Alors que le ministère camerounais de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) veut constituer une réserve foncière de 400 000 hectares sur le corridor Batchenga-Ngaoundéré, dédiée à la réalisation des projets agricoles d’envergure, en collaboration avec le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf), le projet ne fait pas l’unanimité. Dans un récent communiqué daté du 8 juin dernier, Greenpeace Afrique demande au Cameroun de ne pas continuer à « vendre » les terres au profit des projets agro-industriels, au motif qu’ils rendent difficile la vie des communautés riveraines et mettent en péril la biodiversité environnante. Si le Minader motive ce projet par le souci de construire une autoroute agricole, l’Ong de défense de l’environnement y voit davantage le démarrage d’un mégaprojet visant à créer à terme 1,131 million d’hectares au bénéfice des moyennes et grandes exploitations agricoles.
« Ce projet pourrait contribuer à porter atteinte à la biodiversité et l'écosystème de la zone ciblée surtout avec de potentiels impacts sur deux aires protégées: les parcs nationaux de Mpem et Djim d’une part et du Mbam et Djerem de l’autre », explique la chargée de la Campagne Forêt chez Greenpeace Afrique, Stella Tchoukep. Et d’ajouter : « Dans la même lancée, l’on pourrait s’interroger sur l’optimisme et les objectifs du Minader autour de ce projet quand on sait que les projets agro-industriels jusqu’ici implémentés au Cameroun n’ont pas permis de produire ce que nous consommons ».
Les estimations de Greenpeace font état de ce que le projet en gestation va couvrir une superficie qui représente près de 13 fois la ville de Yaoundé, capitale du Cameroun. En ce sens, il constitue « une potentielle menace sur les droits des communautés qui vivent sur les terres ainsi délimitées. En effet, des populations vont certainement être obligées de quitter leurs villages, terres coutumières et leurs terroirs d’activités, au profit de la mise en œuvre de ce projet agricole », ajoute Mme Tchoukep.
En outre, le projet est sur le point de prendre corps dans un environnement où la série de réformes engagées par le Cameroun, en l’occurrence les réformes foncière et forestière et d'aménagement du territoire, n’ont pas encore connu d’issue favorable. Ces réformes « devraient prendre en compte un certain nombre de préoccupations présentes et futures des communautés, notamment les besoins en terre et la sécurité alimentaire, l’impératif de la lutte contre les changements climatiques et de la protection de la biodiversité par une approche basée sur les droits », fait savoir notre source de Greenpeace Afrique.
Le gouvernement veut inciter le secteur privé à investir dans l’agriculture
Du côté des pouvoirs publics, le projet sur le corridor Batchenga-Ngaoundéré a la particularité de constituer une réserve dédiée à la réalisation des projets agricoles d’envergure, afin de relier la partie sud du pays au septentrion. Il est question, d’après le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Gabriel Mbairobe, de promouvoir l’émergence des moyennes et grandes exploitations agricoles avec un rendement élevé et une productivité avérée. « 90 % de notre production proviennent des exploitations familiales. Mais aujourd’hui, avec la demande croissante des populations suite à la démographie galopante, suite à la demande des agro-industries et suite à la demande de l’élevage, de l’aquaculture, de l’élevage porcin et de l’aviculture, il faut passer à une autre dimension », fait observer le membre du gouvernement.
Sur l’axe Ntui-Yoko-Tibati, le gouvernement camerounais envisage par ailleurs d’encourager le secteur privé à investir dans l’agriculture, qu’il s’agisse des locaux ou des étrangers. Le ministre Mbairobe indique à cet effet que même les multinationales ayant une expérience avérée, notamment dans la production de semences ou dans la transformation, sont les bienvenues, afin de donner plus de relief à l’agriculture de seconde génération.
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04/09/24 à 08h48 GMT