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Transition écologique et énergétique (TEE) : les industriels français en première ligne



  • La transition écologique ne sera un succès que si les entreprises et les industries françaises s’emparent des grands enjeux d’aujourd’hui. Ce sont elles qui ont les cartes en main pour atteindre l’objectif de décarbonation de l’économie française d’ici 2050.

    Il y a urgence. Aux quatre coins de la planète, les indicateurs virent au rouge en ce qui concerne les impacts du réchauffement climatique. L’horizon 2050 – année où la France devrait atteindre le « zéro » émission de gaz à effet de serre – semble de plus en plus compromis si des actions significatives ne sont pas rapidement initiées. Revers de la médaille, la revue Nature vient par ailleurs de révéler un nouveau chiffre : la croissance mondiale devrait baisser de 19%[1] d’ici le cap fatidique de 2050, à cause du réchauffement climatique. Il est donc urgent de changer à la fois les comportements individuels, mais aussi les pratiques industrielles. Et tout cela demande investissements, le plus rapidement possible.

    Adapter l’industrie aux menaces

    Tout le monde est donc concerné par le réchauffement de la planète et par ses impacts. Le monde politique, pris en étau entre ces réalités et les indicateurs économiques actuels, semble malheureusement faire de mauvais choix en ralentissant le rythme des réformes, comme celles induites par le Green Deal européen. Selon Brice Lalonde[2], ancien ministre de l’Environnement et actuel dirigeant du think tank Équilibre des Énergies, la transition écologique et énergétique (TEE) ne peut pas s’affranchir de la volonté des populations et des chefs d’entreprises, dans une époque où les ambitions politique semblent revues à la baisse : « Pour décarboner l’économie européenne, il faudra transformer la demande et investir dans l’industrie. En ce sens, il n’est pas anormal de préserver les investissements dans la modernisation du système énergétique, la génération d’électricité renouvelable et nucléaire, les réseaux de transport et de distribution, l’autoconsommation, la flexibilité, les batteries. Il ne faut évidemment pas faire de l’écologie la variable d’ajustement de l’action du gouvernement. » Oui, il faut continuer d’investir, et vite. Et l’industrie a évidemment un grand rôle à jouer.

    En première ligne du combat – quelles que soient les injonctions politiques –, les industriels doivent apporter des réponses fortes, que ce soit grâce à des innovations ou grâce à de nouvelles pratiques au service de l’environnement. Pour connaître les niveaux d’impact du changement climatique et des activités humaines, il faut déjà pouvoir les mesurer avec précision. C’est par exemple le rôle d’une entreprise comme Bertin Technologies, spécialisée dans l’instrumentation pour des applications critiques ou scientifiques. Il y a plus de 10 ans, elle a mis en service l’AlphaGuard, un outil de surveillance environnemental, rapidement devenu une référence mondiale pour la mesure du radon – un gaz naturel radioactif – dans l’environnement, ou encore le Saphydose, un dosimètre destiné aux personnes exposées aux radiations notamment dans les centrales nucléaires.« Protéger l’environnement, ça veut dire connaître l’environnement, estimait Bruno Vallayer, président de Bertin Technologies, lors d’une conférence en mars dernier. Connaître l’environnement, ça veut dire connaître l’environnement par rapport à des menaces et des agressions. Ce que nous allons traiter chez Bertin Technologies, ce sont des agressions radiologiques, comme des accidents radiologiques qui peuvent avoir un impact sur l’environnement. » Ce savoir-faire tricolore dans la compréhension de l’impact des activités humaine est essentiel, et permet en amont de mieux cibler les actions de dépollution.

    Privilégier la circularité des activités

    Car tout commence en effet par la compréhension de l’impact des activités humaines et industrielles. Quel que soit leur secteur d’activité, les industries françaises ont dû se lancer dans de vastes études et audits pour comprendre les leviers sur lesquels jouer pour réduire leurs émissions. Et pour mettre en place des solutions tendant vers le « zéro émission ». Et ce, même dans le secteur de la métallurgie, l’un des plus gros pollueurs à l’échelle mondiale, car très énergivore. Dans le département de la Marne par exemple, l’entreprise LeBronze Alloys – spécialisée dans la fabrication d’alliage de nickel et de cuivre – a réussi à transformer son activité, grâce à la conviction sociétale de son équipe dirigeante. « À titre personnel, j’ai toujours été convaincue du rôle structurant que les entreprises peuvent jouer pour limiter le réchauffement climatique, avance Alexandra Dumont Nubery[3], directrice générale de LeBronze Alloys. Nous sommes aujourd’hui engagés dans une trajectoire bas-carbone compatible 1,5°C et validée par SBTI (Science Based Targets Initiative). Pour cela, nous avons procédé en plusieurs étapes. La première fut celle du diagnostic. La deuxième étape consiste à mettre en place des actions concrètes. Et nous sommes déjà en avance sur nos objectifs : réduire nos émissions SCOPE 1 et 2 de 50% et nos émissions SCOPE 3 de 25%, à horizon 2030. Un exemple concret est de prioriser l’utilisation de métaux recyclés dans la production. »

