Plus gros producteur de cacao du monde, la Côte d'ivoire est depuis longtemps confrontée au problème de la traite des enfants dans la cacaoculture. Le pays multiplie les initiatives pour contenir le phénomène, entre accord de coopération avec ses voisins, poursuites judiciaires contre les exploitants, ou encore la récente annonce de la construction de trois centres pour enfants rescapés. Des efforts payants puisque le nombre d'enfants exploités dans les plantations a chuté de 10 points en quelques années.
Entre 300 000 et un million d'enfants dans les plantations ivoiriennes
Selon un rapport du Forum International du Droit du Travail publié en décembre 2014, entre 500 000 et 1,5 million d'enfants travaillent dans des plantations en Afrique de l'Ouest. Parmi les entreprises qui les emploient, des multinationales bien connues pour leurs confiseries comme Nestlé, Mars et Hershey's. Trois plaintes (class actions) ont été déposées en septembre dernier aux États-Unis contre ces trois entreprises, accusées de traite et de travail forcé d'enfants dans les plantations de Côte d'ivoire.
La Côte d'Ivoire reste le premier producteur mondial de cacao avec une production annuelle de 1,75 million de tonnes, soit environ 35 % du marché mondial. Le cacao y représente ainsi 15 % du PIB et emploie sept millions de personnes directement ou indirectement. Sans surprise, c'est là que les chiffres de la traite explosent. Le nombre d'enfants employés dans la cacaoculture en Côte d'ivoire est d'au moins 300 000 et pourrait atteindre un million, selon la Fondation International Cacao Initiative (ICI, Initiative internationale pour le cacao), une organisation créée en 2002 par l'industrie du chocolat pour lutter contre le travail des enfants dans la filière.
Le Comité national de surveillance et de lutte contre la traite lancé par Dominique Nouvian-Ouattara
Les initiatives politiques visant à améliorer les conditions de vie dans les plantations de cacao ont permis de contenir le fléau de la traite des enfants dans les plantations ivoiriennes. La mise en place en 2012 d’un Comité national de surveillance et de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants a été un tournant décisif dans la politique du pays. Le comité, dirigé par la Première dame ivoirienne, Dominique Nouvian-Ouattara, établit tous les deux ans un plan d’action national chargé d'identifier et de poursuivre les auteurs de traite et d’exploitation des enfants.
Le premier plan (2012-2014) a été unanimement salué pour ses effets positifs. Destination régionale du trafic d'enfants en provenance des pays frontaliers, notamment le Burkina Faso et le Mali, la Côte d'ivoire ne peut pas agir seule pour lutter contre la traite des enfants et le trafic trans-frontière. En octobre 2013, Dominique Nouvian-Ouattara, a signé un accord de coopération entre les deux pays avec son homologue burkinabée d'alors Chantal Campaoré.
Accompagner les enfants rescapés
La question de l'accompagnement des enfants rescapés du travail dans les plantations se pose. En janvier dernier, la Fondation Children of Africa, fondée là aussi par Dominique Nouvian-Ouattara a annoncé la construction de trois centres d’accueil en faveur des enfants victimes de travail et de maltraitance. « Nous avons constaté un manque d’infrastructures nécessaires à l’accueil des enfants victimes de traite et d’exploitations diverses, lorsqu’on arrivait à les sortir des griffes des trafiquants. Aujourd’hui, il existe trop peu de centres capables de recueillir les enfants dans de bonnes conditions », a expliqué Nadine Sangaré, Directrice Côte d’ivoire de la Fondation Children of Africa.
Les trois milliards de FCFA d'investissements nécessaires serviront à palier ce manque d'infrastructures dans trois des zones les plus touchées par le travail des enfants : Ferkessédougou (Extrême Nord), Bouaké (Centre-Nord) et Soubré (Centre-Ouest). L'accès à l'éducation dans ces régions a lui aussi été hissé au rang de priorité. La fondation Jacobs s’est engagée à déployer un programme d’appui à la qualité de l’éducation, baptisé « Transformer l’éducation dans les communautés de cacao ». Doté d’une enveloppe de 30 milliards de FCFA, le programme est spécialement destiné aux enfants rescapés du travail dans les plantations.
La prise de conscience internationale, la volonté politique et la mobilisation des différents acteurs de la filière, à commencer par les industriels eux-mêmes, ont mené à une diminution continue de la traite et du travail forcé des enfants. Selon les chiffres de la Fondation ICI, en 2011, 48 % des enfants étaient « impliqués dans des travaux dangereux ». En 2013, ce chiffre était passé à 37,8 %. Les projets successifs relatifs à l'accompagnement des enfants, une fois soustraits au joug des exploitants de plantations, sonnent comme autant de bonnes nouvelles pour éradiquer définitivement le phénomène des enfants prisonniers de la cacaoculture.
19/11/24 à 15h53 GMT