Les autoroutes françaises accélèrent leur mutation vers l’éco-mobilité. Modes de construction moins polluants, recyclage de l’asphalte, mais surtout développement des modes de transport décarbonés avec la voiture électrique et de la multimodalité avec des voies réservées au transport collectif. Gros plan sur le succès en cours : les bus Express.
Autoroute A10, au sud de la capitale, 8h30 du matin. Vous n’êtes plus qu’à quelques kilomètres de Paris, mais votre GPS vous indique encore cinquante minutes pour atteindre la porte d’Orléans. Les voitures devant vous n’avancent pas. Quand soudain, un autocar puis un bus vous dépassent sur votre gauche. Leurs occupants, eux, arriveront à l’heure, et ne perdront pas leurs nerfs dans les embouteillages… Cette scène quotidienne est en train de faire des émules partout en région parisienne et en province. Car la révolution de la mobilité durable a atteint les autoroutes.
A Longvilliers, une gare d’un genre nouveau
Restons sur l’autoroute A10 que les Franciliens connaissent bien. Quelques kilomètres au nord du fameux péage de Saint-Arnoult, juste après Dourdan, une nouvelle gare routière multimodale a ouvert ses portes en décembre dernier à Longvilliers. Cette gare est le symbole de la stratégie multimodale des SCA (sociétés concessionnaires d’autoroutes), comme ici avec VINCI Autoroutes qui a mis cette stratégie au cœur de sa politique d’autoroute bas carbone, avec le développement du co-voiturage et des bornes de recharge électrique. À Longvilliers, les habitants des environs disposent de parkings pour laisser leurs voitures et ont accès à un nouveau mode de transport vers Paris : le bus Express. Celui-là même qui dépasse les voitures coincées dans les embouteillages. À leur bord, d’ex-automobilistes qui ont troqué leur volant pour un Pass Navigo.
Le projet remonte à 2017 quand l’opérateur autoroutier a mis en place un tronçon pilote de 3,3 km disposant d’une voie dédiée au seul transport en commun (bus et autocars). Le succès est immédiat, l’expérimentation s’élargit à 33 km, entre Dourdan et Melun. Sur la tranche horaire fatidique de 6-9 heures, chaque matin, 27 départs de bus offrent désormais une alternative à la voiture. Cette voie spécifique « permet de gagner cinq à sept minutes de trajet mais, comme pour l’ensemble de nos voies réservées, sa véritable réussite est d’offrir de la régularité, de la ponctualité, de la fluidité. Les voyageurs savent qu’ils ne rateront pas leur correspondance RER, Transilien, tramway ou encore TGV », explique Alain Monteil, directeur des routes d’Ile-de-France. Sur d’autres tronçons, des voies sont également réservées en fonction du trafic et des heures de pointe. « Tous ces dispositifs partagent un même objectif : favoriser les transports collectifs tout en ne risquant pas d’ajouter ou de provoquer de congestion à des voies déjà saturées », ajoute Alain Monteil.
Changer les mentalités en faveur des bus Express
Toujours en Ile-de-France, d’autres zones ont été adaptées à l’éco-mobilité, comme les 17 km de la N118 entre Paris et Vélizy. Les pouvoirs publics ont mis du temps à entrer dans la danse, mais la tendance s’accélère. Selon le spécialiste des mobilités Jean-Pierre Orfeuil, professeur à l’Ecole d’urbanisme de Paris, « culturellement, historiquement, traditionnellement, les transports en commun en Ile-de-France sont dévolus au rail, et en creux, la voiture à la route. Le retard à l’allumage est immense, mais ces lignes de bus Express entre Dourdan et Massy ou entre Mantes-la-Jolie et la Défense, prouvent que les lignes bougent, que les mentalités évoluent, que la demande est là aussi. Reste maintenant à faire émerger un véritable réseau régional ». Ces lignes « à bouger » sont autant du ressort de la demande des usagers que de l’offre des opérateurs d’autoroutes, et à la promotion que ceux-ci font de la modularité des modes de transport. « Le bus est ici en train d’échapper à son image longtemps négative, à la fois désuet, désagréable, polluant, et prouve au contraire à quel point il peut être moderne, équipé en wi-fi, confortable et fiable », affirme André Broto, ex-directeur de la stratégie et de la prospective chez VINCI Autoroutes.
Toutes tendances politiques confondues, les représentants des collectivités locales sont très favorables à ce type d’infrastructures, beaucoup moins coûteuses à mettre en place que de nouvelles lignes de voies ferrées. En Essonne, le conseil départemental est en pointe dans le combat des bus Express, synonyme de désenclavement de certaines zones peu desservies par le rail. François Durovray, président du conseil départemental et rapporteur d’un plan Marshall des transports de la Grande couronne, milite entre autres pour développement de voies express sur les autoroutes pour les transports collectifs : « Nous partons d’un constat : les déplacements sont plus compliqués en Grande couronne que sur Paris, ils se font principalement sur la route, par voiture, et les besoins vont augmenter dans les années qui viennent. Les autoroutes sont bouchées parce qu’il n’y a qu’1,2 passager par voiture. Notre idée, c’est de garder le même nombre de voies, on réduit un peu la largeur et on dégage de l’espace pour créer des voies bus express permettant de rejoindre Paris plus rapidement. » Toutes les options sont sur la table, mais une chose est sûre : en région parisienne, tous les acteurs réclament la généralisation de ces voies destinées au transport collectif.
En région aussi, les bus Express ont la cote
Des projets similaires de voies réservées aux bus Express sont en train de voir le jour dans la région toulousaine, sur deux trajets : Toulouse-Albi sur l’A68 et Toulouse-Muret sur l’A64. « L’État a donné son feu vert », a assuré Carole Delga, président de la région Occitanie en décembre dernier. Toujours dans la région, un projet identique à la gare routière de Longvilliers est également dans les tuyaux, sur l’A61 au niveau de Castenet. Les travaux y seraient facilités par l’existence d’un pont inutilisé : l’opérateur créerait ici une gare routière et une halte destinée au bus Express entre Toulouse et Narbonne. L’objectif des pouvoirs publics est clair : parvenir à désengorger l’agglomération toulousaine et faire d’une pierre deux coups. Car plus les automobilistes opteront pour les transports collectifs, plus les émissions de CO2 de la région diminueront.
Partout en France, les régions font le même calcul : les bénéfices des voies réservées sont nombreux, sur le trafic, sur la qualité de l’air et sur l’impact global des transports sur l’environnement. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ce sont les constructeurs Colas, Eurovia et Eiffage qui vont aménager des tronçons pour accueillir des voies dédiées au transports collectif sur l’A5 et l’A51. Toujours dans cette région, VINCI Autoroutes a récemment signé une nouvelle convention avec le président de région, Renaud Muselier, pour l’élargissement des travaux d’infrastructures liées à l’éco-mobilité. Depuis ces dix dernières années, les autoroutes françaises sont en train de se réinventer, afin de coller à l’objectif national du « zéro émission » de gaz à effet de serre d’ici 2050. Reste à généraliser toutes ces solutions sur l’ensemble du territoire. Et d’y mettre les moyens.
Crédit photo d'illustration Wikimedia Commons Chabe01
[ECONOCIR]
09/12/24 à 11h08 GMT