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Région Pacifique : prise en compte du genre dans les politiques de changement climatique



  • Par Rochelle Jones, Awid

     

    La région du Pacifique est l'une des zones les plus vulnérables aux effets négatifs du changement climatique qui ont déjà frappé certains secteurs tels que l'agriculture, les ressources hydriques, la foresterie et le tourisme. Quels sont les mécanismes mis en place pour garantir l'implication des femmes dans les processus d'adaptation aux changements climatiques? 

    L'AWID s'est entretenue avec Dr. Netatua Pelesikoti et Peniamina Leavai* du Secrétariat du Programme Régional pour l'Environnement dans le Pacifique (SPREP) sur les nouvelles mesures qui seront adoptées pour que la notion de genre soit prise en compte dans les initiatives relatives aux changements climatiques.

    Effets du changement climatique sur les pays et territoires insulaires du Pacifique

    Selon le Cadre d'action sur le changement climatique pour les îles du Pacifique 2006-2015, les répercussions du changement climatique posent des risques majeurs pour le développement durable des pays et territoires insulaires du Pacifique et les effets à long terme de ce phénomène peuvent aller jusqu'à menacer l'existence même de certains d'entre eux... La vulnérabilité des pays et territoires insulaires du Pacifique est d'abord le résultat de la très grande sensibilité des systèmes naturels, économiques et sociaux du Pacifique aux impacts prévus du changement climatique et de leur capacité d'adaptation généralement très limitée.

    Le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)  a été créé en 1988 par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation météorologique mondiale (OMM)  est " le  principal organisme international chargé de l'évaluation des changements climatiques ". Il dresse, d'un point de vue scientifique, un état des lieux des connaissances relatives aux changements climatiques et de leurs impacts potentiels sur l'environnement et la situation socio-économique, sur la base de la révision et de l'analyse des toutes dernières informations produites à l'échelle mondiale. Son dernier rapport,  le rapport d'évaluation IPCC44, dont un résumé a été présenté par le Fonds international de développement agricole (FIDA) met en lumière plusieurs effets attendus sur les pays et territoires insulaires du Pacifique, notamment :

    Agriculture: Le réchauffement des océans, les fréquents cyclones tropicaux, les inondations et les sécheresses soudaines vont probablement avoir des effets dramatiques sur les systèmes de production de denrées alimentaires dans les îles du Pacifique. Ceux-ci constituent un secteur d'une importance vitale, car la majorité de la population rurale vit et dépend encore de l'agriculture de subsistance et des cultures commerciales. Selon certaines études scientifiques, faute d'appliquer des mesures d'adaptation, une île élevée telle que Fidji pourrait subir des dommages représentant un coût de 23 à 52 millions de dollars par an d'ici 2050.

    Systèmes côtiers: la hausse attendue du niveau des mers devrait provoquer une aggravation de l'érosion et la perte de terrains côtiers. Dans le cas, par exemple,  de l'atoll de Majuro, on prévoit que toute élévation d'un mètre du niveau de la mer rendrait vulnérables 80% et 12,5% de l'ensemble des terres, respectivement des îles Marshall et Kiribati. Pour les états insulaires et les atolls peu élevés, une telle élévation aurait pour effet direct d'accroître les inondations et le degré de salinisation. On estime que quelque 77 018 km de littoral subiront les conséquences de l'élévation du niveau de la mer sur les communautés côtières des îles du Pacifique.

    Eau: Les ressources hydriques sont extrêmement vulnérables aux changements et variations climatiques en raison de leurs contraintes en termes d'ampleur et de disponibilité, ainsi que de facteurs géologiques et topographiques, en particulier pour ce qui est de la pluviosité.  Selon les projections, une hausse de 2 à 4º de la température pourrait entraîner des pertes économiques pour un montant de 1 milliard de dollars des États-Unis en dommages causés aux ressources hydriques. Les tensions hydriques résultant du changement climatique auront des effets désastreux sur la population rurale pauvre qui dépend des ressources en eau pour assurer ses moyens de subsistance.

