Le ministre camerounais des Forêts et de la Faune (Minfof), Jules Doret Ndongo, a présidé un atelier national de socialisation et d’appropriation de l’Initiative COMIFAC-WWF pour l’augmentation des flux internationaux de financements climatiques et de la biodiversité en faveur des forêts du Bassin du Congo, le 12 septembre 2024 à Yaoundé. L’atelier a été organisé par le Minfof avec l’appui du secrétariat exécutif de la Commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC) et du Fonds mondial pour la nature (WWF). La réflexion multi-acteurs avait pour objectif de susciter les engagements politiques et de consolider la synergie autour de la COMIFAC pour améliorer les capacités de négociations de la sous-région et parvenir à augmenter les flux internationaux de financements climatiques et de la biodiversité en faveur des forêts du Bassin du Congo.
L’atelier se tient dans un contexte où les financements en faveur de la préservation du bassin du Congo (deuxième plus grande forêt tropicale au monde après l’Amazonie, avec 180 millions d’hectares, ndlr) sont loin de combler les besoins. Selon les chiffres officiels, 1,5 milliards de dollars US ont été engagés grâce à la Déclaration conjointe des donateurs du Bassin du Congo, pour la période 2021-2025. Entre 2015-2022, 443 millions de dollars US ont été déboursés en totalité par l’initiative centrafricaine pour les forêts. Tandis que 128 millions de dollars US ont été alloués aux pays du Bassin du Congo par le Fonds de partenariat pour le carbone forestier entre 2012 et 2020. Là où le bât blesse : le bassin du Congo ne bénéficie que de 4% des financements, à en croire le premier rapport de Climate Focus, inspiré des flux de financements des trois bassins des forêts tropicales de l’Amazonie, du Mékong-Bornéo et du Congo. « La structure de ces 4% de financements présente 68% sous forme d’aide publique au développement et 24% de prêts, et est le plus souvent lié à des procédures et des conditions complexes de décaissement », indique Jonas Kemajou Syapze, expert financement climatique au WWF.
Dans son mot de circonstance, le ministre en charge des Forêts, Jules Doret Ndongo, a indiqué qu’il existe une pléthore de mécanismes de financements, avec des procédures complexes. Même si le marché du carbone semble pertinent pour les forêts dégradées et les processus de restauration, il est a contrario inadapté pour les forêts du bassin du Congo dont le taux de dégradation est inférieur à 2%, a-t-il insisté. C’est ainsi que le membre du gouvernement évoque la nécessité de développer de nouvelles approches de financement de leurs forêts qui reconnaissent leurs efforts de conservation, de protection et de gestion durable des écosystèmes forestiers, sans pour autant sacrifier leur développement socio-économique. D’où l’intérêt de l’Initiative COMIFAC- WWF, lancée par le ministre Jules Doret Ndongo (à l’époque président en exercice de la COMIFAC) en marge de la 27e Conférence des Parties (COP-27) de Sharm-El-Cheikh en Egypte en 2022.
Plaidoyer pour une transition vers la justice climatique
La vulgarisation de l’Initiative COMIFAC-WWF permettra de définir des options visant à augmenter les flux de financements des forêts, afin de soutenir la transition pour le développement de l’économie verte, tout en évitant la dégradation des forêts et en maintenant des écosystèmes forestiers intacts qui contribuent à la stabilisation du climat. « Elle vise à rendre les forêts à haute intégrité du Bassin du Congo économiquement plus rentable que les usages non durables des terres forestières. Elle voudrait créer des convergences et des engagements mutuels permettant de mobiliser des financements pour faire face à la nécessité conservation et de gestion durable, mais aussi pour dégager des masses financières importantes afin d’investir pour le développement socio-économique, assurant ainsi la transition du Cameroun pour une économie verte et au bénéfice des communautés locales et des peuples autochtones », souligne le directeur national WWF-Cameroun, Alain Bernard Ononino.
Les participants sont par ailleurs d’avis qu’il faut changer de paradigme et de narratif, pour impulser des actions. Dans cette dynamique, Jonas Kemajou Syapze est d’avis qu’il faut engager des mesures allant dans le sens de faire face aux risques de conversion des terres forestières pour d’autres usages non durables. Pour faire ce pas vers la justice climatique, il faudrait aller vers des approches concertées entre les pays du bassin du Congo. « Nous avons des ressources. Nous devons fonder notre développement sur la capitalisation et la valorisation de nos ressources en contrepartie de nos efforts », fait observer Kemajou Syapze. « Ces étapes portent sur la dynamique globale d’amélioration des connaissances des facteurs économiques inhérents aux forêts, de faisabilité, d’échanges et de négociations permettant d’aboutir à des accords internationaux équitables visant à augmenter les flux de financements des forêts du Bassin du Congo », déclare le directeur national WWF-Cameroun, M. Ononino.
Sur un tout autre registre, le directeur exécutif de l'Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA), Augustine Njamshi, que la société civile du Bassin du Congo puisse soutenir cette initiative pour changer de paradigme et que les Etats investissent davantage sur des projets autres que ceux portant sur l’adaptation qui captent cinq fois plus de financements que ceux affectés à la santé. Le directeur général de l’Observatoire national des changements climatiques (Onacc), Pr. Joseph Armathée Amougou, va plus loin en indiquant que « la question de l’adaptation au changement climatique est fondamentale et va avoir une valeur n fois plus importante que le crédit carbone ».