans la région, réduit les températures, baissé le nombre et l'intensité des tempêtes de sable, fourni du bois de chauffage et du fourrage pour les animaux, renforcé la biodiversité et généré d'autres avantages gratuits pour les gouvernements, a-t-il déclaré.
"La grande question est maintenant de savoir comment amener cela à d'autres parties de l'Afrique et du monde", a-t-il ajouté.
Reij a raconté un récent voyage en Ethiopie où de grandes étendues de terres appartenant à la personne la plus riche du pays étaient en train d'être labourées pour une monoculture. "Les nuages de poussière qui en résultent, qui constituent la fertilité de la terre qui est en train d'être dispersée, étaient navrants", a-t-il souligné.
Les régions semi-arides du monde doivent se tourner vers l'agroforesterie qui intègre les arbres, les animaux et les cultures, a-t-il suggéré.
Pour parvenir à des formes de production alimentaire véritablement durables, les gouvernements doivent se passer des monocultures et des projets d'irrigation à grande échelle, a admis Olivier De Schutter, le rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation.
Une combinaison de plantes, d'arbres et d'animaux peut conserver et améliorer la productivité des terres. Des études montrent que là où l'agroforesterie (appelée aussi agro-écologie) a été appliquée, elle a conduit à des augmentations moyennes de 116 pour cent de rendement moyen en Afrique, a précédemment affirmé De Schutter à IPS.
La meilleure chose que les gouvernements puissent faire, c'est de soutenir et de fournir des incitations à leurs petits fermiers pour qu'ils se tournent vers des méthodes agro-écologiques au lieu d'investir dans de gros projets coûteux, a proposé De Schutter par vidéo lors de la COP 10.
"Les barrages et l'irrigation à grande échelle sont extrêmement coûteux pour les Etats, ont d'énormes impacts environnementaux et sociaux, et ne sont pas durables", a-t-il indiqué.
De Schutter a déclaré lors d'une récente visite en Chine qu'il était frappé par la fragilité de beaucoup de ses terres productrices d'aliments en termes de disponibilité de l'eau et de fertilité des sols. "L'agroforesterie et la collecte de l'eau constituent le seul moyen de nourrir l'avenir", a-t-il dit, et c'est ce qui aurait dû être fait dans la Corne de l'Afrique.
Les gouvernements doivent faire des investissements massifs pour changer cela. "Ils devront aussi faire preuve d'imagination et de volonté politique pour y parvenir", a-t-il ajouté.
Un article de Stephen Leahy pour l'agence IPS
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09/12/24 à 13h08 GMT