par Marie-Ève Cloutier
Jean-François Girard, biologiste et avocat spécialisé en droit de l'environnement et en droit municipal, est catégorique : les municipalités ont tous les pouvoirs pour agir en faveur de la protection des milieux naturels. " Sur cette question, ce n'est pas un enjeu de pouvoir, mais bien de vouloir ", a précisé Me Girard.
Jean-François Girard, avocat spécialisé en droit de l'environnement et président du conseil d'administration du Centre québécois du droit de l'environnement.
L'Action pour un environnement sain (APES), ou anciennement l'Action pour l'environnement Saint-Basile-le-Grand, a pris l'initiative de présenter, le 22 février dernier, une conférence de Me Girard portant sur le Patrimoine naturel et le droit municipal. L'information sur la conférence a été personnellement envoyée aux maires et aux conseillers d'une vingtaine de villes de la Couronne Sud de Montréal.
Moins d'une dizaine de représentants des villes ont assisté à la conférence, sans compter environ une cinquantaine de citoyens. De la Ville de Saint-Bruno, seule Michèle Archambault, unique conseillère dissidente dans le projet de développement de La Futaie, était présente. Caroline Rodrigue, présidente de l'APES, s'était même déplacée afin de relancer l'invitation au maire de Saint-Bruno, Claude Benjamin, lors de la dernière réunion municipale.
La responsabilité des municipalités
Jean-François Girard tient à rappeler que les municipalités ont également tous les pouvoirs pour développer leur territoire. " Pour créer de la richesse foncière, il faut développer. L'objectif d'une ville est toujours d'offrir de meilleurs services à ces citoyens, sans pour autant augmenter les taxes ", explique Me Girard.
Pourquoi donc une municipalité devrait-elle s'engager en faveur de la protection des milieux naturels? " Parce qu'ils participent à la création de milieux de vie de qualité et qu'ils nous rendent aussi des services écologiques ", estime Me Girard.
D'après l'avocat en droit de l'environnement, il faut penser à un mode de développement où nous allons respecter la présence des caractéristiques patrimoniales.
Les outils réglementaires des Villes
Si une municipalité peut créer des millionnaires en changeant le zonage d'un terrain, est-ce qu'elle peut aussi restreindre, voir faire diminuer la valeur foncière? La réponse est oui, selon Me Girard : " Le zonage peut avoir comme effet de confisquer une partie de la valeur économique d'un terrain. La réglementation nous permet de le faire, sans que cela constitue de l'expropriation déguisée. Il n'y a pas de droit acquis au maintien de la réglementation existante. Une municipalité ne peut pas être tenue responsable si elle a agi de bonne foi. "
Et qu'arrivera-t-il si une municipalité change les règles du jeu? " Il est clair qu'elle peut être poursuivie. Si elle perd devant les tribunaux, la municipalité devra payer des frais d'avocat. Le promoteur construira quand même. Mais, si elle gagne, elle aura sauvegardé des terrains qui valaient des millions pour la modique somme des frais d'avocat. De plus, le corpus jurisprudentiel est en la faveur des municipalités. "
L'intérêt collectif des générations futures
Évidemment, si une municipalité vient restreindre les usages d'un terrain par les mesures réglementaires appropriées, la valeur foncière va diminuer et les taxes devront être ajustées en conséquence. Jean-François Girard soutient qu'il s'agit du coût collectif que l'on doit supporter pour conserver nos milieux naturels.
Selon lui, c'est pure utopie de penser que les municipalités du Québec ou le gouvernement puissent un jour faire l'acquisition de tous les milieux naturels dignes d'intérêt. " Nous ne serons jamais assez riches collectivement pour acheter tous ces milieux. Il faut travailler avec les outils réglementaires. "
Cependant, il faut choisir ses batailles. " Ce n'est pas lorsqu'un promoteur, propriétaire d'un terrain en zone blanche, détenant son permis de construction et son certificat d'autorisation du MDDEP, qu'il faut aller manifester devant les bulldozers. Il faut être proactif et penser à l'intérêt collectif des générations futures ", conclut Me Girard.
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22/10/24 à 11h20 GMT