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Quelle Politique de sécurité agro-alimentaire pour Haïti ?



  • Quelle Politique de sécurité agro-alimentaire pour Haïti ?

    vendredi 6 janvier 2006

    Par Pascal Pecos Lundy*

    Soumis à AlterPresse le 5 janvier 2006

    « Un pays qui fut fier de sa quasi autosuffisance en riz est devenu dépendant des importations alimentaires. Malheureusement, Haïti ne sera pas en mesure de soutenir cette situation à long terme car il ne sera pas en mesure de réunir les quantités de devises nécessaires pour en couvrir les coûts » (Ray et al., 2003 ). [1]

    Evolution de la situation agro-alimentaire

    Le pays souffre d’une insécurité alimentaire chronique. Celle-ci s’est considérablement aggravée au cours de ces vingt dernières années. La production agricole nationale n’arrive plus à suivre le rythme d’accroissement de la population : par tête d’habitant cette production a significativement reculé depuis les années 70. L’indice de production agricole net per capita calculé par la FAO montre après une période de relative stabilité, une détérioration de la situation à partir de 2001.

    Il en est de même pour celui des céréales : 124,7 en 1997 ; 84, 2 et 87,9 respectivement en 2001 et 2004. Encouragé par la libéralisation sauvage des marchés agricoles et pris au piège d’une urbanisation anarchique, le pays s’est donc tourné de plus en plus vers l’extérieur pour assurer la couverture de ses besoins alimentaires incompressibles, avec toutes les conséquences que l’on connaît.

    Ce virage l’a entraîné vers des systèmes de dépendance croissante à l’égard des grands pays exportateurs. Aujourd’hui Haïti fait partie des importateurs nets de produits alimentaires et se retrouve parmi les cinq premiers pays-clients pour le riz américain.

    Dépendance prononcée

    Dépendance ! Dépendance ! Dépendance !

    Ainsi se caractérise la situation agro-alimentaire du pays. Depuis 2001, le pays ne s’autosuffit qu’à moins de 50% de ses besoins, selon les données disponibles sur le site de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (www.cnsahaiti.org). Cette autosuffisance a même atteint les 42% en 2002.

    La production céréalière couvre de moins en moins les besoins nécessitant un recours aux achats et à l’aide. Le cas de la riziculture est assez éloquent, quelques années après les réformes conduites par le gouvernement de René Preval dans la Vallée de l’Artibonite.

    La production tourne autour de 80 000 TM (pour un rendement à l’usinage situé entre 0.75 et 0.80), production dépassant à peine celle de 1995 (voir graphique). Parallèlement, les importations totales de riz (y compris les brisures) ont explosé atteignant en 2003 le niveau record de 359 000 TM. La facture s’est élevée à 105 millions de dollars US, soit 48% de plus comparé à 1995. Les difficultés de la filière rizicole se traduisent par une production nettement insuffisante et par des importations en hausse continuelle.

    * Agro-économiste de formation. Diplomé en Etudes du développement.
    Contact : pascallundy@hotmail.com
    Juin 2005 (revu en janvier 2006)

    [1] Ray Daryl E., D. Ugarte, K. Tiller, Repenser la politique agricole des Etats-Unis : Changer d’orientation pour assurer des revenus aux agriculteurs du monde entier, Agricultural Analysis Policy Center, University of Tennessee, 2003
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