Par Amandine Gournay, étudiante à la maîtrise en gestion de l’environnement et politique appliquée à l’Université de Sherbrooke
À l’ère des préoccupations environnementales grandissantes, les citoyens, les experts et les gouvernements sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur la nécessité d’un virage économique à 180 degrés. Le 6 octobre 2018 aura lieu le tout premier festival portant sur la décroissance, un évènement qui promet de multiples ateliers et conférences visant la sensibilisation environnementale des citoyens. Celui-ci se tiendra sur le site du Campus MIL de l’Université de Montréal et réunira une vingtaine d’experts dans le domaine. C’est le philosophe québécois Louis Marion qui a soufflé les voiles de cet évènement, de même que le collectif Décroissance conviviale. [1]
La décroissance est un mouvement qui gagne en popularité à travers le Québec et qui prône la transition économique du système capitaliste que l’on connaît vers un système économique davantage respectueux de l’environnement. Bien qu’il s’agisse d’un sujet ayant pris de l’ampleur à la fin des années 2000, rappelons que l’ouvrage qui en est le précurseur est le rapport intitulé Halte à la croissance ? publié en 1972.
On peut généralement dégager deux grands discours en réponse à la crise écologique. Le premier invoque le développement durable et ne remet pas en cause le système capitaliste. De plus en plus d’auteurs expriment du scepticisme face au concept de développement durable et à son réel apport bénéfique à la crise environnementale actuelle. Notamment, Yves-Marie Abraham, professeur à HEC Montréal, stipule que le développement durable consisterait à « polluer moins pour pouvoir polluer plus longtemps ». [2]
Le deuxième discours implique quant à lui un véritable changement de paradigme, en redessinant « en profondeur le cadre de vie pour trouver des réponses durables non seulement a%u0300 la crise environnementale, mais aussi aux crises socio-économiques de plus en plus perceptibles. » [3] Pour les partisans de la décroissance, il s’agit de revoir nos modes de production et de consommation, que ce soit en produisant des biens plus durables et réparables, en relocalisant l’approvisionnement en nourriture ou encore en adoptant un mode de vie orienté vers le désencombrement matériel.
En outre, on associe souvent le concept de simplicité volontaire à celui de la décroissance. Les adeptes de la décroissance sont donc souvent des individus prêts à adopter des changements radicaux dans leurs modes de vie, notamment la diminution de leur consommation de biens et de ressources. [4]
Les idées reliées à la décroissance et à la simplicité volontaire résonnent particulièrement au sein de la communauté étudiante. En effet, c’est un discours qui se veut ouvert au débat et qui s’exprime de plus en plus dans les milieux universitaires, notamment au sein du corps professoral. On pense entre autres à Éric Pineault, économiste et professeur à l’UQAM, qui déplore le fait que le développement durable véhicule la fausse croyance qu’une croissance infinie sur une planète aux ressources limitées est possible. [5]
Considérant que le 21e siècle est marqué par des débats de plus en plus mouvementés entourant la nécessité d’une transition écologique – on pense notamment à la popularisation de cette thématique au sein des médias, aux préoccupations environnementales qui sont au cœur de la campagne électorale québécoise et à la démission de Nicolas Hulot de son poste de ministre de la Transition écologique – ce festival, prévu en octobre, tombe à point. En effet, plusieurs conférences, ateliers et kiosques sont au programme afin de fournir des avenues théoriques et pratiques aux citoyens et qu’ils puissent ainsi déconstruire les mythes tenaces de la croissance. Le dévoilement de la programmation détaillée devrait se faire sous peu. Néanmoins, les grands thèmes qui seront abordés lors de cette journée sont déjà connus : transition énergétique, zéro déchet, alimentation et mobilisation citoyenne notamment.
En somme, la décroissance se propose en tant que réponse interdisciplinaire à la crise environnementale à laquelle nous faisons aujourd’hui face, puisque les discours entourant la décroissance contribuent à créer des liens et à faire converger différentes disciplines, notamment politiques, sociales et économiques. La nécessité d’un tel espace de dialogue se fait de plus en plus sentir. En remettant en cause la capacité du développement durable à adresser cette crise, la décroissance consiste en un nouveau paradigme.
Crédit photo : UdeM Nouvelles
ABRAHAM, Yves-Marie, LEVY, Andrea et MARION, Louis. Comment faire croître la décroissance?, [En ligne], 25 août 2015, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/448340/des-idees-en-revues-comment-faire-croitre-la-decroissance (Page consultée le 13 septembre 2018).
BOURG, Dominique et FRAGNIÈRE, Augustin. La pensée écologique – Une anthologie, Paris, Presses Universitaires de France, 2014, 875 p.
DURAND-FOLCO, Jonathan. « Décroissance, écosocialisme et articulation stratégique », La décroissance, pour la suite du monde, numéro 14, automne 2015.
LIEGEY, Vincent. En 2018 auront lieu trois grandes rencontres internationales de la décroissance, [En ligne], 13 janvier 2018, https://reporterre.net/En-2018-auront-lieu-trois-grandes-rencontres-internationales-de-la-decroissance (Page consultée le 13 septembre 2018).
[1] GAIA presse. Un premier festival sur la décroissance à Montréal, [En ligne], 13 septembre 2018, http://www.gaiapresse.ca/2018/09/premier-festival-decroissance-a-montreal/ (Page consultée le 13 septembre 2018).
[2] [5] BARIL, Hélène. Un modèle qui arrive à ses limites, [En ligne], 30 janvier 2015, http://plus.lapresse.ca/ screens/b129c506-9f25-4f6f-8cd7-f38b1974e683__7C__sp3_Z60-No5J.html (Page consultée le 14 septembre 2018).
[3] TIRARD-COLLET, Odile. La décroissance : une solution aux problèmes environnementaux inhérents à la société de consommation?, thèse (M. A.), Université de Sherbrooke, 2013, 78 p.
[4] HAMILTON, Clive. Affluenza : When Too Much is Never Enough, Australie, Allen & Unwin, 2005, 224 p.
L'initiative jeunesse de lutte contre les changements climatiques a pour objectif de sensibiliser les jeunes francophones aux changements climatiques. Elle permet également de faire connaître les actions et l’engagement de la jeunesse francophone pour lutter contre les changements climatiques sous la forme d’une série d’articles.
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