Dans un contexte de contraintes budgétaires, l’État seul ne pourra pas faire face aux investissements colossaux qu’exige la transition énergétique. Les investissements privés vont donc jouer un rôle clé pour financer l’innovation et le déploiement des énergies décarbonées.
Dans le monde, le besoin de financement de la transition énergétique a été chiffré par l’Irena, l’Agence internationale des énergies renouvelables, à plus de 131.000 milliards de dollars d’ici 2050. La décarbonation de l’énergie ne pourra donc s’accomplir sans une forte implication du secteur privé. Le secteur public doit créer un cadre réglementaire et fiscal favorable pour orienter les filières énergétiques et stimuler l’innovation. Mais c’est essentiellement au secteur privé qu’il revient de financer l’innovation et le déploiement des nouvelles infrastructures de production et de distribution des énergies décarbonées.
En France, par exemple, l’Etat n’a pas les moyens, ni financiers ni techniques, de mener seul la transition énergétique, d’autant qu’il devra investir des sommes colossales dans l’entretien et la mise à niveau du parc nucléaire par exemple. Il doit fixer le cap et mettre en place des incitations pour favoriser les investissements privés, dans un contexte où l’explosion des prix de l’énergie accélère la recherche d’alternatives plus compétitives et plus vertueuses.
Investir massivement dans les énergies renouvelables
Premier producteur d’énergie éolienne et solaire en France, Engie a ainsi annoncé des investissements de 15 à 16 milliards d’euros sur les années 2021-2023, dont 40 et 45 % seront consacrés aux capacités de génération d’électricité à partir d’éolien et de solaire. L’énergéticien français compte ainsi passer de 31 gigawatts (GW) de capacités d’énergie éolienne, solaire et hydraulique en 2021 à 50 GW d’ici à 2025, puis à 80 GW à l’horizon 2030. Grâce à ces investissements, Engie vise désormais la neutralité carbone en 2045 (et non plus 2050).
« Nous sommes à un moment charnière du monde de l’énergie », souligne Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie. « Partout, l’urgence climatique est au cœur de la relance post-Covid. Engie doit se préparer pour pouvoir saisir des opportunités ». « Construire le bon projet, au bon endroit, avec le bon prix, en l’opérant de manière optimisée : c’est comme cela que nous voulons nous différencier », ajoute Jean-Pierre Clamadieu, le président d’Engie.
Pionnier de l’éolien en mer, Engie a ainsi été choisi par l’Etat français, pour développer, installer et exploiter, avec ses partenaires EDP Renewables et la Caisse des Dépôts, deux parcs éoliens offshore, d’une puissance de 496 MW chacun, l’un au large de Dieppe - Le Tréport et l’autre sur la zone des îles d’Yeu et de Noirmoutier. Engie, EDP Renewables et la Caisse des Dépôts, avec leurs partenaires industriels Eiffage, Principle Power, General Electric (GE) et RTE, ont également été sélectionnés par l’Etat dans le cadre de l’appel à projets éolien flottant, pour installer une ferme pilote au large de Leucate – Le Barcarès, dans l’Aude.
Dans le solaire, après l’acquisition de la société Solairedirect, Engie exploite notamment la centrale de Curbans, dotée de 105.000 panneaux photovoltaïques, implantés à 1.000 mètres d’altitude dans les Alpes-de-Haute-Provence, ainsi qu’un parc de 180 hectares à Gréoux-les-Bains. L’énergéticien compte aussi miser sur son héritage gazier pour jouer la carte de l’hydrogène vert, considéré comme une priorité d’investissement par le gouvernement français. « Toutes les activités d’Engie vont bénéficier de l’essor de l’hydrogène », assure Catherine MacGregor, même si aujourd’hui la maturité de l’hydrogène vert est celle des « énergies renouvelables il y a quinze ans ».
Résoudre la difficile équation de la mobilité lourde
L’hydrogène vert, c’est aussi le segment privilégié par la société d’investissement Kouros, créé en 2016 par l’ancien avocat international Alexandre Garese, et spécialisée dans les nouvelles énergies et la mobilité durable. Pour lui, la prise en compte croissante des critères ESG et ISR dans les investissements est très positive : « nous avons besoin que le maximum d’outils soient mis en œuvre, à tous les niveaux, pour enclencher la grande migration de capitaux d’un système carboné à un nouveau système énergétique décarboné, explique Alexandre Garese. Nous y sommes particulièrement attentifs chez Kouros, car c’est un accélérateur pour le développement de nos activités ».