    Le recyclage et l’économie circulaire sont en effet des concepts déclinables à l’infini. Certains secteurs vont devoir se réinventer complètement pour pouvoir répondre aux défis de la décarbonation. L’industrie textile – aujourd’hui placée sur le banc des accusés – en sait quelque chose. « Les usines du futur ne doivent pas juste fabriquer des produits, mais doivent aussi proposer des services associés à ces produits, prédit Laura Parmigiani[4], responsable d’études à Bpifrance Le Lab. C’est toute la conception d’un produit qui devrait changer. L’usine du futur devra être électrique, flexible, mais il faudra également inclure le SCOPE 3 donc agir sur toute la chaîne de valeur et l’usage pour réduire les intrants et circulariser. » Les enjeux, pour tout le modèle économique productiviste, sont donc énormes.

    La production d’électricité, le nerf de la guerre

    Reste que pour faire fonctionner l’usine du futur, il faudra de l’électricité. Et la France a des idées en la matière. Le 3 mai dernier, le ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire[5], a rappelé la feuille de route de l’État français alors que le gouvernement transmettait son Programme National de Réforme (PNR) 2024 à la Commission européenne : la TEE s’appuiera en premier lieu sur le nucléaire, les renouvelables et sur la sobriété énergétique. Le tout en privilégiant le made in France. À Saint-Nazaire par exemple, les Chantiers de l’Atlantique ont commencé leur mue en produisant des éoliennes marines, au sein de leur unité Atlantique Offshore Energy. Et leurs clients ne sont pas que français. « Lorsque les sous-stations seront opérationnelles en 2027, nous renforcerons notre contribution à la décarbonation, de notre mix énergétique national, estime Sven Schulemann[6], directeur chez l’énergéticien allemand RWE. Après le succès de la livraison de la sous-station Arkona réalisée en 2018, nous sommes ravis de pouvoir poursuivre une nouvelle fois notre coopération avec Atlantique Offshore Energy. » L’industrie française a donc une belle carte à jouer pour fabriquer les outils de la décarbonation.

    Quand on évoque la transition écologique et énergétique, le gros morceau est évidemment la production d’électricité décarbonée. En France, la stratégie nucléaire – qui avait souffert ces dernières décennies – est en train de connaître un second souffle. Ainsi, six nouveaux réacteurs EPR2 devraient être mis en service d’ici 2050, avec « une obligation de résultats » pour EDF, a annoncé le ministre. « L’industrie française dans son ensemble est-elle au rendez-vous de transition énergétique ? Et l’industrie nucléaire ? s’interroge Bruno Vallayer de Bertin Technologies. J’aurais tendance à dire plutôt ‘oui’, dans les deux cas. La France – même si ce n’est pas le seul paramètre à regarder – est un des meilleurs élèves de l’Union européenne en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Donc on n’a vraiment pas à rougir de ça. »

    Tout le monde réfléchit aux questions environnementales : l’État et les patronat donc, mais aussi les syndicats. Le 28 mai prochain, la CGT organisera ses États généraux de l’industrie et de l’environnement[7]. Plusieurs questions seront soulevées : comment répondre aux défis environnementaux ? Comment produire en France en respectant les enjeux environnementaux ? Comment travailler les contradictions sociales et environnementales ? Pour mener à bien sa transition, la France industrielle devra réussir à conjuguer toutes ces attentes et tous ces défis. Et toutes les volontés seront les bienvenues.

    [1] https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/2024/article/le-rechauffement-climatique-fera-baisser-la-croissance-de-19-d-ici-2050-selon-une-etude-28485238.html

    [2] https://www.lepoint.fr/environnement/brice-lalonde-la-transition-ecologique-variable-d-ajustement-03-03-2024-2554095_1927.php#11

    [3] https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-actualites/tee-comment-alexandra-dumont-nubery-a-realise-la-transition-de-son-entreprise-de-metallurgie

    [4] https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-actualites/lusine-de-demain-sera-numerique-et-decarbonee

    [5] https://www.capital.fr/economie-politique/transition-energique-comment-le-gouvernement-compte-atteindre-la-neutralite-carbone-d-ici-2050-1496328

    [6] https://www.saintnazairenews.fr/news/saint-nazaire-nouveau-contrat-rwe-pour-chantiers-de-l-atlantique

    [7] https://www.cgtetat.fr/societe-959/environnement-ecologie/article/28-mai-etats-generaux-de-l-industrie-et-de-l-environnement

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