« Sustaining Life; How Human Health Depends on Biodiversity » (Assurer la vie ; comment la santé humaine dépend de la biodiversité) (2008) se révèle être un des argumentaires les plus solides et les plus convaincants en faveur de la protection de la biodiversité : notre santé en dépend.
Cette synthèse sur les liens entre santé humaine et biodiversité s’adresse au grand public même si elle peut donner l’impression d’être de facture trop spécialisée pour attirer un aussi large auditoire. Le livre est aussi un traité général sur la biodiversité. En effet, une partie importante du livre n’est pas uniquement dédié au sujet annoncé par son titre.
Les chapitres centraux (4 à 7) sont les plus directement liés au sujet. Au chapitre 4 « médicaments provenant de la nature », on traite notamment du rôle de la médecine traditionnelle dans la découverte de nouveaux médicaments ainsi que des médecines découlant de la biodiversité terrestre, animale, microbienne ou marine. Une section complète de ce chapitre est dédiée aux herbes médicinales dans les pays industrialisés alors qu’une autre traite des insecticides et fongicides naturels. Le chapitre se conclut avec une section dans laquelle les auteurs assurent que l’utilisation massive de la chimie combinatoire pour trouver de nouveaux remèdes a ses limites. En effet, les combinaisons obtenues depuis les dernières décades se calquent principalement sur des structures trouvées dans la nature. Des 1031 médicaments développés à travers le monde entre 1981 et 2002, aucun ne pouvait prétendre être uniquement d’origine synthétique. La découverte de nouvelles substances issues de la nature recèle donc encore d’un énorme potentiel.
Le chapitre 5 porte sur la recherche biomédicale alors que le chapitre 6 est consacré à l'étude de sept catégories d'organismes qui sont menacés alors qu’ils présentent un intérêt pour la médecine. Le chapitre met en évidence ce que représentera l'extinction de ces espèces pour la santé humaine. Dans ce chapitre, les auteurs expliquent que de nombreux traitements pourraient être perdus si nous n’arrivons pas à réduire la perte de la biodiversité. Un exemple intéressant est celui des grenouilles à incubation gastrique. Découvertes en 1980 dans une forêt vierge, celles-ci incubent leurs œufs à même leurs estomacs. La plupart des autres espèces auraient digérées les œufs à cause des acides et enzymes que l’on retrouve normalement dans les systèmes digestifs. Les auteurs suggèrent que la recherche sur les grenouilles à incubation gastrique aurait pu favoriser le traitement de l'ulcère gastroduodénal. Comme les deux espèces de grenouilles de cette famille sont disparues, elles ont emporté avec elles d’importants secrets qui auraient pu aider les 25 millions d’Américains aux prises avec cette maladie.
Enfin, le chapitre 7 porte sur les perturbations écosystémiques et sur la perte de biodiversité ainsi que sur les maladies infectieuses qui en résultent pour l’homme.
Le livre se prépare depuis longtemps. En tout, c’est le résultat du travail de plus de 100 experts et le résultat d’une gestation de plusieurs années initiée à partir d’une publication d’Eric Chivian. À partir de la plaquette d’une cinquantaine de page « Biodiversity : Its Importance to Human Health » (2002), les auteurs ont recueillis des centaines de commentaires et des contributions d’experts. Le livre devait sortir plus tôt mais l’attente aura valu la peine. Le livre s’en trouve solidifié et bonifié. Des études de cas récentes viennent s’ajouter à une liste d’exemples auxquels les experts sont habitués tel celui de la pervenche de Madagascar (principes actifs permettant de produire des médicaments contre la leucémie infantile ou la maladie de Hodgkin). On y fait par exemple état du Tsunami du 26 décembre 2004 qui aurait endommagé un habitat important pour les coquilles univalves dont les potentiels comme sources de nouveaux médicaments sont immenses.
Il n’est pas inutile de rappeler que presque tous les médicaments proviennent des plantes, des animaux ou de micro-organismes. Bien qu’il soit maintenant possible de reproduire les médicaments naturels de manière synthétique, entre 40 et 70 % des médicaments que l’on retrouve dans les pays développés dérivent de substances naturelles. En Afrique, plus de 80% de la population utilise des médicaments traditionnels provenant de plantes indigènes.
Notons l’apport dans cet ouvrage du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique basé à Montréal, en particulier au chapitre 10 qui traite des manières qui s’offrent à l’homme pour conserver la diversité biologique. On y notera la contribution du chef de la division scientifique, technique et technologique du Secrétariat, Kalemani Jo Mulongoy.
Le livre n’est pas disponible en langue française mais le parrainage offert par diverses agences onusiennes pour ce qui est de la production de l’ouvrage devrait fournir espoir au lectorat du monde francophone.
BERNSTEIN, Aaron and CHIVIAN, Eric, (Ed.), (2008), Sustaining Life, How Human Health Depends on Biodiversity, Oxford University Press, New-York, New-York , 2008, 568 pages.
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22/10/24 à 11h20 GMT