    Stratégies d'adaptation et rôle des femmes

    L'AWID a demandé à Netatua Pelesikoti et Peniamina Leavai* du Secrétariat du Programme Régional pour l'Environnement dans le Pacifique (SPREP) leur opinion à propos du changement climatique dans le Pacifique et de la place des femmes dans ce processus. Netatua Pelesikoti a contribué activement à l'élaboration du chapitre 29 relatif aux petits états insulaires du cinquième rapport d'évaluation de l'IPCC dont la parution est prévue pour 2014. Pelesikoti a signalé que, conformément à la planification stratégique élaborée en consultation avec les représentants des pays et territoires insulaires du Pacifique et leurs partenaires tels que le PNUD et AusAid, le SPREP " doit envisager des mesures à deux niveaux, régional et national... l'éventail de stratégies est vaste : l'élaboration de politiques relatives aux changements climatiques ou de politiques intégrées portant sur les changements climatiques et la gestion des risques de catastrophe, y compris des plans d'action dotés de priorités bien définies, le renforcement des capacités sur la prise en compte du changement climatique dans la planification du développement et le processus budgétaire, et, sur le terrain, la mise en oeuvre de programmes côtiers intégrés, de programmes de gestion de l'eau, des programmes de sécurité alimentaire, etc. Les stratégies et les mesures adoptées sont basées sur les priorités nationales. " À la question de savoir si les femmes sont impliquées dans la prise de décision et si les voix des femmes sont entendues dans ces processus, Pelesikoti souligne que " la situation varie selon les pays et les territoires insulaires du Pacifique - au vu de mon expérience, les femmes sont effectivement impliquées et, dans certains cas, les décideurs du niveau gouvernemental au niveau communautaire sont des femmes. "

    Certaines de ces stratégies sont regroupées dans le cadre du Projet de la région du Pacifique sur l'adaptation au changement climatique (PACC), mené par le SPREP, qui concerne quatorze pays et contribue au renforcement de la résilience aux changements climatiques dans les communautés du Pacifique. Peniamina Leavai, fonctionnaire responsable des questions de genre du PACC signale: " D'une manière générale, les femmes sont représentées à différents niveaux. Ces groupes évoluent traditionnellement depuis des années et sont utilisés comme points d'entrée pour les [consultations] sur les questions de genre dans le Pacifique. Il existe des comités de femmes à l'échelon de base dans chaque village. Ces comités se mobilisent pour répondre aux consultations publiques, quel qu'en soit le sujet¾gouvernement, ONG, organisations de la société civile¾et les femmes du village veillent à être représentées [et] à faire entendre leurs opinions. C'est ainsi que leurs avis ont été pris en compte dans les consultations menées dans le cadre de projets tels que le projet CBDAMPIC  à Samoa, aux îles Cook  et à Vanuatu (2002-2005), les consultations sur le NAPA Samoa  2003-2006, sur le développement NCCP à Fidji (2012), et Tuvalu (2011-2012), les plans communs d'action nationale à Tonga (2009), aux îles Marshall  (2012-2013), Niue (2012-2103) et  Tuvalu (2011-2012). [D'autres] consultations d'évaluation socio-économique se déroulent à Samoa, Tuvalu, Nauru, Niue, dans le cadre du projet PACC. Ici aussi, ces consultations se déroulent le contexte traditionnel du village, par le biais du groupe traditionnel des femmes. "

