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Les biocombustibles : pas si écologiques que cela, une solution à considérer avec précaution !



  • Les questions relatives aux biocombustibles ont retenu toute l’attention, dans le cadre de l’examen approfondi du thème de la biodiversité agricole, lors de la neuvième session de la Conférence des Parties (CdP) à la Convention sur la Diversité Biologique. Toute la section qui traite des biocombustibles dans le projet de décision est demeurée entre crochets, avec 3 options possibles, variant entre, d’une part, la promotion des impacts positifs sur la biodiversité de la production et de la consommation des biocombustibles et la mitigation des impacts négatifs, et d’autre part, l’adoption immédiate d’une approche de précaution en suspendant l’introduction de toute nouvelle mesure de soutien de la consommation des biocombustibles. L’UE a noté le besoin d’assurer la durabilité de la production des biocombustibles et a proposé l’établissement d’un groupe ad hoc d’experts techniques pour développer des lignes directrices sur la question. Le Groupe Africain a appelé à l’adoption de l’approche de précaution pour les productions de biocombustibles à grande échelle et à la suspension de toute nouvelle mesure de soutien aux biocombustibles jusqu’à l’élaboration de cadres d’orientation et l’évaluation des risques et des bénéfices. Le Brésil a, pour sa part, souligné la contribution des biocombustibles au développement durable et la sécurité alimentaire, et a réfuté l’application du principe de précaution dans ce cas. Plusieurs réseaux d’ONG font de la sensibilisation sur les conséquences négatives des biocarburants un sujet majeur de leur participation à la CdP9.
    Selon Jean Etienne (Futura-Sciences), les agrocarburants (incorrectement appelés biocarburants, selon cet auteur), un temps présentés comme la solution miracle, suscitent de moins en moins d’enthousiasme… et de plus en plus d’inquiétudes au vu d’effets délétères déjà largement mesurables.
    A la différence des combustibles fossiles traditionnels, les agrocarburants, habituellement produits à partir de la canne à sucre, du colza, du maïs ou du palmier à huile étaient jusqu’ici présentés comme particulièrement "propres", car ils absorbent le gaz carbonique pendant leur développement. Mais le bilan est loin d’être aussi idyllique…
    Ainsi, l’Indonésie. Cette république née en 1945 s’est rapidement imposée comme région de référence pour la culture du palmier à huile (Elaeis guineensis). Au prix d'une catastrophe écologique, l'Indonésie est devenue le deuxième producteur mondial d'huile de palme avec 11,4 millions de tonnes par an. L'huile de plame est aussi la principale ressource alimentaire de l’archipel. Elle sert notamment à la confection du nasi goreng, le plat national (désormais répandu dans le monde entier), ainsi qu’à la cuisson des viandes et des poissons.
    Pour les Indonésiens, la conséquence de cette mutation ressemble à un cauchemar : le prix de l’huile de palme à usage alimentaire a augmenté en très peu de temps de 70 %, valeur que l’augmentation des salaires ne suffit pas à compenser, ce qui force de nombreuses familles à se restreindre… lorsqu’elles ne basculent pas au-dessous du seuil de pauvreté.
    Mais ce n’est pas tout. Pour devenir le premier producteur mondial d’huile de palme, le gouvernement indonésien a entrepris de faire raser d’immenses forêts naturelles, dont une majeure partie sur tourbières. Or, une forêt sur tourbière contient en moyenne trente fois plus de carbone qu’une forêt conventionnelle. Sa destruction suivie de sa conversion en plantation conduit au dégagement d’énormes quantités de gaz carbonique, à retrancher du gain obtenu par l'utilisation de cet agrocarburant. Une étude récemment parue dans Science affirme qu’il faudrait 840 ans pour compenser cette émission supplémentaire de CO2… Et l’Indonésie est déjà passée du 21ème au 3ème rang des plus importants pays émetteurs de gaz à effet de serre, juste derrière les Etats-Unis et la Chine.
    Josette Sheeran, directrice du Plan Alimentaire Mondial (PAM) de l’ONU, en appelle à la vigilance en ce qui concerne les terres détournées de la chaîne alimentaire en raison de l’impact inévitable sur les plus démunis. Le problème n’échappe d’ailleurs pas aux multinationales. Le patron de Nestlé, Peter Brabeck, reconnaît que la production d’agrocarburants met directement en péril les populations qui en dépendent parfois entièrement.

    La liste des agressions environnementales ne se limite pas à ces effets. La quantité accrue de gaz à effet de serre relâchée dans l’atmosphère est en constante augmentation, malgré les ambitions exposées par les délégués des nations actuellement réunis à Bangkok, qui promettent un accord ambitieux visant à réduire les émissions devant être signé en 2009. L'impact du réchauffement climatique sur la culture du riz, notamment, est déjà mesurable.
    Cette source de nourriture est incontestablement la plus importante de la planète, et son rendement risque de chuter rapidement dès que les moyennes de température diurne dépasseront les 30° C. L’accroissement du taux d’ozone atmosphérique, dont les précurseurs sont les oxydes d'azote, le CO, le méthane et les hydrocarbures imbrûlés (entre autres), produit un impact important sur les moissons. La concentration d’ozone, qui atteint par endroits 60 parties par milliard, a déjà provoqué une réduction de rendement dans certaines fermes aux Etats-Unis et en Chine de 14 %.
    Cependant les scientifiques estiment qu’il est encore trop tôt pour évaluer précisément l’impact produit par l’effet combiné de l’ozone et du gaz carbonique sur les cultures, car jusqu’ici ces deux effets étaient étudiés séparément.
    Bref, la filière des biocarburants, malgré des publicités où l’on peut admirer des voitures parcourant un paysage bucolique agrémenté de fleurs et d’oiseaux gazouillants, a du plomb dans l’aile… Et les mesures prises peut-être un peu précipitamment par certains gouvernements, visant à imposer jusqu’à 10 % de ce type de combustible dans les pompes à l’horizon 2020, sont peut-être à revoir…














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