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Kofi Annan appelle à lancer une révolution de l’efficience énergétique


’allocution d’ouverture que le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, a prononcée lors du débat de haut niveau de la Commission du développement durable, à New York le 10 mai:

C’est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue à la quatorzième session de la Commission du développement durable. Je voudrais tout d’abord vous faire remarquer que cette année, pour la première fois, c’est un ministre des finances qui a été élu à la présidence. J’y vois un signe encourageant: nous quittons définitivement l’époque où l’environnement et l’économie étaient deux disciplines que l’on traitait comme étrangères l’une à l’autre.

Vous vous réunissez à l’heure où l’humanité fait face à de graves difficultés, qui sont indissociables dans les domaines justement qui seront au centre de vos réflexions cette année et l’année prochaine: l’énergie, la pollution de l’air, le changement climatique, le développement industriel.

L’énergie est l’un des piliers sur lesquels se fondent nos économies et nos sociétés dont la solidité est de plus en plus incertaine. Le monstrueux appétit pour les combustibles fossiles qui marque si profondément le monde contemporain est à l’origine de bien des maux: il engendre la pollution de l’air, à cause de nos usines et de nos voitures; il rend difficile l’art de gouverner les pays; il fausse les relations entre les États; il est une charge financière pour certains pays pauvres parce que la facture pétrolière est très lourde; il provoque le changement climatique parce qu’il est à l’origine des émissions de gaz à effets de serre dont nous aurons presque tous à souffrir mais auquel les pauvres seront plus vulnérables. La communauté mondiale devra les aider à s’adapter aux conséquences inévitables de l’évolution du climat.

Voilà quelques-uns des problèmes qu’engendre cet excès d’énergie d’une même source, mais il y a aussi le drame inverse de la pénurie. Ceux qui vivent dans les pays en développement ne connaissent que trop bien les coupures de courant qu’imposent l’insuffisance de la capacité de production et la médiocrité du réseau. N’oublions pas non plus les 1 milliard 600 millions d’êtres humains qui vivent sans électricité et qui utilisent à la place le bois, les déjections animales et les déchets agricoles, solutions qui ont fait de la pollution à l’intérieur des habitations l’une des 10 grandes causes de mortalité ou de mort prématurée dans le monde. Il y a enfin l’énorme déperdition que représentent les heures passées, surtout par les femmes, à aller chercher du bois. L’absence de services modernes de distribution d’énergie est donc un obstacle majeur dans la lutte contre la pauvreté et le développement industriel. Il y a d’autres manières de s’y prendre.

Nous devons lancer une révolution de l’efficience énergétique. Une centrale classique gaspille 65% de l’énergie qu’elle produit. Il nous faut retenir et exploiter cette chaleur perdue, utiliser davantage de véhicules hybrides et recourir plus souvent aux techniques offrant un meilleur rendement.

Nous devons réduire la pollution provoquée par les combustibles solides, par exemple en utilisant du charbon « propre ».

Les sources renouvelables d’énergie restent lamentablement sous-exploitées. Nous devons investir bien davantage dans celles qui sont bien connues, comme le vent, l’eau et le soleil, et nous efforcer bien davantage d’étudier et de mettre en valeur celles qui promettent d’être fructueuses à plus long terme, comme les marées, la conversion thermique, l’hydrogène et les cellules à combustible.

Les pays en développement ne devraient pas être condamnés par le poids de la tradition ou de leur pauvreté à répéter ce qu’ont fait leurs prédécesseurs, surtout quand il y a d’autres solutions. Nous ne pouvons refuser de reconnaître leur droit de s’industrialiser et, en fait, ils devront pratiquement doubler leur production d’électricité dans les années qui viennent s’ils veulent progresser jusqu’à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Mais il y a des façons écologiquement rationnelles d’y parvenir. Les pays développés ont le devoir de les seconder, c’est-à-dire de les aider à renforcer leurs capacités, leur transmettre techniques et savoir-faire et favoriser leur dynamique par de nouveaux dispositifs financiers.

Tous les pays doivent se montrer plus stricts dans la réalisation de ce qu’ils ont promis. Ils devraient être plus nombreux à participer au marché des bons d’émissions de carbone. Ils devraient recourir davantage à des instruments souples comme le Mécanisme pour un développement propre du Protocole de Kyoto pour soutenir les projets de développement durable respectueux du climat dans les pays en développement. Le changement climatique lui-même ne doit pas être considéré comme une problématique à part: ce qui est fait pour l’atténuer et s’y adapter doit s’intégrer dans les stratégies nationales de développement durable.

Nous avons les textes de Rio, de Johannesburg et d’ailleurs pour nous guider. Peut-être les progrès n’ont-ils pas été aussi rapides et spectaculaires que nous l’aurions voulu, mais ils ont été constants. La semaine dernière encore, je me trouvais à la Bourse de New York lorsque des fonds de pension et d’autres institutions financières de taille mondiale, qui gèrent ensemble quelque 4 000 milliards de dollars d’actifs, ont signé une nouvelle charte de l’investissement responsable dans laquelle il est dit clairement qu’être responsable c’est viser le durable. Des initiatives locales, qui sont trop nombreuses pour qu’on les énumère, attestent que des milliers de personnes sont à la recherche de formes nouvelles de vie économique inspirés de leur sens des responsabilités.

L’entreprise est ambitieuse, il y a de l’ouvrage pour tout le monde. Les gouvernements, exerçant leur autorité, doivent fixer les règles de base, définir les normes, prévoir des incitations, utiliser leur pouvoir d’achat pour mettre à la disposition des populations des biens et des services énergétiquement efficients. Les marchés financiers, les banques, les entreprises privées, les industries, la société civile, les particuliers eux-mêmes, ont tous un rôle à jouer.

Pour que les choses soient différentes dans 50 ou 100 ans, quand nos petits-enfants et leurs propres petits-enfants seront assis à nos places, c’est dès aujourd’hui que nous devons agir. La justice à l’égard de ces générations futures n’a pas beaucoup d’emprise sur l’imagination des gens, et encore moins sur leur porte-monnaie. C’est pourquoi c’est à nous qu’il revient de faire preuve d’imagination pour défendre cette cause.

Nous avons les connaissances, nous avons les ressources qui nous permettent de triompher de la pauvreté dans laquelle sont plongés tant d’êtres humains et de livrer à nos successeurs une planète intacte au climat sauvegardé. C’est avec espoir que j’attends de travailler avec la Commission pour rechercher les moyens de faire entrer les pauvres de la planète dans l’économie moderne de l’industrie et de l’énergie, tout en engageant dans des voies plus respectueuses de l’environnement l’activité économique et la mise en valeur des sources d’énergie.

Source ONU
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