    Bien que reconnaissant le rôle actif des femmes et leur présence dans les consultations sur le changement climatique, Leavai regrette que leur participation et leur contribution ne soient pas toujours documentées, ce qui constitue un obstacle à la production de données ventilées par sexe. C'est pourquoi, a-t-il affirmé, " il est difficile de définir quelle est l'incidence du changement climatique sur les femmes dans le Pacifique et de tirer les conclusions pertinentes. La recherche n'en est qu'à ses débuts et la première chose à faire est de réunir des données ventilées par sexe. L'information empirique dont nous disposons est insuffisante pour préciser l'effet de changements climatiques sur les femmes. " %u2028Le PACC a précisément pour objet de renverser cette tendance. Avec l'aide de l'Agence australienne pour le développement international (AusAID),  Leavai ajoute que "le projet PACC, dont la mise en oeuvre est actuellement à mi-parcours, poursuit explicitement l'objectif d'inclure la notion de genre au niveau de la conception du projet.  À ce titre, le projet PACC passe actuellement en revue ses activités afin d'inclure la collecte de cette information [et] de définir  dans ses évaluations et ses consultations des bases de référence qui lui permettent d'extraire des données à analyser. Le projet PACC sera donc prochainement en mesure de faire connaître l'information relative au genre et aux changements climatiques et peut-être de prendre l'initiative pour garantir la sensibilisation et la prise en compte des questions de genre dans les projets actuels et futurs sur les changements climatiques. "

    La recherche sur le genre, le changement climatique et les risques qu'il pose dans la région du Pacifique n'est pas un phénomène nouveau; des études ont été menées par le PNUD et AusAID, notamment le dernier rapport du PNUD " L'intégration du genre dans la gestion des catastrophes dans les petits états insulaires : Guide ". Ce guide a été élaboré pour répondre aux besoins détectés durant les ateliers de formation tenus dans la région du Pacifique et des Caraïbes et est destiné aux praticiens de la gestion des risques de catastrophe afin de leur présenter des concepts associés au genre et de leur expliquer comment les rôles et les responsabilités correspondant aux hommes et aux femmes se traduisent par une exposition différente aux catastrophes. Ceci est particulier important dans le cadre des stratégies d'adaptation et d'atténuation des changements climatiques étant donné la profonde vulnérabilité des pays et des territoires insulaires du Pacifique face aux catastrophes résultant de ces changements. Le rapport 2008 d'AusAID et du PNUD intitulé " Les notions de genre dans la gestion des risques de catastrophe et l'adaptation aux changements climatiques - Histoires du Pacifique " est aussi un document extrêmement utile qui met en évidence les rôles différenciés par genre dans le Pacifique, les points d'entrée pour parvenir à l'intégration de la notion de genre et les méthodes de travail pour effectuer des évaluations des risques en fonction du genre.

    L'effort du PACC pour réunir des données ventilées par sexe durant les consultations menées et pour les intégrer aux stratégies d'adaptation aux changements climatiques constitue un pas en avant pour garantir la visibilité des expériences uniques et des femmes dans chacun des pays et territoires insulaires du Pacifique. Il peut aussi contribuer à faire entendre les voix des femmes du Pacifique dans le cinquième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui est le principal  rapport de référence en matière de changements climatiques pour la communauté internationale ainsi que pour les négociations menées par les Nations Unies dans le domaine du climat, ainsi que celles qui se déroulent conformément à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Par ailleurs, ONU Femmes recrute actuellement un/une  Spécialiste des programmes en matière de genre, de changement climatique et de réduction des risques de catastrophe pour le bureau central pour le Pacifique d'ONU Femmes à Suva, Fidji. Le/la titulaire devra faire preuve d'un engagement actif auprès des dirigeantes locales et régionales et des organismes des Nations Unies pour veiller à la prise en compte des questions de genre dans toutes les initiatives associées aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe dans la région de l'Asie-Pacifique.

    *Dr Netatua Pelesikoti de Tonga est directrice de la Division du changement climatique du Secrétariat du Programme Régional pour l'Environnement dans le Pacifique (SPREP).

    Peniamina Leavaiis est le fonctionnaire du SPREP chargé des questions de genre pour le Projet d'adaptation du Pacifique au changement climatique (PACC). 

     

     

     

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