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Mouvement de femmes et politique à Madagascar


En 1997, dans un article écrit pour la revue canadienne " canadian Woman Studies = Les Cahiers de la femme ", nous faisions référence à trois déclarations convergentes qui disaient en substance, pour les Nations Unies, qu'il faudrait attendre vers l'an 2490 avant que les femmes soient aussi nombreuses que les hommes à occuper des postes responsables dans le domaine politique ; pour le US Fund for Feminist Majority, que ce ne serait que vers l'an 2465 qu'il y aura autant de femmes que d'hommes aux postes décisionnels, enfin pour le Bureau international du Travail, " q u'au rythme actuel la parité dans les instances de décision politique et politique ne pourra être atteinte que dans cinq siècles ". Après une décennie, oserait-on encore tenir ces affirmations pour une certitude ? certes, non, mais la réalité est là pour nous rendre lucide que, d'une manière générale, dans le monde et particulièrement à Madagascar, peu de choses ont véritablement changé, en matière de participation effective des femmes à la prise de décision. Cette situation peut prendre sa source dans le fait que d'une part, l'homme, de quelque société que ce soit, trop souvent convaincu de détenir le modèle à suivre, a la fâcheuse tendance à sous-estimer la femme dans son altérité et ses capacités, d'autre part, la société malgache assigne encore à la femme, outre la soumission à l'home et son rôle de reproductrice, d'autres rôles dont ceux de parent, d'épouse, de domestique, de mère, d'aide communautaire, qui ne lui permettent pas toujours de se valoriser ou de s'affirmer et ainsi prendre sa véritable place.

Par ailleurs, pendant des décennies, on a, prioritairement, abordé la question des femmes et de leur rôle dans la société, sous l'angle économiques en axant les actions sur la promotion des activités génératrices de revenus, des micro-projets, des petites et moyennes entreprises. Ainsi, les cortèges de séminaires, colloques et autres ateliers sur la femme ont plutôt axé leurs réflexions et leurs travaux sur " la femme et le développement ", très rarement, sinon jamais, sur son rôle politique, sur ses rapports avec le pouvoir, sur sa participation aux prises de décision. Cette approche qui a la vie dure, a pérennisé une situation devenue intolérable : 4 femmes sur 19 membres du Gouvernement dont aucune comme directrice de Cabinet ministériel, une seule femme comme Secrétaire Général e de ministère sur 19, 2 chefs de Région sur 22, 10 femmes sur 117 Chefs de districts, 5 sénatrices sur 33, 10 femmes sur 127 parlementaires, 450 sur 17, 500 chefs Fokontany, 70 Maires femmes sur 1 549. Aux autres postes de hautes fonctions de l'Etat, il n "y a que 8 femmes Directrices Générales, 46 sur 240 aux Directions centrales 80 sur 243 aux Directions régionales (Direction de la promotion du genre, Ministère de la Santé de la Planification familiale et de la Protection Sociale). La participation des femmes malgaches dans les processus décisionnel est donc très limitée, que ce soit au niveau des syndicats, du parlement, du gouvernement ou des partis politiques. Les causes sont multiples, en plus de ce qui ont été évoquées plus haut, mais essentiellement, la dimension politique et culturelle de la femme qui devrait être prise en compte. En effet, pour nous, le noeud du problème est réside encore et toujours, dans le le fait que le pouvoir est dans les mains d'une minorité. Minorité, non seulement formée d'hommes, mais de groupes de personnes qui se appropriés les mécanismes qui donnent accès au pouvoir et permettent de s'y maintenir. Cette situation perdure à cause donc des : conformismes socioculturels et politiques, inégalités devant l'accès aux ressources qui rendent pénibles les conditions de vie des femmes et qui briment leurs activités, combinées à une paupérisation croissante, exclusions pernicieuses des mécanismes de prise de décision et l'inexistence de culture démocratique, tant à l'échelle de la famille qu'à celle de la collectivité. Mais les comportements des femmes elles-mêmes, à l'égard de la chose politique sont également un frein de taille à leur participation. Elles manquent de confiance en elles et d'audace dans les affaires publiques, de capacités à s'organiser par elles- mêmes et de solidarité pour se soutenir et/ou défendre des causes qui leur sont communes.

Mais ce tableau quelque peu sombre ne doit pas occulter le changement qui est en cours depuis le début de ce siècle. La détermination de groupes de femmes qui ont pris conscience de la nécessité de prendre leur destin en main et que ceci passerait par un " mouvement de femmes " résolument " politique ". C'est par la conquête du pouvoir qu'elles seront à même de transformer la société malgache vers une société effectivement démocratique qui englobe et respecte l'ensemble de ses composantes.

Plusieurs évènements ont concouru à ce réveil / processus : l'adhésion de Madagascar à la SADC qui a mis en évidence que Madagascar se trouve à la treizième place sur quatorze pays en matière de participation de la femme au Parlement ; l'inscription dans l'engagement 8 du Madagascar Action Plan (MAP), de la promotion de l'égalité de genre et l'autonomisation des femmes, notamment l'augmentation de 30% du nombre de celles-ci au Parlement ; enfin le soutien de l' Electoral Institut of Southern Africa (EISA). De tout cela est né la création d'un mouvement de femmes appelé " Vondrona Miralenta ho an'ny Fampandrosoana " (VMLF). Dont l'objectif principal est de " contribuer à la lutte contre la pauvreté par la réduction des disparités de genre et l'autonomisation de la femme, notamment par l'épanouissement de la femme en politique ". Un plan d'action national quinquennal (2008-2013) est en cours d'élaboration et dont l'axe central est le plaidoyer, la mobilisation et le renforcement de capacité des femmes en politique.

En fait c'est la question même de la citoyenneté qui est posée par ce mouvement. Citoyenneté étant définie comme le fait d'être membre d'une collectivité, ayant la possibilité de participer sans entraves à la prise de décision au niveau social, économique, culturel et politique, le fait d'accéder équitablement aux ressources (terres, eaux...) et aux biens et services de base (éducation, santé...). Le défi à relever pour ce mouvement naissant, est de surmonter un certain nombre d'obstacles et de contraintes tels que le manque de solidarité sincère entre les femmes, le manque de confiance en soi, le manque de ressources, la faiblesse de capacité de lobbying et la prédisposition à la personnalisation du mouvement. Le Forum sur " le pouvoir des mouvements sociaux " arrive à point nommé pour Madagascar qui pourra ainsi profiter des expériences des autres pays.

Marcelline RAHAINGO-RAZAFIMBELO Mouvement pour l'égalité de genre et le développement


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