La plupart des filles de ménage employées dans les grands centres urbains du pays sont des élèves ayant décroché prématurément de l’école pour se faire de l’argent frais avec pour seule motivation la préparation du mariage. Malgré la consécration de la gratuité de l’éducation de six (6) à seize (16) ans, le système éducatif burkinabé fait face à un fléau qui met à mal les performances de l’école. Au début une seule région c’est-à-dire celle de la boucle du Mouhoun, était passée championne dans cette pratique contraire à la volonté politique d’atteindre l’éducation universelle à l’horizon 2015. Aujourd’hui face au silence des autorités bien d’autres régions ont emboité le pas. En effet, ces pauvres filles, souvent avec la complicité de leur mère quittent leurs villages pour venir travailler à Ouagadougou ou à Bobo-Dioulasso soit juste pendant la saison sèche, ou pendant des années, avec pour objectif, de retourner dans leur famille, avec des trousseaux de mariage. L’éducation est ainsi mise à mal sans que des mesures idoines ne soient prises par les autorités pour mettre fin à cet autre esclavage du 21è siècle. Le mot esclavage n’est pas fort dans la mesure où rares sont celle qui sont payées au SMIG qui n’est que 32 800 f CFA. Dans bien de cas c’est juste 5000 f que reçoivent les malheureuses, et qui n’est d’ailleurs pas payé régulièrement. De nos jours, la pratique est si ancrée dans les mœurs que de véritables réseaux de recruteurs se sont constitués. Au mépris de la législation du travail au Burkina Faso, ces gourous exploitent impunément ces filles. Et le cauchemar de celles-ci ne s’arrête pas là. Parfois, elles se retrouvent dans les réseaux de la prostitution avec toutes les conséquences qui en découlent. le fléau gagne du terrain et doit être dénoncé vigoureusement.
Parfois exploitées, le plus souvent confrontées aux problèmes d’argent, certaines filles de ménage n’hésite pas à voler leurs patronnes ou basculent volontairement vers la prostitution si ce n’est le recruteur qui les y pousse. Bonnes à tout faire (tâches ménagères ou garde bébé), elles sont les premières à se lever et les dernières à se coucher dans leur famille d’accueil. Malgré tout certaines ont du mal à rentrer en possession de leur soit disant salaire. Plusieurs d’entre elles vivent un véritable chemin de croix. D’où les dérivent qu’on connait en leur sein également. Beaucoup finissent par se rendre justice en volant la patronne.
Nous avons voulu en savoir davantage et nous avons discrètement enquêté auprès de quelques une non sans grande difficulté car ne sachant pas à quelle fin cette interview était destinée beaucoup n’ont pas voulu se prononcer. Nous ne donnerons donc pas les vrais noms de nos interlocuteurs ici.
"Je suis issue d'une famille nombreuse. Mon père après l’obtention de mon certificat d’études primaires (CEP) n’a pas pu payer pour mon frère et moi le collège vu que je n’ai pas été admise à l’entrée en sixième. Ma mère m’a donc suggéré que venir chercher de quoi préparer mon mariage. Je travaille chez cette famille depuis déjà deux ans pour un salaire mensuel de 7500 FCFA. Ma journée de travail commence à 5 heures 30 du matin et se résume aux travaux domestiques, notamment, le ménage, la vaisselle, la lessive, la cuisine. Je m'occupe, également, de l'enfant de 3 ans du couple", raconte Ramata DJIBO, venue du Sourou et travaillant pour une famille dans un quartier riche de la capitale. Elle loge dans la famille et reçois ses repas là-bas.
L'histoire de Ramata, est similaire à celle de beaucoup d’autres filles venues pour la même cause.
"Je n'ai pas de problème avec la famille qui me traite bien. C'est vrai le salaire de 7500 FCFA est très insuffisant mais je ne peux pas dire que cette famille m'exploite car, certaines de mes camarades ne reçoivent que 5 000 f. quelques fois la patronne me donne ses vieux vêtements.
Christine, employée dans une famille au quartier Dapoya, ne connaît pas la même joie de vivre que Jacqueline. Les 20 ans bien sonnés, cette fille est aujourd’hui harcelée par le mari de sa patronne qui lui fait des misères. Il m’a violé une fois et j’ai eu peur d’en parler à madame pour ne pas être renvoyée. Je reçois 15 000 f et c’est monsieur qui paie. J’ai commencé avec 10 000f et c’est le patron qui a dit qu’il était satisfait de mon travail et a proposé d’augmenter mon salaire. N’étant pas sûre qu’en quittant je trouverai rapidement du travail, je suis en train de supporter la situation. En plus je n’ai pas de tuteur à Ouagadougou. Je me renseigne chaque fois que je vais au marché pour les condiments mais toutes les propositions sont en deçà de ce que gagne aujourd’hui.
"Ce sont les avances régulières de monsieur qui m’agacent car moi je veux rentrer construire mon propre foyer. Et à chaque refus, j'essuie des insolences publiques de sa part devant ses enfants si ce n'est la femme qui me soupçonne de coucher avec son mari. Et puis, depuis un certain temps pour un verre cassé, on fait une ponction sur mon maigre salaire'' raconte-t-elle.
Pour leur part, Kadi, Mariétou et Koua qui travaillent chez un couple de Libanais, leurs patrons les "traitent" pour des moins que rien. "Le mari et sa femme n'ont aucun respect pour l'être humain. Nous sommes bien payées par rapport à nos camarades mais nous n’avons pas droit à un repos. Ils veulent toujours nous voir en train de travailler comme des bêtes de somme", s'insurgent-t-elles. Nous ne logeons pas chez eux mais avons pris ensemble une maison que nous payons nous-mêmes.
"Chaque jour, nous ne dormons pas avant minuit et dire que nous devons nous lever à 5h 30 pour reprendre une autre journée infernale. Notre salaire de 25. 000F chacune mais est fractionné de telle sorte que nous ne pouvons pas faire d'économies pour quitter cette galère", raconte Koua.
il existe un syndicat des gens de maison. Si le secrétaire général reconnait le calvaire de certains travailleurs affiliés à sa structure, il trouve aussi que la majorité des filles de ménage ne sont pas du tout sensibilisées au militantisme. Elles ont même peur de s’affilier au syndicat. Plusieurs dossiers ont déjà été porté devant l’inspection du travail ou à l’action sociale. Ce n’est pas facile mais nous continuons la sensibilisation.
Il faut être honnête et reconnaitre que ce ne sont pas tous les patrons qui maltraitent les filles de ménage. Plusieurs d’entre elles ont vraiment été bien traitées dans leur famille d’accueil. Je connais même des filles qui ont été raccompagnées par leurs patrons jusqu’au village avec en prime de nombreux cadeaux, précise le secrétaire général.
19/11/24 à 15h53 GMT