Par Mama Koite Doumbia, Présidente
de Femnet-Mali, membre de Genre en Action
Le Sahel est la zone comprise entre les domaines saharien et
soudanien, où se produit une alternance marquée entre une courte saison
pluviométrique et une longue saison
sèche.
La zone est vulnérable aux changements climatiques par sa position
géographique, par le nombre réduit de terres cultivables (14%) et par le
niveau de son développement économique. 73,2% de sa population vit en milieu
rural dans des conditions de pauvreté extrême (avec moins de 1 dollar par
jour).
La gestion durable des terres est une préoccupation majeure des
populations sahéliennes dont l'économie
repose essentiellement sur le secteur primaire notamment l'agriculture et
l'élevage. L'impact du changement climatique s'est fait lourdement sentir ces
40 dernières années avec l'accroissement du taux de désertification et les
inondations.
Les changements climatiques dépassent le cadre simple de rendement énergétique
ou d'émission de gaz à effet de serre. Ils soulèvent les problèmes de
démographie, de pauvreté, de l'égalité du genre dans la gestion des questions
environnementales surtout dans les pays en voie de développement et plus
particulièrement dans le Sahel.
Les conséquences des crises multiples, le changement climatique en
particulier, rendent plus évidents le
besoin de nouveaux paradigmes.
Genre
et changement climatique
Le changement climatique est un problème de
développement humain car il menace les libertés humaines et dans la préservation
de la paix sociale dans les zones
rurales.
Dans les pays en développement les femmes assurent les besoins
alimentaires quotidiens, les soins
de santé et l'éducation des
familles, ceci malgré leur faible statut social et économique basé sur
les discriminations (contraintes liées au poids de la tradition, des croyances
traditionnelles et des religions défavorables à la pleine émancipation
des femmes).
Quand bien même la plupart des
pays Africains ont adhéré et/ou ratifié
différents instruments
juridique en matière des
droits humains et ceux spécifiques
des femmes :CEDEF ,Plateforme d'Action de Beijing , Protocole de Maputo relatifs aux droits
des femmes en Afrique , Déclaration
solennelle sur l'Egalite entre les sexes
de l'Union Africaine ,les Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD), de l'Éducation pour Tous (EPT) et du programme des Nations Unies pour le
développement humain, social, économique, culturel et environnemental durables,
mais les femmes souffrent toujours
de discriminations et ont un accès limité aux ressources et aux terres .
Les femmes et les filles portent le
fardeau de la corvée d'eau pour leurs familles. Elles ont moins de temps pour
s'occuper de leurs responsabilités domestiques, gagner de
l'argent, faire de la politique ou
d'autres activités publiques, apprendre à lire ou acquérir d'autres
compétences, ou simplement se reposer. Ce sont donc les femmes et les filles
qui supportent l'essentiel des conséquences des changements climatiques.
Il a été constaté que la planification en matière de changement
climatique est d'une manière générale déconnectée des planifications relatives
à la réduction des risques liés aux catastrophes, rendant le processus de prise
en compte du genre plus complexe.
Le changement climatique a de graves
conséquences à travers les quatre dimensions de la sécurité alimentaire: la disponibilité de la nourriture, l'accessibilité des aliments,
l'utilisation des aliments, la stabilité du système alimentaire.
La menace conjuguée de la sécheresse, de la hausse des prix des denrées alimentaires, des
déplacements de population et de la pauvreté chronique touchent une grande couche de la population sahélienne
.L'insécurité alimentaire et la malnutrition sont récurrentes dans la région
avec plus de 16 millions de personnes
directement menacées cette année. Les augmentations liées au prix des denrées
alimentaires rendent les aliments plus
inaccessibles aux personnes pauvres, en particulier aux femmes et aux filles
qui ont une santé plus fragile que les hommes en période de pénurie alimentaire.
Par conséquent, il conviendrait que les
intérêts des femmes soient davantage pris en compte dans les politiques de
développement durable et que les négociations internationales sur le climat
traitent également des impacts différenciés du changement climatique sur les
femmes et les hommes et de structurer les stratégies et les outils qui intègrent
les femmes en tant qu'actrices du développement durable.
Depuis
1992, lors du Sommet de Río nous avons plaidé en faveur de l'éducation
environnementale avec une compréhension intense entre l'égalité de genre, la
justice et la durabilité. En Juin 2012 à
Rio 20 , les points d'achoppement sont restés l'accaparement des terres
les plus fertiles pour promouvoir
l'agriculture industrielle intensive et l'exportation massive à l'opposé de
l'agriculture familiale et écologique qu'il faut protéger et développer pour la
mettre au service de la sécurité et de la souveraineté alimentaire, et de
l'environnement.
Les perspectives
Les solutions les plus efficaces aux
changements climatiques seront celles qui proviennent de la base et qui sont
fondées sur les propres connaissances et les besoins des communautés de leur
environnement immédiat. Les initiatives doivent continuer dans les nouvelles
approches plus équitables et plus viables dans les manières de vivre, de
produire et de consommer.
Conclusion
La lutte contre le changement climatique implique l'adoption de modèles
de développement au niveau national et
local. Il est indispensable que les droits et situations des femmes soient
davantage pris en compte dans les politiques de développement durable et que
les négociations internationales et les programmes nationaux sur le climat traitent
également les questions liées au genre et leur financement.