Les femmes sont-elles plus vulnérables que les hommes aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement?
Les liens entre femmes et environnement se font encore discrets, pourtant il ne fait plus de doute que les deux questions sont intimement liées.
Les inégalités basées sur le genre sont bien en cause dans la manière dont femmes et hommes subissent les conséquences et les impacts environnementaux liés aux changements climatiques et à la dégradation de notre milieu.
Il n’est pas sans rappeler que les chercheurs indiquent que les catastrophes naturelles risquent d’augmenter en nombre et en intensité au fil des ans à cause des changements climatiques et la dégradation de notre environnement(1). Or, les femmes y sont plus vulnérables.
Les femmes touchées en première ligne… pourquoi?
Les femmes sont les premières touchées par les impacts de la détérioration environnementale, principalement parce qu’elles font face à une plus grande précarité(2), surtout lorsque l’on sait que 70 % des personnes vivant dans la pauvreté sont des femmes (3)(4). Cette pauvreté les rend plus à risque de souffrir des catastrophes naturelles, possédant moins de moyens pour faire face aux événements climatiques extrêmes. Par conséquent, les femmes vivent plus difficilement ces changements(5). Leur capacité à se nourrir, leur sécurité, leur santé et celle de leurs enfants se voient plus affectées par rapport à celles des hommes(6).
Par ailleurs, beaucoup plus de femmes que d’hommes meurent des suites des catastrophes naturelles. Les décès chez les femmes sont jusqu’à 14 fois plus élevés(7)! En plus de la pauvreté qui est en cause, plus de femmes vivent dans des zones à risque de catastrophes et certains rôles traditionnels et culturels associés aux femmes viennent également contraindre leurs déplacements et leur liberté, les rendant plus vulnérables(8). L’ONU nous rappelait récemment que durant le tsunami de 2004 en Asie, considéré comme l’un des plus dévastateurs, 80 % des victimes en Indonésie étaient des femmes et 73 % en Inde(9).
Les femmes subissent également plus de violence sous toutes ses formes durant les phénomènes climatiques extrêmes. Non seulement dans les pays du Sud, mais chez nous aussi. Des études nous confirment que la violence conjugale subie par les femmes va jusqu’à doubler durant et après les épisodes environnementaux catastrophiques, d’autant plus que les séquelles physiques et psychologiques causées par ces événements sont plus importantes chez les femmes(10). La sécurité des femmes est nettement compromise.
Que dire maintenant de la charge de travail des femmes? Le poids des travaux domestiques non rémunérés est amené à être de plus en plus lourd pour des millions de femmes du monde. Sécheresses, inondations, sans parler de la dévastation environnementale causée par l’humain comme le déboisement et l’extractivisme, les femmes devront aller toujours plus loin pour s’approvisionner en eau et en ressources vitales pour subvenir aux besoins de leur foyer. Sans compter que cette situation contribue à augmenter le nombre de jeunes filles qui doivent abandonner leur éducation afin d’aider leur mère à aller chercher l’eau et le bois(11).
Au niveau mondial, ce sont également les femmes qui s’occupent majoritairement de l’agriculture de subsistance et qui assurent la sécurité alimentaire(12). Ce sont elles qui devront travailler de plus en plus fort et trouver des solutions innovantes afin d’assurer la production agricole malgré les conditions climatiques qui se détériorent, et ainsi, assurer la sécurité alimentaire de leur famille.
Et qu'en est-il de la pollution qui augmente au fur et à mesure que l’on détruit notre environnement? Eh bien, les femmes seraient plus sensibles à la pollution et aux contaminants produits par l’homme que l’on retrouve dans l’environnement, du fait qu’elles emmagasineraient davantage ces toxines dans leurs tissus adipeux. Les polluants toxiques risquent par la suite d’être transmis aux nouveau-nés, leur occasionnant de nombreuses maladies(13).
Somme toute, la dégradation de l’environnement affecte encore plus les femmes pauvres et marginalisées des pays du Sud. Indûment, ce sont elles qui polluent le moins et qui participent le moins au réchauffement global et au déclin de l’environnement, mais ce sont elles qui en subissent les conséquences les plus lourdes(14). Quelle justice environnementale?
Sous-représentation des femmes en environnement
Penchons-nous maintenant sur les liens entre femmes et environnement au niveau des institutions. Vous vous en serez doutés, à l’échelle mondiale, c’est une grande majorité d’hommes qui prennent les décisions publiques en matière d’environnement. Les femmes y sont sous-représentées : seulement 7 % de femmes occupe un poste ministériel en lien avec l’environnement(15). Les inégalités persistantes sont un frein à la participation des femmes aux prises de décisions, bien que l’on sache qu’elles possèdent bon nombre de compétences et connaissances cruciales pour y prendre part.
Au Québec, une étude récente démontre que les questions environnementales et d’égalité des sexes sont traitées en vase clos(16). Il y a peu de compréhension de la problématique de genre dans la lutte aux changements climatiques. Bien que les organisations internationales reconnaissent l’importance d’intégrer une dimension de genre dans la lutte aux changements climatiques, les politiques et mesures législatives adoptées par le Québec n’intègrent pas encore les deux domaines.
On peut dès lors se questionner à savoir si les décisions tiennent compte des réalités spécifiques des femmes et des effets différés qu’ont sur elles les changements climatiques et la dégradation de l’environnement. Préoccupant.
