C’est la première fois, au cours des 70 années de l’histoire de l’Organisation des Nations Unies, qu’un pape prend la parole à l’ouverture de l’Assemblée générale, et devant tant de dirigeants mondiaux, a fait remarquer le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, en accueillant ce matin le pape François.
Le souverain pontife a prononcé une allocution à l’Assemblée avant l’ouverture du Sommet des chefs d’État et de gouvernement qui doivent adopter le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
« Merci d’écrire l’histoire », a dit le Secrétaire général au pape François, « un homme de foi pour toutes les fois ».
Le pape François, qui interpelle un large public et dont la liberté de ton est appréciée dans le monde entier, a prôné la défense de l’environnement et la lutte contre l’exclusion.
Évoquant les différents conflits dans le monde, il a également appelé « ceux qui sont en charge de la conduite des affaires internationales » à « un examen de conscience ».
Avant tout, a déclaré le pape, il faut affirmer qu’il existe un « vrai droit de l’environnement ». Pour lui, l’environnement comporte des limites éthiques que l’action humaine doit connaître et respecter et toute atteinte à l’environnement est une atteinte contre l’humanité.
La visite du pape François à l’occasion de l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 n’est pas une coïncidence, a ainsi souligné M. Ban dans son introduction. La récente Encyclique papale sur l’écologie humaine a défini les changements climatiques comme étant le principal défi auquel doit faire face l’humanité, ainsi qu’une question morale.
Avant l’adoption des nouveaux objectifs de développement durable, et dans la perspective de la prochaine Conférence de Paris sur le climat, le pape a mis les délégations en garde « contre les déclarations à effet tranquillisant sur les consciences ».
Dans le même esprit, le Saint-Père a considéré que « l’exclusion économique et sociale est une négation totale de la fraternité humaine et une très grave atteinte aux droits humains et à l’environnement », qui affecte les plus pauvres. Il a plaidé pour plus d’équité, y compris au sein des institutions internationales.
Le pape a demandé aux gouvernants de « faire tout leur possible afin que tous puissent avoir les conditions matérielles et spirituelles minimum pour exercer leur dignité, comme pour fonder et entretenir une famille qui est la cellule de base de tout développement social ».
« Chaque jour, vous aspirez à inclure les exclus », s’est félicité M. Ban. « Comme les Nations Unies, vous êtes mu par la passion d’aider les autres. »
Pour le Secrétaire général, l’exemple du Saint-Père « nous inspire tous ». « Sa Sainteté est une voix retentissante de la conscience », a reconnu le Secrétaire général, en évoquant notamment la compassion du pape François pour les réfugiés et les migrants du monde et sa solidarité pour les personnes piégées par les conflits et la pauvreté.
Le pape a affirmé qu’il faudrait mobiliser le monde au-delà des différences religieuses ou politiques afin d’établir une vision partagée, « une vie de dignité pour tous », a rappelé M. Ban.
« Bienvenue à la tribune du monde », a conclu le Secrétaire général avant de céder la parole au pape.
Pour sa part, le Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft, a fait remarquer que le pape avait traité directement des trois piliers de l’Assemblée générale -paix, développement et sécurité-, et identifié le besoin de « remédier aux politiques de division et de corruption qui alimentent les conflits et retardent le développement ».
« Nous sommes unis par la même préoccupation », a affirmé le Président de l’Assemblée, et « nous devons trouver la sagesse et le courage d’adopter un accord ambitieux pour le climat ».
Il faut mettre un terme aux conflits et aux extrémismes violents qui affectent de nombreuses régions, a-t-il poursuivi, avant d’évoquer le sort de millions de réfugiés et de personnes déplacées pour lesquels « la réponse est inadéquate et constitue un échec pour l’humanité ». M. Lykketoft a proposé de s’attaquer aux problèmes dans un esprit de spiritualité et de dialogue.
