Depuis 2007, Lucien Gambarota, inventeur et entrepreneur installé à Hong Kong, commercialise des micro-turbines éoliennes. Ces micro-turbines sont particulièrement performantes mais c'est surtout la démarche suivie lors de la conception qui mérite l'attention : à chaque environnement ses particularités et donc ses solutions. L'optimalité technique seule importe peu. Il faut rechercher un optimal qui soit à la fois économique, humain et environnemental.
''He is a genius!''
C'est de cette façon que le professeur Dennis Leung, spécialiste reconnu des énergies renouvelables de l'université de Hong Kong, m'a parlé de Lucien Gambarota pour la première fois. Ce que voulait souligner le professeur Leung, c'était sa polyvalence : talentueux en tant qu'inventeur et adroit en tant qu'entrepreneur.
Ingénieur chimiste de formation, Lucien Gambarota a d'abord travaillé pour le service achats d'Euromarché, ancêtre de Carrefour, et a eu l'occasion de voyager dans de nombreux pays, dont Hong Kong. En 1987, il s'installe à Hong Kong pour y créer une entreprise de montres, profitant de la très grande facilité d'entreprendre offerte par le dominion britannique. En 2004, il fonde PowerWaveGroup dont le premier produit est un générateur d'électricité à partir de l'énergie des vagues. Depuis, l'entreprise s'est largement diversifiée et propose de nombreuses solutions d'énergies renouvelables.
Le produit doit être conçu par rapport à l'environnement cible, pas le contraireLucien Gambarota se veut " persévérant mais pas têtu ". Il poursuit un objectif précis : proposer des solutions d'énergies renouvelables qui soient réellement optimales, et pas uniquement du point de vue technique. En effet, dans le cas des énergies renouvelables, l'énergie n'étant pas utilisée, on part le plus souvent d'une efficacité nulle donc l'efficacité est uniquement un critère parmi d'autres : coût, impacts sociaux, empreinte environnementale. Il s'oblige également à s'interroger sur l'utilité de chaque pièce d'un système. Ainsi, pour chaque projet, il travaille à partir d'une feuille blanche, " sans regarder ce qui se fait ailleurs " et en se basant sur les principes physiques.
Pour lui, de nombreux acteurs travaillant dans le secteur des énergies renouvelables prennent le problème à l'envers. Les systèmes sont d'abord conçus afin de les rendre optimaux en termes de coût et d'efficacité et ensuite seulement on cherche un environnement qui convient à leurs spécifications. Au contraire, Lucien Gambarota commence toujours par construire le cahier des charges d'une nouvelle invention en fonction de l'environnement auquel elle est destinée.
Il prend en exemple les turbines éoliennes de nouvelle génération qui sont " technologiquement des monstres ", en particulier au niveau des matériaux utilisés et des méthodes de fabrication. Le coût de fabrication est donc très élevé. Néanmoins, cela permet d'obtenir de très hautes performances et des turbines ave une puissance crête atteignant les 10MWe. Pour obtenir une telle puissance, une certaine gamme de vents est requise. Il faut donc ensuite trouver un emplacement convenant aux spécifications de l'éolienne. Lucien Gambarota dénonce cette façon de travailler : ces éoliennes nouvelle génération doivent être implantées loin des zones de consommation, engendrant des pertes conséquentes lors du transport d'électricité, et souvent dans des zones difficiles d'accès, augmentant les coûts de main d'oeuvre. Les champs d'éoliennes offshores du nord de l'Ecosse en sont une bonne illustration.
Micro-éoliennes : simples et performantes
Lucien Gambarota considère que l'énergie doit être produite le plus possible au niveau local, dans les zones de consommation. Il a voulu mettre au point une éolienne adaptée à Hong Kong. Le cahier des charges découle directement des caractéristiques de l'environnement :
- possibilité de fonctionner par tout vent, les vents à Hong Kong étant généralement plutôt faibles mais avec une période de typhons
- coût faible par l'utilisation de matériaux et de méthodes de fabrication largement utilisés dans la zone et l'adoption d'un système modulaire utilisant une seule pièce de base facilement productible en série
- nuisances les plus faibles possibles : visuelles, sonores
- longue durée de vie et recyclabilité
Les réponses au cahier des
charges semblent naturelles. En Chine, on trouve des milliers d'injecteurs de plastique,
matériau très bon marché, recyclable et à durée de vie relativement longue.
L'éolienne sera donc en plastique avec un diamètre de 36cm pour pouvoir être
moulée par la majorité des injecteurs. Le vent à Hong Kong est généralement
entre 1 et 5m/s, les éoliennes mises au point par Lucien Gambarota peuvent
démarrer à 0,8 m/s et n'ont pas de vitesse critique, il n'est donc pas
nécessaire de les démonter en cas de typhon. La pièce la plus coûteuse est le
générateur (" une dynamo de vélo "), les micro-éoliennes sont donc
reliées entre elles par un système d'engrenages avec un générateur pour
plusieurs éoliennes. La modularité permet également de varier les formes et
même d'afficher un message publicitaire en installant des turbines de couleurs
différentes.
Un succès commercial
Le plus intéressant pour ces
micro-éoliennes se situe au niveau de leurs performances. En plus d'une disponibilité
maximale (à partir de 0,8 m/s), l'efficacité pour des gammes de vent entre 5 et
15m/s est comparable à celle des turbines beaucoup plus chères et évoluées. En
effet, pour ces gammes de vent, l'efficacité varie entre 96 et 99% de la limite
théorique (limite de Betz : 59%). De plus, pour des petites installations
de moins de 20 micro-éoliennes, la construction et l'installation revient à 9$
par turbine (le prix diminue dans le cas de plus grandes installations). Pour
un vent à 5m/s, 1kW installé revient ainsi à 9.000$. Pour un vent à 10m/s, le
kW vaut 800$. En France, pour de l'éolien classique (turbine de 1MW), il faut
compter de 2000 à 4000$ par kW mais cette puissance est calculée pour des
puissances autour de 12m/s. Economiquement, ces micro-éoliennes sont donc plus
intéressantes que celles utilisées en Europe mais rien ne dit que le coût de
telles turbines fabriquées en Europe ne serait pas doublé voire triplé.
Au niveau commercial, ces micro-éoliennes sont un succès. Elles sont vendues dans 40 pays et, même avec une capacité de production quadruplée depuis 2007, la production ne suit pas les commandes. Malgré cela, M. Gambarota veut seul garder les rênes de son entreprise, et préfère se concentrer sur le développement de nouveaux systèmes de production d'électricité (énergie des vagues, éoliennes à axe verticale ou production d'énergie à partir des appareils des salles de musculation). De plus, je doute que la réflexion qui l'a amené à concevoir ces micro-turbines soit toujours valable dans un environnement différent. C'est la démarche qu'il faut suivre, pas la solution particulière à Hong Kong.
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