Clémence Hutin, membre des Jeunes Amis de la Terre Europe, exclue des négociations de Varsovie pour avoir brandi des pancartes mentionnant les noms des provinces touchées par le typhon Haiyan et demandant « combien encore » adresse une lettre ouverte à la secrétaire exécutive de la convention climat.
" Les multinationales les plus polluantes ont plus leur place aux Nations-Unies que la jeunesse"
Chère Christiana,
Je suis Clémence, la jeune écologiste de 23
ans exclue de la COP19 pour avoir exprimé de la solidarité avec les
Philippines. Comme vous n'avez pas répondu à notre première lettre,
j'aimerais vous écrire plusieurs choses que j'ai toujours à l'esprit.
Comme vous pouvez l'imaginer, je ressens actuellement beaucoup de
frustration, avant tout parce que cette situation est à mes yeux tout à
fait absurde.
Hier, pendant la conférence inter-générations, vous
avez dit à mes ami-e-s : " Je suis très reconnaissante du fait que vous
êtes ici, et je sais que beaucoup d'entre vous ont fait d'incroyables
efforts et sacrifices pour être ici, et je vous souhaite la bienvenue. "
En effet, venir ici a été coûteux pour moi. J'ai pris un bus de Paris,
pour éviter de prendre l'avion. J'ai voyagé 29 heures, et j'ai pris deux
semaines de congé pour être ici - mon temps à Varsovie sera déduit de
mes vacances.
J'ai eu la chance de vous rencontrer en juin à Istanbul, au Global
Powershift. Votre discours à l'assemblée de jeunes était émouvant, vous
nous demandiez de nous énerver, de nous battre. Nous battre pour notre
futur. Vous nous avez parlé de vos filles.
Ces mots sonnent maintenant bien creux. Je sens de graves
incohérences dans ce discours. Vous me dites de m'énerver, de me battre,
de pousser les dirigeants... et vous m'expulsez le premier jour de la
conférence pour avoir fait preuve de solidarité avec les Philippines.
Christiana, pensiez-vous vraiment ce que vous disiez à Istanbul ?
Les actes pèsent plus que les mots. D'après ce que je constate, les
multinationales les plus polluantes ont plus leur place ici que la
jeunesse.
J'aimerais pointer une deuxième incohérence dans votre discours.
Pendant la conférence hier, en réponse à la question de mes ami-e-s pour
savoir si nous pouvions rentrer, vous leur avez dit : " Je ne peux pas
savoir si on peut les laisser rentrer, et quand. Car c'est une
discussion que je dois avoir avec le service de sécurité, c'est à eux de
me conseiller sur la décision à prendre. "
Je suis tout à fait d'accord. Cependant, le chef de la sécurité a
été très clair : nous pouvions rentrer dès le lendemain. J'ai entendu
dire que vous aviez pris cette décision personnellement.
Je pense
qu'il y a des choses plus importantes à faire en ce moment. Nous
n'avons que deux semaines par an pour négocier un accord sur le climat,
et souvent, vous insistez sur le temps très court que cela représente.
Vous dites aussi souvent : " J'ai une COP à diriger. " Je vous soutiens
Christiana. Je vous prie de la diriger. Guidez nos dirigeants vers un
accord ambitieux, juste, et contraignant.
Vous devez savoir qu'aujourd'hui, malheureusement, la société civile
ne croit plus beaucoup en la conférence des Nations-Unies sur le
changement climatique. Moi même je doute parfois de ma foi dans le
système politique. Cela étant dit, je pense que cette conférence a un
rôle clef à jouer pour pousser les gouvernements à éviter un dérèglement
climatique catastrophique, et j'aimerais éviter que cela discrédite ou
affaiblisse la conférence, ou que cela mène à un désengagement de la
société civile.
C'est pourquoi je pense que le secrétariat de la conférence doit
maintenant envoyer un message clair : que les négociations des
Nations-Unies sont un lieu démocratique, où la société civile est la
bienvenue, et les multinationales polluantes, dont le modèle économique
est incompatible avec une action ambitieuse pour combattre le changement
climatique, n'y ont pas leur place.
J'espère que ce message résonnera pour vous.
Sincèrement,
Clémence Hutin, Jeunes Amis de la Terre Europe, le 15 novembre 2013
Source : bastamag
Yaovi Lowanou KOGBE, pour l'IFDD
[COP19-climat]
Lire l'article de bastamag (589 hits)