Appel pour la création d'une Coalition Mondiale pour les OMD
Les Chefs d'Etat se sont réunis cette semaine au siège de l'ONU, pour faire le bilan à mi-parcours des huit Objectifs du Millénaire pour le Développement. Réduire de moitié la pauvreté, d'ici à 2015, est-ce encore possible ? Le bilan est mitigé, les progrès dépendent principalement de la croissance des pays émergents. Dix années se sont écoulées avec un niveau de mobilisation, de communication et de réalisation très faibles. L'incertitude réside dans notre capacité réelle, à tous (gouvernements, collectivités, société civile, entreprises), à passer de l'engagement... à l'action concrète. L'ONU lance son message " Keep the promise ". Des milliers d'ONG à travers le monde, dont la plateforme " ONG pour les OMD ", se mobilisent pour rappeler l'importance d'agir, pour renforcer le leadership, la mise en oeuvre opérationnelle et encourager à entreprendre pour un bien-être social partagé, pour gagner le pari sur l'avenir... Afin de contribuer à maintenir la dynamique, durablement, sur les 5 prochaines années, et en réponse à la demande des Nations Unies[i], nous lançons un appel pour la création d'une Coalition Mondiale pour les OMD (a World Wide Network for MDG'S) avec des défis prioritaires tels que définis dans le 8ème Objectif.
La fin du Sommet pour les OMD, le 22 septembre, ne doit pas marquer la fin d'une mobilisation médiatique mais le début d'une remobilisation pour accélérer la mise en oeuvre des OMD. Optimisme et Mobilisation doivent être les maîtres mots, comme l'avait évoquée Cécilie Molinier, Directrice du PNUD à Genève, lors du Forum sur les OMD, organisé au Palais des Nations Unies par AIODM et EAI, en janvier 2010. Cette conférence organisée en présence de hautes personnalités a permis de rassembler des leaders, quelques mois en amont du sommet de New York, autour du thème " Les défis à relever d'ici à 2015 " et formaliser la création d'une plateforme pour optimiser la coordination et les synergies, " la plateforme ONG pour les OMD ". L'Alliance Internationale pour les Objectifs du Millénaire et Espace Afrique International lancent aujourd'hui un appel pour la création d'une Coalition Mondiale d'ONG pour les OMD pour renforcer l'implication concrète et efficace des acteurs sociaux, économiques et politiques pour les Objectifs du Millénaire pour le Développement, en leur proposant des solutions concrètes, innovantes et souvent gratuites.
Les engagements généreux et les fonds promis dans le cadre du Sommet des OMD, notamment dans le domaine de la santé, plus de 40 milliards, ne doivent pas nous faire oublier que l'originalité et la pertinence des OMD est d'avoir une approche globale, et qu'agir sur un seul des objectifs ne pourra pas permettre de contribuer à éradiquer la pauvreté (pourrions-nous améliorer le niveau de vie en Europe et favoriser le développement et la croissance, si nous mettions en place uniquement des programmes de santé - certes très utiles ?). Nous ne pouvons pas une avoir une " approche sélective " pour l'un ou pour l'autre, par peur de nous éparpiller, comme l'a justement évoqué justement l'Ambassadeur Guy-Alain Gauze, Ambassadeur de Cote d'Ivoire à Genève, lors du Forum de l'Alliance Internationale pour les Objectifs du Millénaire et Espace Afrique International, en janvier 2010, à l'ONU, mais nous devons comprendre les interdépendances :
- Les interdépendance entre les 8 Objectifs du Millénaire (Faim, Education, Egalité des sexes et autonomie, Mortalité Infantile, Santé Maternelle, SIDA et autres maladies, Environnement, Partenariat)
- Les interdépendances entre les acteurs (Politique, Collectivité, Entreprise, Association, Citoyen, Média... ainsi que les Religieux, Rois et Chefs Traditionnels)
- Les interdépendances entre le Nord et le Sud.
" Nous sommes dans un monde où chacun dépend de l'autre ". Gérard Collomb, Maire de Lyon, rejoint la pensée de l'Ambassadeur Gauze... il organise le forum " Planète Durable " et fait le voeu d'une année économiquement, écologiquement et socialement durable " nous devons répartir les richesses à l'échelle de la planète, afin que nous n'ayons pas d'un coté les plus pauvres et que de l'autre s'accumulent toutes les richesses ". Selon Jeffrey Sachs, expert des OMD à l'ONU, si nous n'éradiquons pas la pauvreté, elle sera la source de plusieurs conflits en Afrique ; il faut réagir aux symptômes qui sont le manque d'eau, la pauvreté, les maladies, etc. En accroissant les disparités entre les individus des pays dits du Nord et ceux des pays dits du Sud, nous cristallisons les tensions et la colère, or, personne n'a intérêt à maintenir une telle situation d'inégalités et de pauvreté (l'actualité le démontre chaque jour). Face à la refonte de l'équilibre mondial avec l'émergence de nouvelles puissances, il est impératif de repenser le rôle de chacun. N'est-on pas à un moment charnière pour prendre part à des projets de développement afin d'évoluer dans un environnement de paix sociale ?
