Depuis octobre 2020, l’Association Kéré et le Gret se mobilisent en faveur des habitant·e·s du Grand Sud de Madagascar touché·e·s par une forte sécheresse et une insécurité alimentaire grandissante. A la suite de l’Appel Flash lancé par les Nations Unies en janvier 2021, la France a annoncé une contribution exceptionnelle de 1,5 million d’euros d’aide alimentaire via le financement de quatre projets déployés dans les zones les plus touchées par le kere (qui signifie famine en malgache), dont un projet porté par le Gret et Action contre la faim. La situation nutritionnelle des populations reste en effet critique et risque de s’aggraver au cours de l’année.
Dans la région de l’Androy, le manque récurrent de pluie s’est aggravé ces dernières années en raison du changement climatique, provoquant des crises alimentaires et nutritionnelles de plus en plus fréquentes. Depuis fin 2020, la situation est particulièrement grave, car la pluviométrie a été très insuffisante, voire inexistante sur certaines zones, tandis que les rares précipitations enregistrées ont été suivies d’un vent violent qui a recouvert de sable les semis. Aussi, les récoltes de 2021 s’annoncent faibles : elles atteignent seulement 40 % de la production attendue lors d’une année normale. Par ailleurs, la hausse des prix des denrées alimentaires et l’effet de la pandémie de Covid-19 ont diminué le pouvoir d’achat des ménages.
Grâce à l’élan de solidarité de l’Opération Kéré et la forte mobilisation des habitant·e·s de la Réunion, le Gret a pu apporter dès fin octobre 2020 un soutien alimentaire à plus de 7 200 personnes, dont 1 350 enfants dans le district de Tsihombe. Plusieurs acteurs sont intervenus depuis dans le Grand Sud, en particulier le Programme alimentaire mondial (PAM), Action contre la faim (ACF), Humanité et inclusion (HI), Catholic Relief Services (CRS), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds d’intervention pour le développement et l’Etat malgache. Malgré cela, les derniers résultats de la surveillance nutritionnelle sont très préoccupants (voir plus bas).
Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français (MEAE) a accordé au Gret en 2021 un soutien de 300 000 euros pour lutter contre la malnutrition dans deux communes du district d’Ambovombe. En 2020, le Gret et Action contre la Faim avaient déjà développé une stratégie commune de prise en charge des enfants malnutris sur une trentaine de fokontany (villages) des communes d’Antanimora et Jafora du district d’Ambovombe. Des activités de dépistage de la malnutrition, une prise en charge médicale et nutritionnelle, ainsi qu’un appui à la consolidation de l’état nutritionnel des enfants guéris était effectué par les équipes des deux ONG sur place, couplé à des suivis de croissance réguliers ainsi que des activités de sensibilisation des mères pour améliorer leurs pratiques alimentaires, de soin et d’hygiène. En somme, près de 2 000 enfants avaient été pris en charge dans le cadre de ce précédent partenariat. De plus, 4 500 personnes vulnérables avaient reçu des aides alimentaires.
Grace à ce nouveau financement du MEAE, le Gret interviendra sur les fokontany des communes d’Antanimora et Jafora, qui ne disposent pas de services de prise en charge des enfants malnutris modérés, tandis qu’Action contre la faim assurera le suivi des villages les plus éloignés des centres de santé. Ce projet permettra d’améliorer la prévention et la prise en charge des enfants souffrant de malnutrition, et de sensibiliser les populations aux bonnes pratiques d’alimentation, de soin et d’hygiène en valorisant notamment les produits agricoles adaptés au changement climatique et riches nutritionnellement, et d’améliorer la résilience des populations face à la période de soudure.
Dans une volonté de promouvoir une offre alimentaire locale, le Gret et ses partenaires travaillent en étroite collaboration avec des entreprises malgaches telles que Taf et Nutri’zaza, productrices et distributrices des farines fortifiées Koba Aina et Pecmam, et privilégient les céréales, légumineuses et semences produites localement avec l’appui du Centre technique agro-écologique du Sud (CTAS – ONG malgache).
