L'Homme n'a cessé d'introduire de nouvelles espèces dans les écosystèmes du monde entier. Ces échanges d'organismes vivants ont suivi le rythme des colonisations, des migrations et du commerce. Les introductions ont été soit délibérées, comme pour les plantes d'intérêt agricole, soit involontaires, comme pour les animaux qui ont voyagé clandestinement dans les soutes des bateaux, ou les poissons qui sont passés d'une mer à l'autre en traversant le canal de Suez. Les organismes introduits peuvent devenir invasifs et déstabiliser profondément les écosystèmes qu'ils conquièrent. Ils ont ainsi causé la disparition de milliers d'espèces, en particulier dans les îles. Ces translocations peuvent aussi avoir des conséquences économiques majeures. Citons par exemple le cas des abeilles européennes mises sous pression par l'arrivée du frelon asiatique, ou bien encore le cas du bombyx disparate, papillon introduit depuis la France vers l’Amérique du Nord, où il devenu l'un des principaux ravageurs des forêts.
Malgré ces impacts majeurs, la dynamique des introductions d'espèces n'avait pas été étudiée sur une longue période de temps et, surtout, à l'échelle globale. Voilà pourquoi s'est formée une grande coalition internationale composée de 45 chercheurs de 18 pays. Ensemble, ils ont constitué une base de données mondiale recueillant 43 988 dates de première observation de 16 369 espèces exotiques introduites sur un continent autre que celui d’origine. Ces observations, qui recouvrent 200 ans d'histoire naturelle, portent sur l'ensemble des grands taxons du monde vivant et permettent ainsi de comparer les processus d’invasion entre tous les groupes animaux et végétaux. L'Inra y a contribué par l’analyse des introductions d’arthropodes terrestres, principalement des insectes, survenues en Europe au cours de cette période.
Ces travaux montrent que les introductions d'espèces, loin d'avoir atteint un palier, n'ont cessé de s'accélérer. Ainsi, 36% des translocations observées d'organismes vivants ont eu lieu au cours des 30 dernières années. Cette intensification des échanges d'espèces est vraie pour tous les groupes, à l'exception des mammifères et des poissons, pour lesquels la courbe de nouvelles introductions s’affaisse au cours des dernières décennies.
Les chercheurs se sont aussi intéressés aux causes des introductions d'espèces. Au cours du XIXe siècle, ce sont les échanges entre l'Europe et l'Amérique qui ont dominé. Les populations européennes qui ont massivement migré ont emmené avec elles de très nombreux animaux et plantes. Lors de la seconde moitié du XXe et au début du XXIe siècle, les introductions sont majoritairement accidentelles. Plantes, algues, animaux, en particulier insectes, et champignons suivent les routes du commerce. Ainsi, un grand nombre d'espèces introduites ces dernières années sont originaires de Chine. La prise de conscience globale sur les dangers des espèces invasives n'a donc pas permis pour l’instant de mettre en place une lutte efficace. Avec toutefois une exception : la stricte régulation adoptée en Nouvelle Zélande en 1993 y a réduit presque à néant l'entrée de nouvelles espèces végétales et, dans une moindre mesure, animales.
Communiqué de l'Inra
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10/12/24 à 09h58 GMT