Allons-nous laisser le pouvoir aux mains des hommes de décider du sort de notre environnement, lorsque l’on sait que les femmes y sont affectées différemment? Compte tenu des liens existants entre genre, changements climatiques et dégradation de l’environnement, il est primordial que les femmes soient impliquées paritairement dans les processus décisionnels concernant l’environnement. Les instances décisionnelles actuelles doivent être plus représentatives de la réalité.
Actrices de changement
Les femmes ne sont pas seulement les premières victimes de la dégradation de l’environnement et de ses conséquences; elles sont surtout des actrices importantes de changement en matière d’environnement. Ici comme ailleurs, les femmes s’organisent, se mobilisent, et sont à la source d’actions innovantes pour protéger leur environnement et lutter contre les changements climatiques et ses effets. Elles sont d’ailleurs plus proches de la nature et de la terre de par leur travail et les rôles qu’elles exercent dans leur vie quotidienne.
Que ce soit dans les villages des Andes péruviennes, où les femmes luttent contre l’extractivisme minier détruisant la Terre-Mère, ou dans les communautés les plus pauvres du Mali, où elles se mobilisent pour assainir leur village et lutter contre la sécheresse, les femmes de partout sont la clé des stratégies dans la lutte contre les changements climatiques et pour la préservation de l’environnement. Les exemples ne manquent pas.
Des femmes comme Berta Cáceres au Honduras, Wangari Maathai au Kenya et Vandana Shiva en Inde, porteuses d’initiatives innovantes dans leur communauté, jouent un rôle de premier plan dans la défense et la préservation de l’environnement. Ces femmes sont de grandes mobilisatrices et ne cessent de nous inspirer de par leur détermination, leur courage et la portée de leurs actions. Il est impératif de reconnaître la contribution des femmes à la cause environnementale et leur influence dans l’évolution des comportements plus respectueux de l’environnement.
Responsabilité commune
Eh bien oui, mesdames, nous sommes plus vulnérables aux effets causés par les changements climatiques et la dégradation de l’environnement. Il est temps que cela change. Partout sur la planète, nous continuerons à nous mobiliser, nous, femmes du monde, pour léguer un environnement sain aux générations futures.
Les problèmes environnementaux sont la responsabilité de tous et chacun, hommes et femmes, pauvres et riches. Ils transcendent les nations et ne font pas fi des frontières. Nous avons une responsabilité commune envers cette problématique qui affecte les femmes de façon disproportionnée, et particulièrement les plus pauvres d’entre nous, qui injustement sont celles qui en subissent les torts les plus importants.
Sources
(1)(8)(12) OIT (2013). « Genre et climat ». Organisation internationale de la francophonie. En ligne, https://www.francophonie.org/Genre-et-climat.html
(2)(6)(10) Larouche, C. (2015). « Les femmes, plus vulnérables aux changements climatiques ». Gazette des femmes. En ligne, https://www.gazettedesfemmes.ca/12256/les-femmes-plus-vulnerables-aux-changements-climatiques/
(3)(7) AQOCI (2016). « Femmes et changements climatiques. Fiche synthèse ». En ligne, http://www.aqoci.qc.ca/?Fiche-technique-Femmes-et
(4) Genre en action (2015). « Féminisation de la pauvreté ». En ligne, http://www.genreenaction.net/Feminisation-de-la-pauvrete.html
(5) UNFCCC (2014). « Gender and Climate Change ». United Nations Framework Convention on Climate Change. En ligne, http://unfccc.int/gender_and_climate_change/items/7516.php
(9) UNEP (2017). « Women and the Rising Tide of Environmental Crime ». Programme des Nations unies pour l'environnement. En ligne, http://web.unep.org/stories/story/women-and-rising-tide-environmental-crime
(11) L’Organisation des femmes pour l’environnement et le développement. « Conséquences des changements climatiques sur les femmes ». Revue Migrations Forcées, no.31, p.56-57.En ligne, http://www.fmreview.org/sites/fmr/files/FMRdownloads/fr/pdf/MFR31/32.pdf
(13) PNUE, « Les femmes au secours de l’environnement ». Tunza, vol. 4, no. 4. En ligne, www.unep.org/pdf/tunza/Tunza_4.4_French_v7.pdf
(14) Rochette, A. (2012). « Genre et changements climatiques à l’international ». Relais-femmes. En ligne, http://www.relais-femmes.qc.ca/images/Publications/genre%20et%20ch.%20climatiques/Fiche7-Genre%20et%20changements%20climatiques%20%C3%A0%20l%20international.pdf
(15) CARE International (2014). « Tackling the Double Injustice of Climate Change and Gender Inequality ». En ligne, http://www.careclimatechange.org/files/Double_Injustice.pdf
(16) Rochette, A. (2012). « L’intégration du genre dans la lutte aux changements climatiques au Québec », UQAM. En ligne, http://www.rqfe.org/sites/default/files/u1260/Rapport%20final.Genre-ch.clim_.pdf
Cet article a été réalisé dans le cadre de notre projet « Terre-Mère au féminin pluriel », projet rendu possible grâce à l’appui financier du ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) par l’entremise du Fonds d’éducation et d’engagement du public en solidarité internationale (FEEPSI). Ce Fonds est délégué à l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI).
Par Audrey-Anne Royer, agente d’éducation, Carrefour d’éducation à la solidarité internationale – Québec (CESIQ)
22/10/24 à 11h20 GMT