Au Mali, au cours des 50 dernières années, la population a presque triplé, les surfaces cultivées se sont considérablement étendues et le cheptel bovin a doublé. Cette évolution est particulièrement sensible dans le sud du pays, où l'élevage et la production de coton prédominent : les surfaces cultivées s'étendent, les temps de mise en jachère sont réduits avec un passage progressif à la culture continue, et l'espace pastoral se morcelle. Avec, à la clef, une baisse de la fertilité des sols et un risque pour l'agriculture et l'élevage.
Dans ces conditions, comment les agriculteurs parviennent-ils à maintenir la fertilité des sols et à développer leurs activités agropastorales ? Une équipe du Cirad a cherché à répondre à cette question en explorant les savoirs techniques des agriculteurs, pour comprendre leurs pratiques et leur proposer des systèmes de gestion de la fertilité des sols en adéquation avec leur système de connaissance.
Une méthode originale d'analyse des pratiques de fertilisationLes chercheurs ont tout d'abord conçu une méthode d'analyse des pratiques de gestion de la fertilité des sols. Cette méthode originale se fonde sur les savoirs techniques des agriculteurs en matière de fumure organique et sur le suivi de sa production et de son utilisation.
Elle repose donc sur des enquêtes auprès des exploitants : les types de fumure employée, leurs caractéristiques, leurs fonctions, les risques qui leur sont associés, leurs usages. Complétée par l'analyse de la composition organique et minérale des sols et des fumures, cette méthode permet de mesurer l'efficacité du recyclage des biomasses animales et végétales et de mieux comprendre les logiques qui sous-tendent leur gestion.
L'enquête a été menée auprès de 28 exploitations situées dans deux villages du sud du Mali : Dentiola et Zanférébougou.
Mieux comprendre les logiques paysannesDans cette région, la Société cotonnière a largement vulgarisé, depuis les années 1980, de nouvelles techniques de maintien de la fertilité des sols, et les pratiques de production d'engrais organiques ont évolué.
Le parcage amélioré pour le bétail avec apport de litière, qui était pratiqué seulement par les exploitations les mieux équipées en matériel de transport dans les années 1990, est aujourd'hui utilisé par les petites exploitations. Le compostage s'est également généralisé, avec une production directement au bord des champs qui s'étend peu à peu aux petites exploitations.
Cette évolution des pratiques montre que les paysans adaptent et intègrent les techniques vulgarisées, et que leur savoir technique, loin d'être un système traditionnel figé, s'enrichit constamment. Mais ces pratiques sont-elles réellement efficaces ?
Associer savoirs traditionnels et innovations, un gage d'efficacitéLa première constatation est que l'efficience de recyclage des éléments nutritifs contenus dans l'engrais est faible, tant pour le carbone que pour l'azote. Pour améliorer ce recyclage, il faudrait soit augmenter la collecte de la biomasse (séjour prolongé des animaux dans l'enclos, collecte des résidus de culture pendant la récolte), soit réduire les pertes en éléments nutritifs (couverture des fosses, maintien de conditions anaérobies...).
Deuxièmement, cette efficience est directement liée à l'introduction dans les exploitations de pratiques innovantes. La proportion de résidus transformés en engrais et l'efficacité du recyclage du carbone et de l'azote sont meilleures lorsque les agriculteurs adoptent une diversité de techniques. Mais leurs stratégies peuvent être très différentes selon la taille de leur exploitation et les moyens dont ils disposent.
Les grandes exploitations, qui bénéficient de biomasses recyclables abondantes et de moyens de production, innovent en diversifiant leurs modes de production d'engrais organiques et en les répartissant entre la ferme et les champs. Elles mobilisent un large éventail de connaissances techniques, qui leur permettent de transformer efficacement la biomasse agricole et de limiter les pertes.
Les petites exploitations, qui ont peu de ressources et de moyens de production, sont contraintes d'innover. Le recyclage de l'azote y est élevé et la production d'engrais, réalisée dans des fosses principalement à partir de résidus de récolte, est, là aussi, répartie sur tout le territoire de l'exploitation.
Les exploitations traditionnelles parviennent parfois aux mêmes résultats, mais au prix d'un travail bien plus important.
Augmenter la collecte de biomasse et réduire les pertes en éléments nutritifsQuelles que soient la taille et les ressources de leur exploitation, les agriculteurs qui adoptent des techniques variées et novatrices de production d'engrais améliorent considérablement le recyclage de leurs résidus de culture et déjections animales.
Cette production d'engrais reste, cependant, insuffisante pour couvrir les besoins des sols et des cultures. Il s'agit maintenant d'augmenter l'efficience de recyclage, en augmentant la collecte de la biomasse et en réduisant les pertes en éléments nutritifs.
Avec la méthode de caractérisation des savoirs techniques locaux, les chercheurs ont pu comprendre la logique des agriculteurs et engager un dialogue constructif avec eux. Ils peuvent désormais développer des plans de gestion des engrais sur l'exploitation ou des techniques de réduction des pertes.
Communiqué du Cirad (721 hits)
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19/11/24 à 15h53 GMT