A l’Assemblée générale de l'ONU, plusieurs intervenants, dont les délégations de la Bolivie et de l’Équateur, ont plaidé pour l’adoption d’une déclaration des droits de la nature, pour passer d’une vision de la Terre comme propriété à une vision dans laquelle elle est détentrice de droits.
Dans le cadre d’un dialogue interactif sur le thème « la jurisprudence de la Terre », organisé à l’occasion de la Journée internationale de la Terre nourricière, commémorée chaque année le 22 avril, les orateurs ont salué les efforts de certains pays pour développer un droit de la Terre.
L’idée n’est pas nouvelle. En 1972, dans « Should Trees Have Standing: Toward Legal Rights for Natural Objects », Christopher D. Stone attirait déjà l’attention sur l’élargissement de la « sphère d’inquiétude » de la société qui s’est traduit par la reconnaissance des droits juridiques des femmes, des enfants, des autochtones d’Amérique et des Afro-Américains. L’écrivain faisait valoir que la préoccupation croissante du public pour la préservation de la nature devrait déboucher sur la reconnaissance des droits de la nature, ce qui permettrait d’engager des poursuites au nom des arbres et autres « objets naturels », notamment d’obtenir réparation.
Depuis, l’Inde vient de reconnaître aux fleuves du Gange et du Yamuna une personnalité juridique et de nommer des autorités publiques pour défendre ses droits. La Nouvelle-Zélande a doté le fleuve Whanganui et le site naturel de Te Urewera, actuellement sans « propriétaires », d’une personnalité spirituelle et holistique.
L’Équateur a amendé sa Constitution en 2008 pour mieux protéger la nature ou « Pachamama », qui incarne les aspects physiques mais aussi spirituels du monde naturel. Dans le même ordre d’idées, il faut signaler la création du Tribunal international des droits de la nature grâce à la signature d’une Convention des peuples, en décembre 2015 à Paris, soit un pas en avant dans le développement de la « jurisprudence de la Terre ».
Inventé par Thomas Berry, un des pionniers de l’« écologie profonde », ce terme vise à reconnaître la Terre, qui n’est pas une « collection d’objets » mais bien « une communion de sujets », comme détentrice de droits inaliénables. Dans notre vision du monde anthropocentrée, a expliqué le Président du dialogue interactif, nos lois et nos économies partent du postulat que nous vivons sur un puits de ressources à exploiter à notre guise et pour notre bénéfice exclusif.
Par contraste, la vision centrée sur la Terre reconnaît que le bien-être de l’humanité découle de celui de la planète et que l’harmonie avec la nature est un moyen de garantir le bien-être de l’homme et ses droits. Le Ministre des affaires étrangères de la Bolivie a indiqué que son pays s’attache à promouvoir une « culture de la vie », à rebours d’un paradigme capitaliste « en crise ». De nombreuses critiques ont fusé contre une civilisation occidentale « anthropocentrique », dénuée d’« éthique terrestre » et n’ayant plus qu’une relation « brisée » avec la nature.
Comme le rappelle le rapport du Groupe d’experts sur l’harmonie avec la nature, demandé par l’Assemblée générale, une « Déclaration universelle des droits de la Terre nourricière », s’inspirant de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a été adoptée à la Conférence mondiale des peuples sur les changements climatiques et les droits de la Terre nourricière organisée en 2011.
Les intervenants ont repris certaines recommandations du Groupe d’experts visant à prendre en compte la jurisprudence de la Terre dans l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Parmi celles-ci, ont été mentionnées la fin de la privatisation de la nature, la promotion des cultures autochtones qui vivent déjà en harmonie avec la Terre ou bien encore un « serment économique » similaire au serment d’Hippocrate, obligeant les économistes à fournir des conseils dans l’intérêt de la planète.
Les intervenants, en tête desquels la Bolivie et l’Équateur, ont surtout rebondi sur une autre recommandation du Groupe d’experts pour demander à l’ONU de faciliter l’adoption d’une « déclaration sur les droits de la nature ». Le Groupe d’experts recommande en effet un cadre juridique et de politique générale nouveau et intégré sur ces droits et son association avec les autres combats pour la justice raciale, climatique et environnementale et avec le rééquilibrage des inégalités croissantes des richesses.
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19/11/24 à 15h53 GMT