Par Cheryl Pellerin
Rédactrice
Washington - La prise de conscience, de par le monde, de l'existence d'une relation entre les changements climatiques et la santé, incite peu à peu les responsables de la santé publique - les premiers intervenants dans les situations d'urgence - à préparer leur population et leur dispositif médical au pire.
Les milieux scientifiques du monde entier sont globalement d'accord : le climat de notre planète est en train de changer, ces changements découlent des activités humaines et les conditions climatiques ont une influence directe sur les fonctions biologiques essentielles à la vie sur terre.
En avril 2008, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait choisi le thème " Protéger la santé face au changement climatique » pour sa Journée mondiale de la santé. La même année, aux États-Unis, le thème de la Semaine nationale de la santé publique était " Le changement climatique : notre santé est en jeu ». Au Congrès américain, une commission de la Chambre des représentants a tenu une séance sur ce thème avec la participation de climatologues et d'experts médicaux.
" Le système de santé publique sera le premier intervenant, sur la ligne de front, en cas de situations d'urgence causées par les changements climatiques », a déclaré le docteur Georges Benjamin, directeur général de l'Association américaine de la santé publique (APHA), à la Commission spéciale de la Chambre sur la dépendance énergétique et le réchauffement climatique. " Le système de santé publique jouera un rôle clé dans les initiatives visant à informer et à former la nation, ainsi qu'à l'inciter à l'action au regard des changements qu'il faudra effectuer pour atténuer le problème. »
Cette année, plusieurs études ont été menées depuis janvier 2009, et de nombreux rapports publiés, sur les coûts et les effets des changements climatiques sur la santé publique alors qu'un nombre croissant d'organismes se penchent attentivement sur la question : un rapport de l'OMS intitulé " Protéger la santé face au changement climatique », énonce les études prioritaires internationales relatives à la santé et au changement climatique, tandis qu'une autre étude, menée par des scientifiques aux États-Unis, visait l'effet, sur le climat et la santé, des émissions causées par les biocarburants et l'essence.
La politique énergétique = la politique de santé
De par le monde, les populations subissent déjà les conséquences des maladies dont la prévalence dépend du climat et qui tuent des millions de personnes, indique l'OMS. La sous-alimentation cause plus de 3,5 millions de décès par an, les maladies diarrhéiques tuent plus de 1,8 million de personnes et le paludisme près de 1 million. D'autres récents événements laissent entrevoir un avenir altéré par les changements climatiques : en 2003, une vague de chaleur en Europe, qui a fait 70.000 morts ; plusieurs épidémies de fièvre de la vallée du Rift, qui ont éclaté en Afrique ; en 2005, l'ouragan Katrina, qui a tué 1.800 personnes et fait des milliers de déplacés ; la prévalence du paludisme sur les hautes terres de l'Afrique de l'Est ; les épidémies de choléra au Bangladesh.
" Le réchauffement de la planète est différent des autres menaces à la santé du fait que les changements climatiques - contrairement aux toxines ou aux microbes qui touchent une cible unique - ont des conséquences à des niveaux multiples, exposant la santé à divers dangers par des voies diverses », a dit le Dr Jonathan Patz, qui enseigne à la faculté des sciences de la santé publique et à l'Institut Nelson, qui relèvent de l'université du Wisconsin à Madison.
Des scientifiques de l'université du Minnesota, de l'université Stanford en Californie, du Laboratoire national Argonne dans l'Illinois, et de l'institut Industrial Economics au Massachusetts, se sont penchés sur l'une de ces voies, publiant leur étude en février dans la revue Proceedings de l'Académie nationale des sciences.
" Pour chaque milliard de gallons de carburant produits et utilisés aux États-Unis, le coût de leur effet sur le climat et sur la santé s'élève à 469 millions de dollars, s'il s'agit d'essence. Il sera de 472 à 952 millions de dollars pour l'éthanol de maïs, selon les méthodes et la technologie utilisées pour le bioraffinage (gaz naturel, canne de maïs ou charbon) ; mais ce coût ne sera que de 123 à 208 millions de dollars s'il s'agit d'éthanol cellulosique, selon qu'il provient de la biomasse de prairie, de plantes herbacées tels le miscanthus et le panic érigé, ou de la canne de maïs.
" Les défis que représentent les changements climatiques requièrent une intervention urgente pour améliorer l'infrastructure du système de la santé publique et la planification urbaine, et pour améliorer la conservation de l'énergie », a dit le Dr Patz.
Protéger la santé publique
Dans le monde entier, des responsables de la santé publique évaluent les mesures d'intervention actuellement en vigueur pour déterminer lesquelles doivent être ajoutées pour atténuer les conséquences des changements climatiques sur la santé, en ciblant notamment la prévention des maladies chez les femmes et les enfants dans les pays en développement et les autres populations vulnérables. En mai 2008, les 193 États membres de l'Assemblée mondiale de la santé ont approuvé une résolution qui appelle à un engagement plus ferme de la part des pays membres de l'OMS pour protéger la santé des populations de l'effet du réchauffement planétaire.
Aux États-Unis, par exemple, le Centre d'épidémiologie des États-Unis (Centers for Disease Control and Prevention ou CDC) joue un rôle primordial de prévention et de traitement des effets des changements climatiques sur la santé, en établissant des systèmes qui permettront de détecter les maladies et de surveiller leur évolution, en prenant des mesures pour être prêts à intervenir mais aussi à gérer les risques afférents. Les scientifiques du CDC ont des connaissances particulières dans le domaine de la surveillance des maladies, de l'effet de l'environnement sur la santé, des bases de données géographiques et des modèles informatisés de la propagation des maladies, de la préparation et de la formation pour l'intervention en situations d'urgence, a dit le docteur Howard Frumkin, directeur du Centre national pour la santé et l'environnement et de l'Agence responsable du registre des substances toxiques et des maladies transmissibles au CDC.
L'OMS et ses partenaires - le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation météorologique mondiale (OMM) - mettent au point un plan de travail et un calendrier de recherches pour parvenir à de meilleures estimations de l'étendue et de la nature de la fragilité de la santé liée aux changements climatiques. Elles souhaitent aussi déterminer quelles sont les stratégies et les outils nécessaires pour y faire face, notamment la mise en place de dispositifs plus efficaces de surveillance et de prévision de même que des services de santé primaire renforcés.
Dans son récent rapport sur les priorités mondiales pour les recherches sur la protection de la santé face aux changements climatiques, l'OMS a offert une série de recommandations relatives aux principaux domaines de recherche et de gestion des risques, de même que des conseils pour faire avancer ce dossier. L'OMS souligne entre autres :
- que les recherches sur les changements climatiques et la santé doivent être plus fermement ancrées dans le cadre de l'amélioration de la santé mondiale et de l'équité dans ce domaine en général, plutôt que d'être considérées comme étant un dossier indépendant ;
- qu'il est nécessaire d'améliorer les méthodes d'évaluation des risques pour offrir aux décideurs politiques des informations plus complètes quant au vaste éventail de conséquences des changements climatiques sur la santé aux niveaux international, national et local ;
- que les recherches sur les mesures d'atténuation et d'adaptation aux changements climatiques dans divers secteurs et les décisions prises à cet égard peuvent influencer l'effet de ces changements sur la santé, en prévenir les conséquences néfastes et ouvrir le champ à la promotion d'une meilleure santé.
Source : Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat.
Site Internet : http://www.america.gov/fr/
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