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Financement du Développement durable : les paradoxes du mécénat.


Le mécénat environnemental des entreprises se développe même s'il ne représente pour l'instant que 10 % des actions de ce type. Il suscite de nouveaux cas de figure, certaines entreprises finançant des opérations ou des fondations en rapport avec les enjeux environnementaux de leurs activités. Comment construire des partenariats sans être accusés de récupération ? Quels sont les conflits potentiels entre les intérêts de l'entreprise et ceux des fondations ? Autant de questions évoquées lors d'un colloque récent consacré au mécénat environnemental.En 2000, la catastrophe de l'Erika a conduit un certain nombre d'entreprises à s'engager pour la première fois dans des actions de mécénat environnemental, domaine resté longtemps le parent pauvre du mécénat. En 2002, seuls 17 grandes entreprises agissaient en effet en faveur de l'environnement. La Fondation EDF, parmi les plus importantes, soutient principalement les réserves naturelles de France, le Conservatoire du littoral ou encore le Muséum national d'histoire naturelle ; Procter et Gamble a choisi d'être partenaire du Conservatoire du littoral et le Groupe Suez de Green Cross International et de l'Office National des Forêts (ONF). En doublant les déductions fiscales et en allégeant la fiscalité des fondations, la loi sur le mécénat, votée en 2003, a eu un impact non négligeable sur le développement du mécénat environnemental. Actuellement, les actions menées sont diverses, puisqu'elles consistent aussi bien à soutenir la recherche environnementale qu'à financer des bourses pourles doctorants ou apporter une aide aux inventaires de la biodiversité, comme pour l'expédition au Vanuatu, soutenue par Veolia et Total, sans oublier des partenariats avec les ONG.

Enjeu stratégique

Bien souvent, ce sont les entreprises ayant déjà une stratégie de développement durable qui s'intéressent le plus au mécénat environnemental, considéré comme une prolongation extérieure de leurs engagements. Cette situation évolue néanmoins sous la pression conjuguée de la société civile et de la loi. L'adoption de la Charte de l'environnement, qui stipule que toute personne morale ou physique doit réparer les dommages causés à l'environnement en est un exemple récent. « Le rôle de l'entreprise peut être considérable dans ce domaine » explique Marianne Eshet, secrétaire générale de l'Admical, (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial) « mais il ne faut pas confondre politique DD et mécénat environnemental. Les motivations des entreprises peuvent être parfois ambivalentes, surtout quand elles y voient un moyen de se donner une image positive tout en négligeant l'impact environnemental de leurs activités. ». « Des premiers et rares partenariatsdans les années 70, on est passé aujourd'hui à un mode plus collaboratif, parce que les ONG ont compris que le conflit n'était pas la solution » rapelle Alain Bougrain Dubourg, président de la LPO. « Aujourd'hui, deux grands types de mécénat cohabitent, celui de la Fondation Nature&Découvertes, en cohérence avec l'activité de l'entreprise, et le mécénat plus ambigu, comme celui de la Fondation Total pour la biodiversité ». Pour Valérie Vigoureux, de la fondation Gaz de France, le mécénat est un prolongement de la politique développement durable : « On peut même dire qu'il est à son service. C'est un acte désintéressé, mais en lien avec nos activités », explique-t-elle. Chez Nature et Découvertes, le mécénat a fait partie dès le départ du projet d'entreprise, son fondateur ayant décidé de donner un « impôt pour la nature » à hauteur de 10 % des bénéfices nets. Ce budget permet de financer les associations écologistes à hauteur de 600 000 euros par an, en sélectionnant 50 projets chaque année. Autres stratégie, celle de la Fondation Nicolas Hulot, qui repose sur le partenariat avec les entreprises, dont elle dépend directement pour ses activités. « La fondation a été crée grâce à Rhône-Poulenc et EDF, il y a 16 ans. Aujourd'hui nous avons unedouzaine d'entreprises mécènes, qui apportent 80% de notre budget. Au delà de la recherche de moyens, nous avons choisi une stratégie de dialogue avec les entreprises » , indique Cécile Ostria, directrice de la fondation. Une stratégie pas toujours bien admise par les entreprises : « Certaines ne comprennent pas les règles du mécénat et confondent avec le sponsoring. Elles demandent un retour sur investissement que nous ne pouvons pas satisfaire. Un mécène ne doit pas s'attendre à avoir une offre de services en retour ». Pour autant, recevoir de l'argent des entreprises n'est pas une pratique qui va de soi. Anne Konitz, directrice du Conservatoire du Littoral, estime que « les financements reçus nous engagent. Il faut être à la hauteur de ce soutien et savoir exactement quel est notre rôle dans ce type de partenariat ». Le conservatoire a choisi de définir avec ses mécènes des thèmes précis, liés au coeur de métiers des entreprises : recherche scientifique avec Procter&Gamble, préservation de la biodiversité avec Total, du patrimoine maritime et des bâtiments avec BP, enfouissement des lignes avec EDF, etc.

Quel type de communication ?

Reste que le développement de ces collaborations n'a pas fait disparaître les tabous. Là où les anglo-saxons n'hésitent pas à communiquer sur le sujet, les ONG et associations françaises restent discrètes sur ces financements privés. « Nous n'osons pas dire que nous recevons de l'agent, et on continue à évoquer un projet sans parler des partenaires financiers » observe Anne Konitz. Au WWF, le montant des partenariats reste confidentiel, en dehors de celui conclu avec Lafarge pour 1,5 million d'euros. « Nous respectons une demande de confidentialité des entreprises », explique Kiti Saumon, chargée des partenariats au sein de l'ONG, qui rappelle par ailleurs « les pratiques d'exclusion du WWF » (aucun partenariat avec les secteurs à fort impact environnemental comme le pétrole ou le nucléaire). Laure Fourbier, devenue directrice de la Fondation Total après avoir travaillé à l'Ifremer, défend au contraire la pertinence de ce type de mécénat. « La crédibilité de la Fondation Total,qui est entièrement consacrée à la biodiversité marine, tient au fait qu'elle travaille avec des partenaires scientifiques de renommée et qu'elle s'engage sur le long terme. Il ne s'agit pas de faire des coups ! » fait-elle remarquer. Enfin, dans le vaste panorama des fondations, celle de Veolia a un statut à part puisqu'elle mêle protection de l'environnement et mécénat de compétences, l'objectif étant d'impliquer les salariés dans toutes les activités de « leur » fondation. « Les salariés peuvent parrainer des projets en cohérence avec les métiers du groupe », explique Michel Avena, directeur de la Fondation Veolia. « Ils soutiennent le candidat, de l'instruction du dossier au suivi et apprécient de pouvoir s'impliquer personnellement dans ces activités extra-professionnelles ». Le succès interne de la démarche (plus de 400 projets sont en cours) n'a pas pour autant fait l'objet d'une communication spécifique. « Nous ne nous cachons pas mais nous ne voulons pas être accusés derécupération », explique Michel Avena.

Source :

novethic.fr

Veronique Smée

Mis en ligne le : 04/12/2006
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