Le continent africain dispose d'un potentiel agricole encore largement inexploité, capable d'accélérer considérablement l'essor de son économie. Plusieurs pays en ont déjà saisi l'enjeu comme le Tchad, qui a centré sa politique de diversification économique sur l'agriculture afin de poursuivre la croissance du pays tout en diminuant sa dépendance pétrolière.
En raison du manque de formation et de technologies appropriées, la productivité agricole en Afrique serait quatre fois inférieure à celle de l'Europe, d'après une étude du ministère des Affaires étrangères danois. Et pour cause : plus de 60 % des terres arables non cultivées dans le monde se trouvent en Afrique subsaharienne. Au Soudan, 16 % des terres cultivables étaient exploitées en 2009, et seulement 10 % en République Démocratique du Congo. Certaines zones sont pourtant considérées comme parmi les plus prometteuses au monde, comme celles à l'embouchure du fleuve Sénégal, dont la qualité du sol serait exceptionnelle.
Grâce aux nouvelles technologies d'information et de communication, de nombreuses solutions existent pour permettre l'avènement de l'agriculture africaine à l'échelle mondiale : MOOCs, drones de prise de données, outils d'analyse du sol, etc. Pour les financer, rien de tel que le microcrédit et l'accompagnement approprié des banques comme l'a évoqué Tariq Sijilmassi, président du directoire du groupe Crédit Agricole du Maroc, lors de la troisième édition du Forum sur le financement de l'agriculture en Afrique le 27 avril à Meknès.
Ne pas reproduire les erreurs du modèle occidental
L'utilisation des nouvelles technologies agricoles a déjà fait ses preuves dans plusieurs pays comme le Botswana et l'Ouganda, où la production agricole a connu une croissance de plus de 40 % depuis plusieurs années. Mais aussi gigantesque soit-il, le potentiel agricole africain devra viser une croissance inclusive et verte s'il entend porter ses fruits dans la durée. Pour ce faire, il devra probablement inventer son propre modèle afin d'éviter les dérives de l'agriculture occidentale, qui est aujourd'hui dans une impasse écologique et sociale.
En Europe, l'usage excessif de produits phytosanitaires a eu des conséquences désastreuses sur l'environnement et la population. À cause des pratiques intensives, au moins 20 % des oiseaux européens auraient disparu du Vieux continent. Cette crise agricole est également sociale : le modèle européen se révèle en effet à bout de souffle, comme le prouvent les nombreuses exploitations surendettées et les revenus insuffisants du monde paysan malgré les importantes subventions publiques. La logique de rentabilité de l'agriculture occidentale a atteint des limites que l'Afrique doit garer en tête pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.
Fort d'une production agricole essentiellement biologique, le continent africain a donc intérêt à miser davantage sur la qualité que la quantité pour développer son agriculture sur le long terme. Plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ont ainsi fait du secteur agricole un moteur de leur croissance pour palier à l'effondrement des cours pétroliers, comme l'Angola, le Mozambique, la Zambie, le Gabon et le Tchad. Pour tous ces pays, la gestion de l'eau est un facteur-clé, tout comme le développement des infrastructures et des technologies ainsi que la valorisation du capital humain.
Agriculture et élevage, les « deux mamelles » de l'économie tchadienne
Avec 39 millions d'hectares de terre cultivables, un cheptel de 94 millions de têtes et une gigantesque réserve d'eau au lac Tchad, le Tchad possède de solides atouts pour faire de son agriculture un secteur phare de son émergence économique et sociale. C'est justement l'une des priorités du président Idriss Deby, qui a réaffirmé après sa réélection en avril l'importance de l'agriculture et de l'élevage, « seuls gages de la sécurité alimentaire ». Dans ce pays de près de 13 millions d'habitants aux traditions agricoles, les revenus pétroliers encore prédominants dans le PIB national servent déjà de levier pour investir dans la diversification de l'économie engagée par le gouvernement.
« Le pétrole, c'est la pauvreté, a déclaré Idriss Deby lors d'un discours à Goz Beida, à l'est du Tchad. Le développement, c'est l'agriculture et l'élevage. Ce sont les deux mamelles. L'émergence du pays ne peut pas venir du pétrole ni d'autres ressources minières. » Pour joindre les actes à la parole, le président tchadien, élu pour un an à la tête de l'Union africaine fin janvier, a récemment annoncé l'aménagement d'environ 250 000 hectares sur le territoire national, le renforcement des microcrédits pour les producteurs ruraux ainsi que la construction de nouvelles infrastructures de transport et d'énergie. Autant de mesures censées contribuer à l'essor d'une agriculture qui profite au plus grand nombre et pour longtemps.
19/11/24 à 15h53 GMT