En 2008, pour le 11ème Forum à Cape Town, Genre en Action a lancé une mobilisation en partenariat avec l’AWID, qui a eu pour effet d’augmenter les participations francophones. L’exercice a été reconduit en 2012 pour le 12ème Forum à Istanbul, avec notamment l’organisation d’un Village Francophone. Pour le 13ème Forum au Brésil en 2016, nous sommes bien décidées à poursuivre ce travail. Mais qu’avons-nous appris depuis le Cap ?
La place des francophones est au Forum de l’AWID !
L’AWID est née en 1983. La première fois que j’en ai entendu parler, c’était en 2002. Deux amies activistes rentraient du neuvième Forum de l’AWID au Mexique, satisfaites de l’expérience mais dépitées par l’absence des francophones… « On était deux ou trois », commentaient-elles.
Je suis allée au dixième Forum à Bangkok en 2005, invitée par Bridge (Université de Sussex/Brighton, GB) en tant que membre de son comité de pilotage international.
J’avais en tête d’y faire des rencontres pour développer le réseau Genre en Action, nouvellement créé fin 2003. Déception : à peine 40 francophones présentes (80 inscriptions francophones sur 2000 au total). Sur la centaine de sessions proposées sur quatre jours, seulement huit avec des intervenantes francophones et seulement trois séances proposées par des francophones (Sénégal, Rwanda et RDC). Pas de francophone en plénière.
C’était mieux qu’au Mexique, mais loin du compte. Il fallait agir ! En 2008, pour le 11ème Forum à Cape Town, Genre en Action a lancé une mobilisation en partenariat avec l’AWID, qui a eu pour effet de doubler les participations francophones : plus de 100 ! Avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de la Coopération Suisse, Genre en Action a financé 50 francophones, a assuré une large couverture média en français, une session et deux caucus. L’exercice a été reconduit en 2012 pour le 12ème Forum à Istanbul, avec notamment l’organisation d’un Village Francophone. Pour le 13èmeForum au Brésil en 2016, nous sommes bien décidées à poursuivre ce travail. Mais qu’avons-nous appris depuis le Cap ?
Sortir de l’entre-soi
D’abord, que les associations féminines et féministes francophones sont friandes d’échanges internationaux et souhaitent sortir de l’entre-soi francophone. Les appels à mobilisation ont eu beaucoup de succès, et les demandes ont largement dépassé nos moyens.
Ensuite, que les frontières linguistiques sont réelles : l’anglais domine et les francophones sont en marge du réseautage international des idées et des organisations. Le Village Francophone a tenté l’ouverture, mais l’usage du français est encore plus difficile pour les non-francophones que le contraire ! Aussi, à Cape Town et Istanbul, nous avons constaté que les débats féministes qui animent – voire divisent – les mouvements féministes « ailleurs » sont marginaux, voire tabous en francophonie, en Afrique surtout : contraception, avortement, sexualités plurielles (LGBT*IQ, travail du sexe/prostitution), masculinité, intersectionnalité. Résultat : les réflexions et préoccupations des francophones donnent parfois l’impression d’avoir quelques années de retard. De fait, au Cap et à Istanbul, peu de sessions francophones ont été retenues (selon les évaluatrices des propositions, elles ne sont pas assez innovantesen) et (toujours) aucune francophone dans les plénières !
Enfin, il nous semble que les francophones sont plus intéressées par les thématiques anglophones … que le contraire (exception faites des « femmes dans les Printemps Arabes »). Au final, « le reste du monde » n’est pas au fait des préoccupations, défis et stratégies des féministes francophones, africaines notamment. Autant de défis à relever pour Genre en Action!
Mettre en lumière nos enjeux spécifiques
Les contextes d’Afrique francophone (du nord et subsaharienne) sont très différents des contextes asiatiques ou latino-américains, voire d’Afrique de l’Est. Il n’y a pas de pays BRICS (« économies émergentes » comme le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) en Afrique de l’Ouest, les enjeux ruraux sont au centre des préoccupations, notamment l’accès des femmes aux infrastructures de base. Des enjeux cruciaux pour les féministes francophones (comme les mutilations sexuelles féminines, les viols comme arme de guerre, la combinatoire religion/tradition, les conflits fonciers entre nomades et agriculteurs, le poids de la Françafrique dans l’économie) sont mal connus « ailleurs ».
Le forum de l’AWID peut aider à leur mise en lumière, moyennant que les associations trouvent l’espace pour en parler, et que « les autres » viennent écouter. Or, la sélection au Forum de l’AWID est très compétitive. Les « branches » francophones d’organisations internationales sont plus représentées que les associations purement locales/nationales. Informations, moyens, connexions ? Comment éviter l’effet « toujours les mêmes », assurer l’essentiel renouvellement des idées et des générations ?
On peut croire que le genre dans les pays francophones a été amadoué, que c’est devenu un outil de travail des « grosses » ONG, des institutions, voire des Etats, plus que de contestations féministes. On peut penser que les revendications féministes militantes, notamment si elles s’opposent aux Etats, ont été anesthésiées par les processus onusiens et les « bailleurs » et la connivence imposée entre la société civile et les gouvernements. Sous cette façade, je suis persuadée qu’il y a des forces francophones féministes vibrantes, jeunes, libres. Elles ont toutes leurs places au Forum de l’AWID, dans le village mondial des féminismes !
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A propos de l'auteure
Co-fondatrice, Présidente du réseau francophone Genre en Action de 2009 à 2014 et féministe multi-casquette, Claudy revendique la convergence d’une action militante et professionnelle sur le thème de l’égalité de genre (et pas seulement sur les droits des femmes ou l’égalité entre les femmes et les hommes)
Elle s’emploie à travailler de manière transversale, multidisciplinaire et à différents niveaux.
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