Par Stephen Kaufman
Rédacteur
Washington - La question du changement climatique a pris de l'importance dans les médias occidentaux, mais dans de nombreux pays en développement, ce sujet fait rarement la une des journaux et la population demeure relativement mal informée des dangers de la dégradation de l'environnement auxquels elle est exposée.
" Le changement climatique est l'un des problèmes les plus urgents que les journalistes doivent couvrir dans le monde en développement mais c'est quelque chose qu'on néglige la plupart du temps ", dit Oren Murphy, directeur régional pour le Sud-Est asiatique à Internews Network, organisation médiatique sans but lucratif.
" Nous avons constaté qu'il y a d'énormes lacunes au niveau de l'information pour les populations qui, vraisemblablement, seront le plus affectées par les conséquences du changement climatique et qui ont le moins accès à cette information. "
M. Murphy et plusieurs journalistes ont pris la parole lors d'un colloque parrainé le 4 mars à Washington par le Centre d'assistance aux médias internationaux, une initiative lancée par le National Endowment for Democracy, une organisation sans but lucratif de promotion de la démocratie.
Pour de nombreux pays en développement, ouvrer rapidement en faveur du développement afin d'améliorer la situation économique de la population est l'impératif principal ; mais M. Murphy a souligné que le changement climatique et les dégâts qu'il peut causer à l'environnement peuvent défaire des années de croissance économique - en entraînant la montée des eaux, en réduisant les ressources d'eau potable, et en nuisant à l'industrie de la pêche, entre autres catastrophes écologiques.
Il est nécessaire d'avoir des journalistes spécialisés dans l'environnement pour lancer des défis aux gouvernements, leur demander d'examiner leurs projets de développement pour que les gains financiers à court terme ne finissent pas par coûter davantage sur d'autres plans dans l'avenir, a dit M. Murphy.
Mais les problèmes de l'environnement et les lourds dangers du changement climatique sont des questions relativement peu abordées par de nombreux journalistes, en raison, entre autres, des difficultés à se doter des connaissances scientifiques nécessaires et de l'opinion, partagée par beaucoup, que l'environnement n'est pas un dossier de presse aussi prestigieux que la politique ou le monde des affaires.
" Nous avons constaté que couvrir l'environnement est encore considéré comme le domaine de quelques "écolos irréductibles" et non pas comme une question qui va avoir un impact majeur sur tout le pays, sur le plan tant de l'économie que de la politique, et par conséquent sur le développement social ", a ajouté M. Murphy.
Une autre idée fausse très répandue veut que la protection de l'environnement et le développement économique soient " mutuellement exclusifs ".
Rob Taylor, qui est directeur au Centre international des journalistes, a dit que lorsqu'il s'entretient avec des dirigeants politiques et des personnalités du monde des affaires de l'Inde des émissions accrues de CO2 de ce pays, on lui rappelle toujours que les Indiens ne s'intéressent guère à ce dossier étant donné que, par habitant, les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis dépassent de 20 à 25 fois celles de l'Inde.
Pourtant, " la croissance en Inde et en Chine est telle que leurs émissions de CO2 à elles seules, si leur croissance se poursuit au même rythme, suffiront à entraîner des changements climatiques très graves, sans que les États-Unis ou l'Europe y soient pour quoi que ce soit ", a dit M. Taylor.
Et d'ajouter que de nombreux journalistes et rédacteurs en chef font l'objet de pressions de la part de leur gouvernement pour qu'ils ne couvrent pas les pratiques commerciales qui sont néfastes à l'environnement, et ce, pour protéger le développement économique.
Steve Paterno, qui est pigiste au Soudan, a participé à ce colloque. Il a dit que dans certains pays, la question du réchauffement de la planète est liée au commerce et à la corruption. " Je ne comprends pas comment vous pouvez séparer ces dossiers, notamment dans les pays qui sont très loin d'être démocratiques ", a fait remarquer M. Paterno.
Le coût à long terme du changement climatique
Parmi les projets en cours d'Internews, cet organisme tente d'établir des liens avec des journalistes en Chine et dans le centre et le sud asiatiques pour montrer comment le recul des glaciers de l'Himalaya réduira de manière significative les quantités d'eau qui finissent dans les grands fleuves tels le Mékong, le Yangtze et le Gange, ce qui aura des " conséquences catastrophiques pour toute la région ".
Ce n'est que tout récemment que cette question a été abordée en Chine, a dit M. Murphy. " Jusque-là, il n'y avait presque aucune discussion à ce sujet, ni dans les médias nationaux de la région ni dans les zones touchées. "
Mais il a ajouté que les Chinois " commencent à constater le coût économique réel qui a découlé d'une décennie de croissance au cours de laquelle l'environnement avait été ignoré " ; et les responsables chinois s'intéressent maintenant beaucoup plus à la préservation de l'environnement dans le cadre d'une croissance durable, " ne souhaitant pas payer les conséquences de la négligence écologique sous la forme de soins de santé, de pollution et de nettoyages de sites pollués ".
Jon Sawyer est directeur du Centre Pulitzer pour les reportages sur les crises ; il dit que l'un des défis que doivent relever les journalistes qui couvrent le changement climatique et d'autres situations de crise, c'est d'être vigilants pour rester objectifs quant aux faits tout en offrant les informations nécessaires à ceux qui souhaitent prendre des mesures pour remédier aux problèmes.
M. Sawyer a recommandé aux journalistes d'essayer de rédiger leurs reportages de manière à inviter la participation de leur public et à l'éduquer tout en encourageant " de nouvelles possibilités de discussion et de débat entre toutes les personnes intéressées ".
Source : "America.Gov" Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat.
Site Internet : http://www.america.gov/fr/
Lire l'article (719 hits)