Une maison individuelle de 110 m², construite avant 1990 (75% du parc immobilier), chauffée au fioul, dépense environ 245¤/mois. En théorie, la rénovation thermique peut réduire la facture jusqu'à 45¤/mois, soit une économie de 200¤/mois. C'est énorme a priori. Or, il faut investir une trentaine de milliers d'euros pour effectuer les travaux de rénovation thermique. Financés avec un emprunt sur 10 ans à taux zéro, cela coûte 300¤/mois, plus les 45¤ restants de chauffage, soit 345¤/mois au total, et donc 100¤/mois de plus qu'avant !
Dans ces conditions, la conclusion est claire[1]: il n'y aura pas d'économie d'énergie majeure en France tant que les prix de l'énergie seront bas. Ce n'est tout simplement pas rentable. Autrement dit pour les ménages, d'un point de vue financier, il vaut mieux partir en vacances plutôt que de s'ennuyer avec des travaux de rénovation thermique. Le slogan, " l'énergie est notre avenir, économisons là " tourne donc à vide.
Faut-il d'ailleurs à l'avenir économiser l'énergie ?
Les hydrocarbures ? En 1975, il n'y en avait plus que pour 40 ans... Pour les plus pessimistes de l'Agence Internationale de l'Energie, la production de pétrole atteint désormais un plateau. Pour la revue Pétrole & Gaz Arabes, les réserves de pétrole suffiront aux 60 à 80 prochaines années. Les réserves de gaz sont encore plus importantes. Sans même parler de la révolution des pétroles et gaz de schiste, qui à eux seuls risquent de changer intégralement la donne.
Le charbon ? Rien qu'en Chine, le stock est évalué à 250 ans. Pour tous les experts de l'énergie, compte tenu de son abondance et faible coût, le charbon va devenir la principale source d'énergie du 21ème siècle.
L'uranium ? A l'époque où " Atomic Anne " Lauvergeon dirigeait le
groupe Areva, elle expliquait que le nucléaire est une énergie
recyclable (à ne pas confondre avec renouvelable !) et que les stocks
connus d'uranium pouvaient assurer la production d'électricité pendant
3500 ans.
Le soleil ? Le professeur Franz Trieh de l'université de Stuttgart
explique que les déserts reçoivent en 6 heures plus d'énergie que
l'humanité n'en consomme chaque année.
80 ans, 250 ans, 3500 ans, l'infini : il n'y a pas de rareté sur les différentes sources d'énergie, et donc aucune urgence à réduire nos consommations. Faut-il pour autant se réjouir d'avoir de l'énergie bon marché et abondante ?
Certainement, pour tous ceux qui montrent que la croissance et le développement de nos pays résultent d'un accès à une énergie peu onéreuse[2] .
C'est un désastre, pour tous ceux qui savent comme John Kerry (qui déclarait la semaine passée" le changement
climatique est la plus redoutable arme de destruction massive du monde
et que ceux qui le nient sont comme ceux qui pensent que la terre est
plate.") que le principal
problème à venir est celui du changement climatique .
De l'augmentation
des catastrophes naturelles (et du coût économique associé[3]) au
milliard de réfugiés climatiques qu'il faudra gérer, l'enjeu du
changement climatique est majeur et va même jusqu'à la disparition
potentielle de l'humanité selon le chercheur américain Jared Diamond[4] .
Le comité du prix Nobel de la paix ne s'y est d'ailleurs pas trompé en
2007 en attribuant son prix à Al Gore et au Groupe d'Experts
International sur le Climat, et en 2012 année en récompensant l'Europe.
La différence de temporalité entre le problème climatique et
énergétique est fondamentale et au coeur du contrat de générations. Le
changement climatique, c'est maintenant : la fonte de la banquise
arctique a pulvérisé son record récemment, et un rapport de
l'organisation DARA montre que le changement climatique ampute déjà le
PIB l'économie mondiale de 1.6%. Notre génération et celle de nos
parents, ne souhaitent pas léguer aux jeunes une hausse de température
supérieure au seuil critique de 2°C, défini par les experts du climat.
Pour respecter cet objectif climatique fondamental, nous devons diviser
nos émissions de CO2 (principal gaz responsable du changement
climatique) par 4 en France.
Les actions doivent par conséquent être entreprises dès à présent. C'est encore possible en intégrant aujourd'hui dans nos factures, le contenu CO2 de chaque énergie. C'est possible avec le marché des quotas de CO2. C'est possible en augmentant le prix de la taxe sur les carburants[5] . Cette hausse vitale des prix de l'énergie, dans un pays qui a su inventer la CMU, n'est absolument pas incompatible avec la lutte contre la précarité énergétique. Les énergies avec un fort contenu CO2 deviendront chères, et seront moins consommées, au profit des énergies à faible contenu carbone comme le soleil et le vent, inépuisables de surcroit.
L'urgence est donc climatique. Elle impose une profonde transition énergétique, indépendamment des allégations sur les réserves énergétiques de la planète, et sans dogmatisme sur le coût de l'énergie.
Jean-Luc Baradat
Président de la SAS 450
éditrice du site CompteEpargneCO2.com
(Tribune parue dans le Cercle des Echos)
NOTES [1] Voir par exemple l'étude " L'ordre de priorité des actions d'efficacité énergétique ", de l'Union Française de l'Electricité [2] Raison pour laquelle que nos chefs d'Etat implorent régulièrement depuis plus de 40 ans, les producteurs de pétrole de ne pas augmenter leurs tarifs. [3] Le rapport Stern 2006, estime qu'à défaut d'investir 1% du PIB aujourd'hui dans nos économies, le coût sera de 5 à 20% en 2050. [4] " Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition et de leur survie " (Ed. Gallimard, 2006) [5] Voir par exemple l'article " Doubler les taxes sur l'essence, voilà la vraie solution" de François Dauphin et Benoît Lemaignan, " Les Echos " du 31 août 2012.
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19/11/24 à 15h53 GMT