Kouros a notamment développé depuis quatre ans une expertise certaine dans le domaine de l’hydrogène vert, avec six investissements et deux nouvelles sociétés créées. Hyliko, notamment, est aujourd’hui l’un des premiers acteurs en Europe du camion hydrogène et de la décarbonation des flottes de poids lourds. Cette société propose aux transporteurs et aux logisticiens une offre de leasing et d’entretien des camions hydrogène, ainsi que la fourniture d’un hydrogène vert produit à partir de biomasse.
« À mes yeux, les deux principales conditions d’une mobilité durable sont l’énergie renouvelable d’une part, et l’infrastructure à la dimension du bassin de vie d’autre part, estime Alexandre Garese. Ces deux critères président aux choix stratégiques de Kouros. Nous cherchons à produire une énergie propre, et à la consommer « sur place » sans dégrader dans le transport la qualité acquise lors de l’extraction ou de la fabrication ».
Plus largement, Kouros a l’ambition d’affirmer son positionnement d’acteur de premier plan dans la refondation du système énergétique sur des bases décarbonées et le développement de projets énergétiques d’avenir. Pour respecter les accords de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C en 2100, « remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables ne suffira pas, souligne Alexandre Garese. Il faudra en même temps retirer massivement et rapidement du carbone de l’atmosphère… En tant qu’investisseur et entrepreneur, Kouros s’impose donc ce double impératif ».
« La transition écologique passe par la rationalité économique, estime le créateur de Kouros. Aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin du monde de la finance, pour que les projets énergétiques passent d’une culture de la rente à une culture de la rentabilité ».
Électrifier le parc automobile : un défi industriel
Des investissements privés massifs sont aussi à l’œuvre dans la forte accélération de l’électrification du marché automobile européen. Bruxelles a prévu en effet d’interdire toutes les ventes de voitures à moteurs thermiques, hybrides compris, à partir de 2035. Précurseur de l’électromobilité, Renault a ainsi annoncé viser 100 % de ses ventes en voitures électriques en 2030. « On s’est mis en tête de préparer les conditions pour que Renault soit une marque 100 % électrique à horizon 2030 », a ainsi déclaré Luca de Meo, directeur général de Renault.
Pour amortir ses investissements sur les deux plateformes de voitures électriques CMF-BEV et CMF-EV, Renault devra nécessairement s’appuyer sur son allié Nissan. D’autant que Renault investit également dans un vaste projet de campus industriel dans les Hauts-de-France, doté de cinq usines d’où sortiront 400.000 voitures électriques par an (batteries incluses). La marque au Losange a en effet confirmé son intention de concentrer toute la production en France sur les sites de Douai, de Maubeuge, de Ruitz et de Cléon. Cinq voitures électriques seront produites au sein de ce pôle : la nouvelle Mégane (depuis début 2022), la R5 (2024) et la nouvelle Scenic à Douai ; les utilitaires comme le Kangoo (2023) et la nouvelle 4L (2024) à Maubeuge. Le site de Ruitz sera chargé de la fabrication des boîtes de vitesses équipant l’ensemble de la gamme E-TECH et de la production de bacs batteries pour les véhicules électriques fabriqués en France. Quant à l’usine de Cléon, en Normandie, elle aura, dès 2023, une capacité de production de plus d’un million de moteurs par an.
« C’est une accélération historique de la stratégie électrique de Renault Group et du made in Europe, se félicite Luca de Meo. En construisant avec Renault ElectriCity un écosystème électrique compact alliant efficience et haute technologie dans le Nord de la France, ainsi qu’une megafactory dédiée au moteur électrique en Normandie, nous créons les conditions de notre compétitivité, à domicile ». Le Losange a aussi annoncé un partenariat avec le chinois Envision pour la construction à Douai d’une gigafactory de batteries, qui équiperont notamment les futures R5 électriques à partir de 2024. Un projet qui représente pour Renault un investissement de deux milliards d’euros.
05/07/24 à 13h25 GMT