Annoncé le 3 septembre dernier par le gouvernement, le plan de relance de 100 milliards d’euros pourrait bien être peu de choses face à l’ampleur de la crise. L’objectif – politique et social – de ce plan est de créer des emplois malgré le contexte très dégradé et d’accélérer la transition écologique. Certains secteurs ne figurent pourtant pas parmi les priorités du gouvernement de Jean Castex.
« France relance ». Avec cette appellation bien marketée, le gouvernement de Jean Castex a annoncé la couleur le 3 septembre : son plan de relance doit remettre la machine France en route, en se tournant vers les usages et les besoins de la société française des quinze ou vingt prochaines années. Sur les 100 milliards annoncés, 30 seront consacrés à la transition écologique avec, comme objectif final, de faire de la France le premier pays européen totalement décarboné d’ici 2050.
Afin d’y parvenir, le gouvernement compte jouer sur différents leviers pour relancer la compétitivité de l’économie, avec des baisses d’impôts, de nouveaux investissements dans l’innovation, dans la rénovation thermique des bâtiments… En campagne comme en ville, aucune région ne devra être oubliée. Au menu donc, de nombreuses mesures tournées vers les nouvelles aspirations écolos des Français. Il existe cependant des failles importantes. En comparant ces annonces aux 5 grandes propositions de la Convention citoyenne sur le climat, des manques évidents apparaissent.
Recyclage : le plastique sinon rien
Dans le plan de relance, le thème du recyclage n’est abordé qu’à travers celui du plastique via différentes lignes de crédit d’ici 2022 : 40 millions d’euros pour soutenir le réemploi des emballages, 5 millions pour une meilleure traçabilité dans la filière BTP, 4 millions pour un plan global d’accompagnement de la filière plastique, etc. Quid des autres secteurs du recyclage, largement pourvoyeurs d’emplois sur l’ensemble du territoire ?
Selon l’Observatoire des métiers du recyclage (OMR), outre le plastique, les métiers du recyclage concernent en effet les métaux, le papier, la déconstruction automobile, le bois, le verre, les textiles ou encore les solvants. Soit autant de niches oubliées par le plan de relance. Pourtant, l’ensemble de ces industries réunit quelque 1300 entreprises dans tout l’Hexagone « constituées en un réseau efficace, développé à proximité des sources des déchets qui sont ensuite transformés en matières premières. La branche étant fortement caractérisée par la présence de TPE/PME, avec 72% d’entreprises de moins de 20 salariés ».
Secteur en pleine mutation, le recyclage demanderait une attention particulière dans le cadre de la transition écologique. Dans un contexte de forte concurrence européenne, les entreprises françaises ont en effet besoin d’être soutenues et accompagnées. « Ces industries apportent une réelle valeur ajoutée environnementale en approvisionnant les industries françaises et mondiales en matières économes en énergie et en ressources, précise l’OMR. Sur le plan du social, la branche est devenue naturellement un acteur clé sur le champ de l’emploi. » Un acteur d’avenir donc, qui mériterait mieux d’autant que les problématiques d’économie circulaire ont abondement investi les radars médiatiques et politiques au cours de ces dernières années. Un récent rapport publié par une entreprise suédoise estime que jusqu’à 535 milliards d’euros d’économies pourraient être générés chaque année en Europe en mettant en œuvre les principes d’économie circulaire.
Mobilité : le secteur routier, grand oublié de la relance
Le plan de relance fait aussi la part belle aux questions de mobilité. Dans ses cartons, des programmes et des incitations pour développer le « plan vélo » et les transports en commun, pour soutenir le secteur ferroviaire, pour verdir le parc automobile de l’Etat et pour encourager les ménages à acheter des véhicules propres. Si un chapitre concerne même « l’accélération des travaux d’infrastructures de transport » (transports fluvial, maritime et ferroviaire, véhicules électriques), ce plan détaillé omet le secteur routier et autoroutier alors qu’il représente plus de 75% des déplacements et environ 30% des émissions de gaz à effet de serre en France.
Dans ce domaine, l’Etat ne dispose pas de tous les moyens nécessaires malgré un secteur des Transports rattaché au grand ministère de la Transition écologique dirigé par Barbara Pompili. Le secteur privé est appelé à jouer un rôle important que ce soit pour le développement des infrastructures concédées comme les autoroutes et pour celles des routes nationales qui pâtissent d’un manque flagrant d’investissements pour leur maintenance. Le réseau de routes nationales et départementales – principalement dépendant des collectivités locales à court de budget – est en perte de vitesse, comme l’a montré un récent classement du Forum économique mondial consacré à la qualité des infrastructures routières. En un an, la France est passé du septième au dix-huitième rang mondial. Selon la Ligue de défense des conducteurs, « la situation est critique, pour la sécurité de tous sur la route évidemment, mais elle perturbe aussi la capacité de circuler sereinement, la croissance économique et l’aménagement du territoire ». Et donc le développement durable, comme le rappellent les Directions interdépartementales des routes (DIR) : « La route est en première ligne des problématiques liées au développement durable : socio-économique, en raison de la place essentielle de la mobilité dans les facteurs de croissance, et environnementale. »
Pour redresser la barre, l’Etat a pourtant différents leviers à sa disposition à commencer par le soutien aux sous-traitants du BTP, relance qui serait directement en faveur de l’emploi local. Ancrées dans les territoires, les routes sont un véritable acteur économique sur lequel s’appuyer et le partenariat public-privé qui fonctionne bien pour les autoroutes concédées porte des fruits intéressants à étudier comme l’indique la troisième place au palmarès de la Commission européennerelatif à la qualité des infrastructures. Les options à explorer sont nombreuses.
Circuits courts : l’Etat bizarrement absent
Étonnamment, la grande tendance du circuit court entre producteurs et consommateurs est elle aussi absente du plan de relance gouvernement alors qu’elle pourrait grandement participer à la relance de la consommation, plombée par la crise sanitaire du Covid-19. « Les dépenses de consommation des ménages se sont élevées à 296 milliards d’euros au 3e trimestre 2020, soit une chute de -17,3 % par rapport au trimestre précédent », rapporte l’Institut national de la consommation. Et la tendance ne devrait pas s’inverser de sitôt.
La promotion des circuits courts a pourtant été mis à l’ordre du jour de la Convention citoyenne sur le climat, avec trois propositions concrètes : 1/ Favoriser le développement des produits issus des circuits courts de proximité, durables et de saison 2/ Utiliser le levier de la commande publique pour valoriser les produits issus de productions locales, durables et de saison 3/ Utiliser le levier de la commande publique pour valoriser les produits issus de circuits courts, locaux et à faible coût environnemental, sous la forme d’un « guide d’achat » à adresser aux acheteurs publics. On pense par exemple aux cantines des écoles publiques.
Ici aussi, la crise sanitaire a changé la donne et met en exergue la nécessité d’aller vers davantage de circuits courts, comme le remarque la secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable (ESS), Olivia Grégoire, dans le quotidien Le Monde en date du 2 novembre dernier : « Dans la période que nous traversons, l’ESS démontre son utilité. Nous ne sortirons pas de cette crise comme nous sommes sortis de celle de 2008 : cette crise appelle à transformer notre économie vers un modèle plus durable et inclusif. » Encore faudra-t-il que l’Etat y mette vraiment les moyens.
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28/02/24 à 08h28 GMT