Ce nouveau projet permettra d’accompagner 6 600 personnes, dont plus de 1 500 enfants de 6 à 24 mois, avec le soutien de 60 agent·e·s communautaires formé·e·s et accompagné·e·s à la prévention de la malnutrition.
Distribution alimentaire organisée par le Gret. ©Gaëlle Borgia, 2020
Dès octobre 2020, soutenu par l’élan de solidarité déclenché par l’Association Kéré, l’intervention du Gret s’est focalisée sur la distribution d’eau potable et d’aide alimentaire auprès de 7 200 personnes, dans 15 fokontany du district de Tsihombe, à l’extrême Sud de l’Androy. Ces distributions ont été accompagnées d’un suivi de la malnutrition infantile au niveau communautaire. Ce sont 1 350 enfants de 6 mois à cinq ans, particulièrement vulnérables à la malnutrition, qui ont bénéficié d’une attention particulière via des distributions de farines infantiles fortifiées de haute qualité nutritionnelle produites à Madagascar par l’entreprise sociale Nutri’zaza : la Koba Aina.
Mesure du tour de bras d’un enfant pour évaluer son état nutritif
Ces interventions ont été accueillies avec soulagement de la part des habitant%u2219e%u2219s, qui n’avaient alors plus aucune réserve alimentaire et devaient se nourrir à partir des produits de la cueillette – et notamment des fruits du cactus rouge. La saison agricole 2020 – 2021 étant largement menacée, le Gret et l’Association Kéré ont décidé de prolonger les distributions jusqu’en juin 2021. Pour contribuer plus durablement à l’autosuffisance alimentaire des habitant·e·s, l’opération va également permettre de restaurer 800 hectares de cultures qui fournissent 18 000 habitant%u2219e%u2219s du district d’Ambovombe en aliments, mais également en fourrage pour le bétail et en bois de cuisson, ressource rare de combustible dans cette région déforestée. 4,8 tonnes de semences adaptées aux conditions climatiques de l’Androy sont parallèlement en cours de production par le CTAS et seront distribuées aux familles de Tsihombe pour leur permettre de cultiver du mil, du sorgho et du niébé pour leur propre consommation.
Malgré ces actions et les interventions de plusieurs organisations, la situation est critique dans le Sud malgache et risque de s’aggraver en raison d’une sécheresse exceptionnellement longue. Réalisée par le ministère de la Santé et l’Office national de nutrition (ONN) avec l’appui de l’Unicef, l’Union européenne et l’USAID au cours du 1er trimestre 2021, la surveillance nutritionnelle couvrant 90 % des enfants de moins de cinq ans dans la zone, montre que 19 des 21 communes du district d’Ambovombe et que 8 des 9 communes du district de Tsihombe sont en situation d’urgence nutritionnelle. A l’échelle de la région de l’Androy, l’analyse estime que 1,06 million de personnes sont en insécurité alimentaire aiguë, soit 27 % de la population analysée des districts du Grand Sud et du Grand Sud-Est de l’île.
Ces chiffres alarmants mettent en évidence la pertinence des interventions menées dans le Sud malgache depuis plus de six mois, mais aussi la nécessité de déployer très rapidement et à grande échelle des moyens suffisants pour permettre aux habitant%u2219e%u2219s du Sud malgache de traverser cette crise exceptionnelle en limitant l’impact sur leur santé et leurs moyens économiques. Selon le cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), ces interventions devraient être axées sur quatre axes prioritaires : l’accès à une alimentation adéquate ; l’accès à l’eau potable et aux mesures d’hygiène ; la prise en charge nutritionnelle des enfants ainsi que les prises en charge médicales gratuites des ménages dépourvus de moyens ; et enfin, l’accès aux intrants agro-pastoraux pour permettre aux populations de se relever rapidement de la crise.
Alors que les rendements de la prochaine saison agricole s’annoncent très faibles et que les moyens des ménages sont fortement diminués, voire épuisés, par une succession de crises, l’aide internationale doit être renforcée aujourd’hui comme demain afin de limiter l’impact environnemental et humain du changement climatique et de renforcer la résilience des populations en matière de santé, d’alimentation et d’accès à l’eau potable notamment.
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19/11/24 à 15h53 GMT