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Le Kenya : ce leader africain de la géothermie en proie aux réalités économiques.



  • Le Kenya poursuit son engagement dans la géothermie.

    Le Kenya, pays de plus de 50 millions d’habitants à la croissance annuelle oscillant entre 5 et 6%, se doit de répondre promptement à la demande énergétique. Parce qu’électrification complète d’un territoire  rime avec hausse de croissance, le Kenya s’attèle alors à relever le défi avec panache! A l’origine d’une production globale de plus de 662 MW, le Kenya est aujourd’hui le premier producteur africain d’énergie géothermique et le huitième au monde derrière des pionniers comme l’Islande ou le Japon. Joseph K.Njoroe, Ministre de l’énergie, justifie les raisons d’un tel choix : «La géothermie fournit une énergie disponible, fiable, pratique, économique et à prix compétitif. C’est la voie que nous voulons suivre aujourd’hui.». Si la moitié de la consommation Kényane d’électricité est d’ores et déjà assurée par les champs géothermiques, l’objectif du gouvernement est une couverture de 100% des besoins d’ici 2022. Il faut par ailleurs souligner le potentiel colossal tapi quelques kilomètres sous terre. Selon diverses estimations, la vallée du Rift pourrait permettre au pays d’atteindre 10 000MW de production, soit l’équivalent de dix réacteurs nucléaires! Le projet de développement géothermique de Menengaï, situé au nord ouest de Nairobi s’inscrit dans cette optique.

    La dimension pratique de l’énergie géothermique, entre avantages et difficultés.

    Pour le moment, l’énergie produite à Menengaï demeure au stade embryonnaire (quelque 105MW). Néanmoins, nombre  d’entreprises et d’industries ainsi qu’environ 500 000 ménages ont pu en bénéficier.  Dans le même temps, 600 emplois furent crées de même que de nombreux microprojets : achat d’une ambulance pour un hôpital, ouverture d’un nouveau puits pour l’approvisionnement en eau d’une commune isolée…La géothermie n’émet pas de gaz à effet de serre et l’impact sur l’environnement demeure somme toute très faible puisque l’eau pompée est directement réinjectée dans le sol sans ajout de produits chimiques.  Pourquoi donc un tel choix n’est-il pas généralisé à l’ensemble du continent Africain, lorsque l’on sait que 63% des zones rurales d’Afrique subsahariennes n’ont pas accès à l’électricité? Le fait est que les contraintes sont nombreuses.  Le développement du site d’Olkaria illustre la situation avec complétude. En effet, cent cinquante familles se virent relocalisés à l’extérieur du site, un site ayant d’ailleurs vu ses installations scrupuleusement étudiées et bâties en vertu de sa localisation en plein centre du parc naturel Hell’s Gate. Cependant, la raison d’une énergie verte délaissée s’explique largement par son coût financier. Tout comme le pétrole, le coût élevé de la recherche et du forage refreine parfois les investisseurs, sans oublier le fait que phase d’exploration possède un potentiel d’échec important.

    La bascule  entre énergie verte et énergie fossile, témoin d’une réalité économique complexe.

    Malgré tous ces efforts, le gouvernement kényan n’entend pas renoncer au développement de l’industrie fossile pour autant.  En conséquence, un projet de centrale à charbon en plein centre de l’archipel de Lamu (soit disant passant inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco…) a récemment vu le jour. L’opinion publique s’est bien évidemment offusquée d’une telle entreprise, descendant dans les rues ce mercredi 12 juin en clamant « Le charbon est du poison », portant à bout de bras des cercueils noirs peinturés de têtes de mort blanches. Le groupe d’experts Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) publia de même un rapport à ce propos, définissant le projet comme « une erreur couteuse » et « un mauvais choix pour le Kenya ».Le potentiel  Kenyan en matière d'énergie renouvelable (éolienne, géothermique, marémotrice…) est rentable. Plus que cela, le Kenya se veut être leader en Afrique avec une production énergétique verte plafoant à 85%!  Le directeur général de GDC spécifie en outre qu’un accord avec le Rwanda a déjà pu être passé, afin de le fournir en énergie géothermique dès l’année prochaine. Pareillement, des interconnexions avec d‘autres pays de la région comme la  Tanzanie ou l’Ethiopie sont en cours de préparation.  Le fait est que les trois quarts de l’énergie produite en Afrique sont d’origine fossile, émettant par conséquent une quantité astronomique de gaz à effet de serre. Revenir en arrière est difficile. Une fois la dépendance aux énergies fossiles établie, il est très complexe et couteux pour un pays d’assurer la transition énergétique. L’Europe en sait quelque chose…Si la tendance est au vert, l‘exploitation du charbon demeure une opportunité économique difficilement négligeable, à la fois  simple d’exploitation et très fructueuse. Pour des pays en pleine croissance tel que l’est le Kenya, une opportunité économique juteuse aussi « sale » soit-elle reste une opportunité…

    La tentation chinoise comme frein insidieux à une croissance africaine durable.

    L’immense majorité des pays africains ont un besoin énergétique colossal. Le  Zimbabwe se veut être un exemle criant, dépensant 5 millions de dollars par semaine dans l’importation d’électricité.  Submergé par une dépendance qui l’empêche de croitre, ce dernier entreprit récemment la construction de quatre centrales à charbon. Les deux milliards de dollars nécessaires  furent prêtés par…le gouvernement chinois. L’empire du milieu, s’il joue les bon élèves dans les sommets internationaux (le plan « cent centrales propres pur l’Afrique » lancé par le premier ministre Wen Jiabao en 2009) a la fâcheuse tendance à noircir le ciel de ses partenaires,  l’Afrique en première ligne…. Un quart des centrales au charbon dans le monde sont aujourd’hui construites ou financées par des entreprises chinoises. Puisque ces investissements servent ses intérêts économiques, lui permettant d’exporter son charbon et sa technologie, au Kenya, au Ghana et en Côte d’Ivoire, la Chine finance et construit l’intégralité des centrales thermiques. C’est 75 % en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Selon l’IEEFA les deux tiers de ses constructions sont considérées comme « dangereuses » voir très dangereuses » pour l’environnement. Il s’agirait pour le Kenya de ne pas succomber à l’offre asiatique afin de s’engager pleinement mais surement sur le chemin du développement durable mais aussi et surtout de l’indépendance. Si les difficultés de mise en œuvre peuvent sembler décourageante pour les investisseurs, la détermination doit demeurer de mise afin d’instituer une position de leadership qui saura sur le long terme, impulser croissance économique et développement. [MOGED]

    Crédit photo wikimedia

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