Au début de son allocution, le pape François a réaffirmé l’importance que l’Église catholique accorde à l’Organisation des Nations Unies et l’espérance qu’elle met dans ses activités.
Le Saint-Père a reconnu que chacun des progrès politiques, juridiques et techniques réalisés par l’ONU depuis sa création « est un chemin d’accomplissement de l’idéal de fraternité humaine et un moyen pour sa plus grande réalisation ».
L’expérience de ces 70 années montre que la réforme et l’adaptation aux temps sont toujours nécessaires, « progressant vers l’objectif ultime d’accorder à tous les peuples, sans exception, une participation et une incidence réelle et équitable dans les décisions », a-t-il estimé.
Pour le pape François, « cette nécessité de plus d’équité » vaut en particulier pour les corps dotés d’une capacité d’exécution effective, comme c’est le cas du Conseil de sécurité, des organismes financiers et des mécanismes spécialement créés pour affronter les crises économiques. Les organismes
financiers internationaux doivent veiller au développement durable des pays, et à ce qu’ils ne soient pas soumis, de façon asphyxiante, à des systèmes de crédit qui, loin de promouvoir le progrès, assujettissent les populations à des mécanismes de plus grande pauvreté, d’exclusion et de dépendance.
Avant tout, a déclaré le pape François, il faut affirmer qu’il existe un « vrai droit de l’environnement » pour un double motif.
En premier lieu, a-t-il précisé, parce que nous, les êtres humains, nous faisons partie de l’environnement. « Nous vivons en communion avec lui, car l’environnement comporte des limites éthiques que l’action humaine doit connaître et respecter. » Toute atteinte à l’environnement est une atteinte contre l’humanité, a résumé le pape.
En second lieu, a-t-il poursuivi, parce que « chacune des créatures, surtout les créatures vivantes, a une valeur en soi, d’existence, de vie, de beauté et d’interdépendance avec les autres créatures ». « L’homme ne peut abuser de la création et il est encore moins autorisé à la détruire », a insisté le pape. Pour toutes les croyances religieuses, l’environnement est un bien fondamental.
Le souverain pontife a constaté que l’abus et la destruction de l’environnement étaient accompagnés par « un processus implacable d’exclusion ». Il a considéré que la soif égoïste et illimitée de pouvoir et de bien-être matériel conduisait autant à abuser des ressources matérielles disponibles qu’à exclure les faibles et les personnes ayant moins de capacités.
« L’exclusion économique et sociale est une négation totale de la fraternité humaine et une très grave atteinte aux droits humains et à l’environnement », qui affecte les plus pauvres, a dit le pape. Il a vilipendé « la culture de déchet » aujourd’hui si répandue et inconsciemment renforcée.
Le pape François a vu ensuite dans l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 « un signe important d’espérance ». De même, il a espéré que la Conférence de Paris sur les changements climatiques aboutira à des accords fondamentaux et efficaces. Cependant, a-t-il averti, « les engagements pris solennellement ne suffisent pas ».
Le pape a mis en garde « contre les déclarations à effet tranquillisant sur les consciences ». À aucun moment, a-t-il dit, « il ne faut oublier que l’action politique et économique est efficace seulement lorsqu’on l’entend comme une activité prudentielle, guidée par un concept immuable de justice, et qui ne perd jamais de vue qu’avant, et au-delà des plans comme des programmes, il y a des femmes et des hommes concrets, égaux aux gouvernants, qui vivent, luttent et souffrent, et qui bien des fois se voient obligés de vivre dans la misère, privés de tous droits ». Pour qu’ils puissent échapper à l’extrême pauvreté, « il faut leur permettre d’être de dignes acteurs de leur propre destin », a-t-il recommandé.
Le développement humain intégral et le plein exercice de la dignité humaine, a rappelé le Saint-Père, ne peuvent être imposés. Ils doivent être édifiés et déployés par chacun, par chaque famille, en communion avec les autres hommes et dans une juste relation avec tous les cercles où se développe la société humaine. En même temps, les gouvernants doivent faire tout leur possible afin que tous puissent avoir les conditions matérielles et spirituelles minimum pour exercer leur dignité, comme pour fonder et entretenir une famille qui est la cellule de base de tout développement social.
