Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050 pour l'IEPF
Rio+20, le 19 juin 2012. Plus qu'un jour avant le début du Segment de haut niveau de la Conférence mondiale des Nations Unies sur le développement durable.
Les ministres et les Chefs d'Etats ne vont pas tarder à entrer en scène. Les préparations se poursuivent dans une relative indifférence. Comme il l'avait annoncé en fin de semaine dernière le Brésil a pris en main les négociations. Les choses se sont améliorées au niveau de l'organisation. Sur le fond 14 Groupes de travail négocient sur une série de thèmes qui font l'objet d'une attention particulière. Le Brésil a diffusé le 17 juin une nouvelle version du document de travail " Le futur que nous voulons ".
Le document est déroutant. Encore plus édulcoré que la précédente version et un certain nombre de principes de base ont disparus ou ont été atténués .... La notion de responsabilité partagée mais dissociée reste un point de désaccord et de fait la question de la justice sociale reste diluée dans une longue liste de bonnes intentions.
Il s'agit d'un document de négociation et à ce stade rien ne permet d'affirmer la forme du texte final. Pour autant la version actuelle est déroutante avec très peu d'éléments chiffrés sur les modalités de mise en oeuvre que ce soit sur les questions de financement, de transfert technologique ou en termes de renforcement de capacités.
En guise d'exemple, le chapitre consacré à l'énergie (Articles 125 à 130) tel que rédigé porte en lui un certain nombre de questionnements. Il reprend dans l'esprit la logique de l'engagement solennel sans pour autant comporter des éléments chiffrés et encore moins des pénalités en cas de non-respect des engagements pris.
Les enjeux du bâtiment y sont traités en quelques mots ainsi que ceux du transport ou de l'espace urbain même si ces thématiques sont reprises dans d'autres chapitres (toujours sans chiffres).
La société civile française s'est mobilisée et a fait remonter aux Ministres français concernés et à l'équipe des négociateurs une lettre demandant un engagement fort de la France en faveur d'objectifs ambitieux et au service des valeurs que la vision du développement durable porte en elle. Cette lettre comporte des propositions concrètes et précises pour améliorer le texte actuel.
ENERGIES 2050 a contribué sur la partie relative à l'énergie en plaidant pour des engagements forts de la communauté internationale. Pour être crédible, le document qui sera retenu à la fin de la Conférence doit engager les pays à mettre en oeuvre un plan chiffré basé sur le renforcement de la sobriété énergétique complété par une stratégie ambitieuse d'efficacité énergétique assortie d'un plan volontariste de développement des énergies renouvelables.
Les objectifs doivent être globaux puis déclinés régionalement et/ou nationalement. Les travaux du GIEC (en se référant au rapport SRREN publié en mai 2011) offrent une analyse pertinente des scénarios possibles (plus de 160 modèles évalués). Les objectifs doivent être chiffrés avec un calendrier de mise en oeuvre (l'approche retenue dans la mise en oeuvre des 3 x 20 européens pour la partie renouvelable pourrait servir utilement d'exemple). D'importants travaux pourraient également contribuer à pouvoir avancer des objectifs réalistes mais ambitieux, même si certains travaux complémentaires devraient probablement être menés (AIE, Agence Européenne pour l'Environnement, Commission Européenne, REN21, IRENA,...). Il faut anticiper également qu'à terme les objectifs devront être déclinés sectoriellement.
Pour donner de la crédibilité aux engagements pris, le suivi des engagements doit être organisé de manière transparente et dans le cadre d'un registre international.
Le lien climat-énergie doit être complété. Les questions du financement et du transfert technologique doivent être mises en avant. L'alinéa 130 doit être réécrit et les économies générées sur les subventions doivent être comprises en tant que source de financement additionnel aux énergies renouvelables (là aussi il est nécessaire d'avoir un calendrier). La question sociale du coût de l'énergie doit être abordée.
Enfin, la question de l'accès à l'énergie et aux services énergétiques associés doit être renforcée et les financements nécessaires doivent être chiffrés avec un lien explicite avec les engagements d'aide au développement et les Objectifs du Millénaire.
Pour finir, la participation de la société civile dans les choix énergétiques doit être à minima organisée/nommée (nous sommes à Rio et il serait temps d'introduire le concept de citoyenneté énergétique).
Les points relevés ci-dessus ne sont qu'une illustration de l'ampleur des zones de fragilité que porte ce texte.
Une fois encore, rien ne laisse supposer de la forme finale que prendra le document. Pour autant, peu nombreux sont les optimistes et les personnes croisées dans les couloirs du Rio Centro où se déroule les négociations sont préoccupés.
Les Chefs d'Etats ne vont plus tarder à arriver. Une réunion du G20 se terminera juste quelques heures avant le début de la Conférence anniversaire du Sommet de la Terre.
La société civile est mobilisée et plusieurs pays sont à la recherche d'un accord ambitieux. Espérons que nous serons entendus et que le programme d'action qui sera mis en place pour les 20 prochaines années sera à la hauteur des enjeux et des défis auxquels sont confrontés nos sociétés.
Version Le futur que nous voulons du 17 juin 2012 (747 hits)