Le contexte économique et la succession de crises au niveau mondial, ne doivent pas être une " excuse " pour ne pas agir pour les OMD. Quel était le niveau d'engagement avant les crises ? Quelles excuses avions-nous avant 2005, cinq années après le lancement des OMD... période où les OMD étaient méconnus et les contributions quasi-inexistantes ? Comment maintenir la dynamique au plus haut sommet et engager durablement tous les acteurs (gouvernements, société civile, entreprises, médias, collectivités) pour passer de l'engagement... à l'action concrète ? Comment s'assurer que d'ici à 2015, tous les leviers pour les atteindre soient activés, alors que pendant 10 années les efforts n'ont pas été à la hauteur des promesses dans la majorité des 192 pays signataires ? Le Sommet des OMD est une opportunité réelle de remobiliser les Chefs d'Etats, tant au Nord qu'au Sud.
Tandis que les acteurs du Nord doivent s'impliquer davantage (à ce jour peu de soutien financier a été consacré aux OMD, peu de personnalités politiques parlent des OMD, peu de collectivités agissent pour les OMD, peu d'initiatives de la société civile sont soutenues, etc), les acteurs du Sud doivent également renforcer leur mobilisation. Lors de la conférence de Genève, Messieurs Jean-Baptiste Akrou, Directeur Général de Fraternité Matin, groupe de presse en Cote d'Ivoire, et Charles Kader Gooré, PDG de CKG Holding, lançaient un appel pour que les africains eux-mêmes se prennent en charge :
"L'Afrique a toutes les richesses, les compétences, pour s'en sortir, elle doit s'auto-gérer, rendre les décideurs politiques et les populations acteurs de leur développement, sans devoir toujours être dans l'attente, se mettre à nu devant la communauté internationale. Le développement passera par la croissance et la gouvernance " a déclaré le PDG de la Holding CKG présente dans 4 pays d'Afrique de l'Ouest. " Le développement passera par le changement de comportement ", a expliqué de son coté le célèbre journaliste Akrou, en rajoutant " Quand ramasser devient facile, c'est se baisser qui devient difficile ! ". Il a montré l'importance, à travers le programme Villages du Millénaire de AIODM, de créer la culture du travail, mais aussi la culture du bénévolat et le don de soi, pour sortir nos enfants de la misère et favoriser le développement économique dans nos pays. " Si les gens ont un accès à l'éducation mais n'ont pas de travail, ils commencent à errer, à privilégier l'oisiveté, à devenir agressif face à la société, générer de violence, etc. Nous devons briser ce cercle vicieux et favoriser l'accès à l'emploi ainsi que l'accès aux investissements étrangers. Aujourd'hui, nul n'a le droit d'être heureux seul ".
Notons que de nombreuses propositions concrètes et souvent gratuites, prioritaires pour le développement, ont été offertes par des ONG internationales aux gouvernements du Sud, tels que des programmes d'électrification, la construction de route ou encore des financements importants pour les OMD, mais sont restées sans réponse à jour. Pourtant, il ne peut y avoir une optimisation des actions menées pour les 8 OMD sans réseaux électriques étendu et accessible à tous et sans réseaux routiers qui permettent de relier les villages aux villes et les villages entre eux. Trop de dossiers contribuant aux OMD sont stratégiques mais sans réponse. Les notions de " politique " et de " développement " ne sont pas forcément corrélées dans la vie quotidienne de certains pays. Nous devons lutter contre l'inertie, l'intérêt personnel (et à travers lui, la corruption) et certains dysfonctionnements pour le suivi des dossiers. Nous devons renforcer par ailleurs la culture de l'évaluation. Que l'argent soit donné par des ONG et par des gouvernements, il devrait faire systématiquement l'objet d'une évaluation (sans ressentir le sentiment d'ingérence), pour quantifier les résultats et s'assurer ces résultats aient un impact réel pour améliorer le bien-être social des plus pauvres.
Avec les 8 OMD, nous gagnons tous le pari sur l'avenir... l'incertitude réside dans notre capacité individuelle à nous mobiliser pour une responsabilité commune et une préoccupation lointaine (lointaine sur le plan géographique, sur le plan du confort, l'éloignement psychologique avec les strates sociales des plus démunies, etc) pour beaucoup d'entre nous. Tous le monde s'accorde à dire que l'extrême pauvreté est le défi N°1 à relever et s'indigne devant la gravité de la situation (un enfant meurt toute les 5 secondes, une personne sur 5 n'a pas accès à l'eau, etc.). Certains iront jusqu'à dire que c'est la honte de l'humanité... Combien de leaders politiques, collectivités, entreprises, médias se sont véritablement impliqués sur ce programme entre 2000 et 2015 (mise à part quelques jours avant le sommet ?). L'écart entre les objectifs fixés entre 2000 et les réalisations entre 2010 n'est donc en rien surprenant (des réalisations significatives sans action auraient été surprenantes !). Comment passer de l'engagement à l'action ? Comment passer de la notion de responsabilité partagée... au sentiment de responsabilité individuelle ?