« Ce minimum absolu a, sur le plan matériel, trois noms: toit, travail, et terre; et un nom sur le plan spirituel: la liberté de pensée, qui comprend la liberté religieuse, le droit à l’éducation et les autres droits civiques », a expliqué le pape François. Ces piliers du développement humain intégral ont un fondement commun, qui est le droit à la vie, et, plus généralement, « ce que nous pourrions appeler le droit à l’existence de la nature humaine elle-même ».
La crise écologique peut mettre en péril l’existence même de l’espèce humaine, a insisté le Saint-Père. À cet égard, il a fait valoir que « la défense de l’environnement et la lutte contre l’exclusion exigent la reconnaissance d’une loi morale inscrite dans la nature humaine elle-même, qui comprend la distinction naturelle entre homme et femme et le respect absolu de la vie à toutes ses étapes et dans toutes ses dimensions ».
La guerre étant « la négation de tous les droits et une agression dramatique contre l’environnement », le pape a estimé qu’il faudrait assurer l’incontestable état de droit et le recours inlassable à la négociation, aux bons offices et à l’arbitrage, conformément à la Charte des Nations Unies et aux normes internationales.
Le souverain pontife a déploré la tendance à la prolifération des armes, notamment les armes de destruction massive, et proposé d’œuvrer pour un monde sans armes nucléaires. Pour lui, une éthique et un droit fondés sur la menace de destruction mutuelle sont contradictoires et constituent une manipulation de toute la construction des Nations Unies, qui finiraient par être « Nations Unies par la peur et la méfiance ».
Par ailleurs, le pape François a réitéré ses appels concernant la douloureuse situation de tout le Moyen-Orient, du Nord de l’Afrique, et d’autres pays africains, où les chrétiens, avec d’autres groupes culturels et ethniques, y compris avec les membres de la religion majoritaire qui ne veulent pas se laisser gagner par la haine et la folie, ont été forcés à être témoins de la destruction de leurs lieux de culte, de leur patrimoine culturel et religieux, de leurs maisons comme de leurs propriétés. Ils ont été mis devant l’alternative de fuir ou bien de payer de leur propre vie, ou encore par l’esclavage, leur adhésion au bien et à la paix, s’est-il lamenté.
Le pape a appelé ceux qui sont en charge de la conduite des affaires internationales « à un examen de conscience ». Il a rappelé que dans les cas de persécution religieuse ou culturelle, mais aussi dans chaque situation de conflit, comme en Ukraine, en Syrie, en Iraq, au Soudan du Sud et dans la région des Grands Lacs, avant les intérêts partisans, aussi légitimes soient-ils, il y a des visages concrets.
Le Saint-Père a également mentionné le phénomène du trafic des stupéfiants, qui tout en étant condamné, reste faiblement combattu et qui provoque la mort de millions de personnes.
Enfin, le pape François a souhaité que « la maison commune de tous les hommes » continue de s’élever sur une juste compréhension de la fraternité universelle et sur le respect de la sacralité de chaque vie humaine, de chaque homme et de chaque femme, des pauvres, des personnes âgées, des enfants, des malades, des enfants à naître, des chômeurs, des abandonnés, « de ceux qui sont jugés bons à exclure, parce que l’on ne les perçoit plus que comme des chiffres de l’un ou l’autre sacrifice ». La maison commune de tous les hommes, a-t-il plaidé, doit aussi s’édifier sur la compréhension d’une certaine sacralité de la nature créée.
La construction juridique internationale de l’ONU peut être le gage d’un avenir sûr et heureux pour les futures générations, « si les représentants des États savent laisser de côté des intérêts sectoriels et idéologiques, et chercher sincèrement le service du bien commun », a conclu le pape François.
Source : ONU
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