Vient de paraître aux Editions de l'Aube le livre de Jacques THEYS, Christian du TERTRE et Félix RAUSCHEMAYER :
" LE DEVELOPPEMENT DURABLE, LA SECONDE ETAPE " (205 pages)
25 ans après le rapport BRUNTLAND, le développement durable survivra-t-il à la crise économique et à l'échec de Copenhague ? Après un bilan de ce dernier quart de siècle, le livre propose non pas " d'aller vers un au-delà ou un en deçà du développement durable " mais plutôt d'en dessiner une nouvelle étape - adaptée à la période d'après crise dans laquelle nous sommes entrés et valorisant mieux les potentialités d'une notion restées sous exploitées de ce concept.
Préface par Jacques THEYS, chargé de cours à l'EHESS
LE DEVELOPPEMENT DURABLE APRES COPENHAGUE
Peu de mots comme ceux de " développement durable " auront suscité autant d'enthousiasme et de scepticisme mêlés. Mais sans doute sommes nous, dans cette histoire marqué par l'ambiguïté, à un tournant. Il y a dix ans à peine l'expression ne concernait encore qu'un cercle restreint d'experts et d'initiés. La décennie qui vient de s'achever en a fait une préoccupation largement partagée par l'opinion... et une dimension importante du débat et de l'action publics. Celle qui s'ouvre, lourde d'incertitude, sera probablement décisive pour en asseoir - ou pas - la crédibilité réelle.
Les évolutions, ou événement récents n'incitent pas, à priori, à l'optimisme. La conjonction d'une crise qui se prolonge, d'une immense déception après Copenhague... et d'un hiver particulièrement rigoureux dans l'hémisphère Nord - ont fait pencher la balance du côté des sceptiques. Aux Etats-Unis, les " négationnistes " du changement climatique sont repartis à l'offensive. En France et en Europe, des voix de plus en plus nombreuses s'alarment de l'isolationnisme communautaire... et des risques pour une industrie fragile ou des groupes sociaux exposés d'ambitions jugées irréalistes. Historiquement, l'intérêt pour l'environnement a toujours été très sensible à la conjoncture économique - la période présente n'échappe pas à la règle...
Que dans le contexte actuel les problèmes relatifs à l'emploi, à l'avenir de l'industrie européenne face aux pays émergents, à l'accroissement de la précarité... ou à l'endettement public... occupent le devant de la scène n'a rien qui puisse nous étonner. Mais n'étaient-ce pas aussi ces préoccupations - les mutations économiques, les rapports Nord-Sud, la satisfaction des besoins des plus démunis, la charge excessive transférée sur les générations futures - qui étaient, avec la question des ressources, au coeur du rapport Bruntland, et donc de la conception " originelle " du " développement durable ". Comme l'a rappelé sans équivoque, et à maintes reprise, son principal auteur, l'objet de ce rapport n'était pas, en effet, seulement d'alerter l'opinion mondiale sur les urgences écologiques - par ailleurs, incontournables - mais de proposer un nouveau modèle de développement qui soit à la mesure des défis humains, géopolitiques, économiques et sociaux d'une Terre devant passer en quelques décennies à plus de neuf milliards d'habitants... Et s'il s'agissait tout simplement -aujourd'hui - de revenir à cette vision originelle, à la fois résolument politique, ouverte, et fondamentalement globale ?
Vu sous cet angle, le pessimisme précédent doit être nuancé. Une relecture plus distanciée des évolutions récentes, conduit en effet à penser que le contexte actuel, loin de nous éloigner des ambitions réelles du développement durable, nous en rapproche. Les réponses budgétaires et financières à la crise de 2008 n'ont pas fait disparaître l'idée que celle-ci est structurellement liée à l'épuisement d'un certain modèle écologique et économique de croissance, et qu'un nouveau modèle est à réinventer : tous les grands pays se sont d'ailleurs engagés dans des stratégies de transition qui conduiront à terme à des mutations industrielles et sociétales majeures. Malgré ses résultats modestes, Copenhague a eu au moins le mérite de poser sur des bases beaucoup plus réalistes la question de la gouvernance mondiale et de l'articulation des échelles de gouvernance. Plus près de nous, les débats multipliés depuis deux ans - sur la taxe carbone, sur des effets de la hausse du prix du pétrole, la rénovation énergétique de l'habitat, l'accès aux produits bio ou à la " ville durable " - ont enfin permis de faire ce que vingt ans de " développement durable " n'avaient pas même tenté de proposer : réarticuler la question sociale et celle de l'environnement, poser enfin la question des inégalités écologiques et des effets redistributifs des politiques " vertes ". Autrement dit, c'est la situation - elle-même - qui impose de revenir à la conception multidimensionnelle et intégrée qui était initialement au coeur du développement durable - une conception trop négligée dans les deux décennies précédentes. Il s'agit moins, dans ces conditions, d'aller vers un " au-delà ou un en deçà du développement durable " mais plutôt d'en dessiner une nouvelle étape - adaptée à la période d'après crise dans laquelle nous sommes entrés.
Ce sont les contours de cette seconde étape que ce livre tente d'esquisser. Écrit, pour l'essentiel, à l'occasion du vingtième anniversaire du rapport Bruntland - un peu avant le déclenchement de la crise de 2008 - c'est à la fois le premier ouvrage qui porte un regard global et critique sur deux décennies de développement durable depuis 1987-1988, et le premier, également, qui suggère un aggiornamento, un repositionnement sur de nouvelle bases. Sans doute y faudra-t-il d'abord plus de rigueur dans la définition des concepts - et de nombreuses pages y sont en effet consacrées à travers l'analyse critique des notions de " besoin ", de " qualité de vie "... ou de " développement durable ". Mais - comme les lecteurs pourront le constater - il ne s'agit pas pour les trois auteurs rassemblés ici de proposer de nouveaux cadres normatifs, de nouveaux principes ou de nouveaux indicateurs... L'ambition essentielle est plutôt d'inciter les acteurs publics et privés à aller beaucoup plus loin dans l'innovation - économique, sociale ou institutionnelle ; à inventer de nouveaux modèles de production, de consommation ou d'habitat ; et, finalement à valoriser beaucoup plus que cela n'a été fait jusqu'à présent les potentialités, inexploitées, ouvertes par le développement durable. C'est la condition pour qu'après vingt ans de tâtonnements, de demi-échecs et de demi-réussites, ce que Edwin Zaccaï a appelé une " illusion motrice " devienne enfin ce qu'il a vocation à être : le point d'appui solide et partagé d'une " transition socio-éco-écologique " que chacun, partisan ou pas de l'environnement, sait désormais indispensable.
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