En terme de citoyenneté, les habitants du Nord doivent prendre conscience du privilège de vivre avec des ressources abondantes (pour la grande majorité, la capacité à subvenir à leurs besoins primaires et secondaires), la liberté d'expression, le privilège de vivre dans des états de droit... pour venir en aide aux personnes démunies, sans voie, ni force pour se battre contre tous les fléaux de la misère (faim, violence, abandon...). Chaque individu, ou qu'il soit, au Nord ou au Sud, doit prendre conscience que les OMD, c'est l'affaire de chacun d'entre nous. Ainsi nous pourrons briser la spirale de la déresponsabilisation et nous pourrons sortir des logiques purement comptables ou budgétaires (les montants ne sont pas alloués pour les raisons X ou Y). Esther Duflot, Economiste, au Massachusetts Institute of Technology, évoque l'importance de lutter contre les " 3i ", Ingnorance, Inertie et Idéologie. Nous rajoutons à l'importance d'agir davantage par la force des " 4C ", de la Conviction, de la Créativité, des Compétences et du sens de l'intérêt Collectif.
Les entreprises ont de leur coté, intérêt à intégrer les 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) car ils s'inscrivent dans une vision de partage et d'un monde où l'individu est placé au coeur du processus de développement. En effet, le développement humain et le développement économique sont interconnectés. Chacun doit y participer, ils ne peuvent être le fait que de quelques acteurs. Qui sont les mieux placés pour aider au financement de projets que les entreprises et les collectivités territoriales ? Leurs analyses à la fois des marchés économiques et à la fois des besoins des populations leurs permettent de juger la dynamique " entrepreneuriale " et la pérennité des projets en demande de financement. Financer des projets de développement est une source de débouchés qui donne des perspectives durables d'avenir. Cet investissement est d'autant plus facilité que de nombreux pays francophones disposent d'une multitude de projets innovants auxquels il ne manque qu'un coup de pouce pour se réaliser. Le partage d'une langue commune et de valeurs telles que la solidarité et l'esprit d'entreprise favorise les échanges. Par ailleurs, il est primordial pour les entreprises et collectivités territoriales, de trouver des alliances pour que leur voix soit entendue dans ce monde mondialisé. En intégrant les OMD dans leurs actions, elles deviennent un partenaire du développement de demain axé sur la durabilité et l'éthique.
OEuvrons ensemble pour promouvoir un partenariat multidisciplinaire, à travers les OMD et dans le cadre d'un développement durable à la fois créateur de richesse et respectant la dignité et l'épanouissement de l'homme et de la femme... Créons les conditions, chacun à notre niveau, pour concilier la loi de la proximité et le bien-social pour tous
Evaluation à mi-parcours
Les OMD intègrent la question de la faim, la mortalité infantile, l'éducation, l'environnement, le commerce, etc. La lutte contre la discrimination, le respect des droits de l'homme et la bonne gouvernance sont de plus en plus considérés comme étant des éléments déterminants ; ils doivent être intégrés de manière transversale dans chacun des OMD. De nombreux progrès ont été réalisés notamment en matière de scolarisation primaire des enfants, de baisse de la mortalité infantile et de lutte contre le SIDA (baisse significative du nombre de décès parmi les enfants de moins de 5 ans, passant de 12,6 millions en 1990 à 8,8 millions en 2008, en 2004 le taux de décès causés par le sida atteint 2,2 millions contre 2 millions en 2008). Certains progrès ont été réalisés en Afrique, le Ghana et l'Ouganda, par exemple, sont en train de réaliser les OMD avec respectivement des taux de croissance de 7% et 8 %. Ces constats positifs ne doivent pas occulter une triste réalité à combattre ; 925 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, sachant que 53 millions de personnes supplémentaires demeureront dans l'extrême pauvreté d'ici à 2015 (Rapport de suivi 2010, ONU).
Financement des OMD
L'Aide Publique au Développement, les partenariats privés publics, la recherche de financements innovants, l'allègement de la dette, etc. font partie des solutions financières pouvant contribuer à lutter contre la pauvreté. Nous saluons à ce titre l'engagement remarquable de la France pour sa proposition sur la taxation des transactions financières. Les Pays développés sont tenus de consacrer 0,5 % de leurs PIB à la lutte contre le sous-développement, néanmoins, à l'exception de quelques bons élèves tels que la Suède, Luxembourg, le Danemark, aucun pays n'a tenu sa promesse ; en moyenne se sont 0,38% du PIB que les pays développés reversent au lieu des 0,5 prévus. D'après l'OCDE, en 2009, les apports nets d'aide publique au développement (APD) consentis par les membres du Comité d'aide au développement (CAD) ont légèrement augmenté en termes réels (+0.7 %) pour totaliser 119.6 milliards USD. L'Afrique reste le continent le plus lésé : sur les 24 milliards de dollars promis pour 2010, 14 milliards ont été reversés à ce jour. Comme le souligne M. Ban Ki-moon actuel Secrétaire Général des Nations Unis : " le Sommet nous offrira une occasion cruciale de redoubler nos efforts pour atteindre les objectifs ".
[i] Recommandation N°17, http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/64/L.72)
[OMD]
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